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Les changements apportés par la loi du 22 décembre 2021   Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, chaque personne placée sous écrou pouvait bénéficier d’un crédit de réduction de peine et d’une réduction supplémentaire de peine. Cette loi a supprimé ces réductions de peine. Désormais, le juge de l’application des peines peut accorder une réduction de peine uniquement en cas de bonne conduite et d’efforts sérieux de réinsertion. Néanmoins, les nouvelles dispositions insérées par la loi ne sont applicables qu’aux personnes placées sous écrou à compter du 1er janvier 2023 quelle que soit la date de commission de l’infraction. Les personnes placées sous écrou avant cette date demeurent donc soumises à l’ancien régime du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la présente loi.   Le régime applicable aux personnes placées sous écrou avant le 1er janvier 2023 :   Le crédit de réduction de peine : L’ancien article 721 du Code de procédure pénale prévoyait que chaque condamné bénéficiait de manière automatique d’un crédit de réduction de peine. Néanmoins, celui-ci pouvait être retiré en cas de mauvaise conduite.   Comment était calculée la réduction de peine ? 3 mois : pour la première année 2 mois : pour les années suivantes 7 jours : pour la partie de peine inférieure à une année pleine ou pour une peine de moins de 1 ans Pour les peines inférieures à 1 an, le total de la réduction de peine ne pouvait excéder 2 mois. Exemple : un individu a été condamné à 5 ans d’emprisonnement. 3 (1ère année) x 2 (2ème année) x 2 (3ème année) x 2 (4ème année) x 2 (5ème année) = 11 La personne pourra donc bénéficier d’une réduction de peine de 11 mois.   La réduction supplémentaire de la peine L’ancien article 721-1 du Code de procédure pénale prévoyait qu’une réduction supplémentaire de la peine pouvait être accordée aux condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale (ex : passer avec succès un examen scolaire, universitaire ou professionnel, justifier de progrès réels dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation …). A la différence du crédit de réduction de peine, la réduction supplémentaire de peine n’était pas automatique mais était accordée par le juge de l’application des peines.   Comment était calculée la réduction supplémentaire de la peine ? L’ancien article 721-1 du Code de procédure pénale prévoyait que cette réduction supplémentaire de peine ne pouvait excéder trois mois par année d’incarcération ou sept jours par mois lorsque la durée d’incarcération restant à subir était inférieure à une année.   Le régime applicable aux personnes placées sous écrou à compter du 1er janvier 2023 : Le nouvel article 721 du Code de procédure pénale dispose que « une réduction de peine peut être accordée par le juge de l’application des peines, après avis de la commission de l’application des peines, aux condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté qui ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite et qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion ». L’octroi de cette réduction de peine n’est donc plus automatique dès le placement sous écrou de la personne condamnée. En ce qui concerne le calcul de cette réduction de peine, elle ne peut excéder 6 mois par année d’incarcération et quatorze jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an.   Comment sont appréciés la bonne conduite et les efforts sérieux de réinsertion ? Le législateur a précisé que les preuves suffisantes de bonne conduite sont appréciées en tenant compte notamment de l’absence d’incidents en détention, du respect du règlement intérieur de l’établissement ou des instructions de service, de l’implication dans la vie quotidienne ou du comportement avec le personnel pénitentiaire ou exerçant à l’établissement, avec les autres personnes détenues et avec les personnes en mission ou en visite. Les efforts sérieux de réinsertion sont appréciés en tenant compte notamment du suivi avec assiduité d’une formation scolaire, universitaire ou professionnelle ayant pour objet l’acquisition de connaissances nouvelles, des progrès dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation et de l’engagement dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, de l’exercice d’une activité de travail, de la participation à des activités culturelles.
Lorsque plusieurs infractions ont été commises avant qu’un jugement définitif n’ait été rendu, on parle de « concours d’infractions ». Ce dernier est prévu aux articles 132-2 et suivants du Code pénal.    Lorsque les faits distincts font l’objet d’une seule procédure : En droit français, en cas de concours d’infractions, les peines ne se cumulent pas. En effet, le législateur a prévu à l’article 132-3 du Code pénal que « chacune des peines encourues peut être prononcée. Toutefois, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu’une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé. Chaque peine prononcée est réputée commune aux infractions en concours dans la limite du maximum légal applicable à chacune d’entre elles ». Exemple : un individu a commis un vol (puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende). Avant d’avoir été définitivement condamné pour ce vol, il commet une escroquerie (punie de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende). L’individu pourra être condamné pour vol et escroquerie. Néanmoins, pour ces 2 infractions, sa peine ne pourra excéder 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amendes.     Lorsque les faits font l’objet de procédures distinctes : Lorsque les faits ont fait l’objet de plusieurs jugements de condamnations, la règle du non-cumul reste le principe. Or, si le second juge condamne l’individu sans avoir connaissance de la peine prononcée par le premier juge, il y a un risque que les peines cumulées dépassent le maximum légal le plus élevé. Ainsi, le législateur a prévu à l’article 132-4 du Code pénal que la confusion totale ou partielle des peines de même nature peut être ordonnée soit par la dernière juridiction appelée à statuer, soit dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. Exemple : si le premier juge a condamné l’individu a une peine de 2 ans d’emprisonnement pour vol et que le second condamne ce même individu à une peine de 4 ans d’emprisonnement pour escroquerie, la peine d’emprisonnement s’élève in fine à 6 ans. L’individu peut donc demander une confusion des peines afin que celle-ci soit abaissée à 5 ans (maximum légal du délit d’escroquerie, qui est l’infraction la plus sévèrement réprimée).   Les exceptions : L’article 132-7 du Code pénal prévoit que les contraventions se cumulent entre celles et avec celles encourues ou prononcées pour des crimes ou délits en concours. De même, pour certains délits, la règle du non-cumul ne s’applique pas. L’article 434-23 du Code pénal relatif à l’usurpation d’identité prévoit que « les peines prononcées pour ce délit se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles qui auront été prononcées pour l’infraction à l’occasion de laquelle l’usurpation a été commise ». De même, l’article 434-31 du Code pénal relatif à l’évasion dispose que « les peines prononcées pour le délit d’évasion se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles que l’évadé subissait ou celles prononcées pour l’infraction à raison de laquelle il était détenu ».
Qu’est ce qu’un mineur au sens de l’alinéa 2 de l’article 729-3 du Code de procédure pénale ? Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 1er juin 2022, n°21-84.648  Le législateur, sensible aux obligations familiales des personnes condamnées, a adopté le 15 juin 2000 la possibilité pour ces personnes d’obtenir une libération conditionnelle anticipée afin d’exercer l’autorité parentale sur leur enfant de moins de 10 ans (article 729-3 du Code de procédure pénale). L’alinéa 2 de cet article pose toutefois une réserve : cet aménagement de peine ne peut être accordé dans les cas où la personne condamnée a commis un délit ou un crime sur un mineur. La question posée étant de savoir si la minorité s’entend du point de vue pénal (15 ans) ou civil (18 ans) ? La Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue dissiper ces interrogations en jugeant que la minorité visée par l’article 729-3, alinéa 2, du Code de procédure pénale, est la minorité civile fixée à 18 ans. Dès lors, tout délit ou crime commis sur un mineur de moins de 18 ans sera de nature à faire obstacle à la libération conditionnelle parentale.
L’OFFICIER DE POLICE A QUI LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE A ORDONNE DE FAIRE COMPARAITRE PAR LA FORCE UNE PERSONNE DEVANT LA JUSTICE NE PEUT PENETRER DANS SON DOMICILE SANS AUTORISATION Arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 22 Février 2017, n°16-82.412 Ici, le procureur avait demandé aux policiers d’aller chercher un homme soupçonné de violences avec arme pour le faire comparaitre devant lui, conformément à l’article 78 du Code de procédure pénale. N’étant pas présent, les policiers ont pénétré chez lui et ont attendu son retour. La procédure est annulée, car les policiers n’ont pas été autorisés à pénétrer de force dans son domicile par une autorisation spécifique délivrée par un juge.
LA COUR D’ASSISES NE PEUT FIXER UNE PERIODE DE SURETE EGALE AUX DEUX-TIERS DE LA PEINE LORSQUE L’ACCUSE A ETE CONDAMNE A UNE PEINE DE RECLUSION CRIMINELLE A PERPETUITE Arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 12 Mars 2014, n°13-83.536 Après avoir déclaré coupable de meurtre, viol, destruction du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes, en récidive, un individu, la Cour d’Assise l’a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité et fixé aux deux-tiers de la peine la durée de la période de sûreté, or une telle peine ne peut pas être prononcée car il convient de fixer la durée exacte de la peine, ne pouvant excéder 22 ans.
En enquête préliminaire, les agents de police judiciaire peuvent procéder à une perquisition dès lors qu’ils agissent sous le contrôle de l’officier de police judiciaire   Cour de cassation, Chambre criminelle, 7 décembre 2021, 20-82.733   La perquisition est une mesure d’investigation prévue aux articles 56 et suivants du Code de procédure pénale en matière de flagrance et à l’article 76 du même code dans le cadre d’une enquête préliminaire. Cette mesure d’investigation peut se définir comme « la recherche dans un lieu clos qui permet à l’officier de police judiciaire de se transporter au domicile de personnes qui paraissent avoir participé au crime ou détenir des pièces ou objets relatifs aux faits incriminés afin de mettre la main sur des pièces à conviction » (T. Garé et C. Ginestet, droit pénal, procédure pénale, 14e éd., Dalloz).   Le régime de la perquisition est strictement encadré par le législateur.   Le respect des horaires de la perquisition En principe, tant en matière de flagrance qu’en préliminaire, une perquisition ne peut débuter entre 21h et 06h du matin (article 59 du Code de procédure pénale). Néanmoins, une perquisition qui a débutée avant 21h peut valablement se poursuivre après cette heure. Par exception, en matière de stupéfiants, de proxénétisme, de criminalité organisée et de terrorisme, sous certaines conditions les perquisitions peuvent débuter en dehors de ces horaires.   La présence du suspect dans le lieu perquisitionné Dans une enquête de flagrance, l’article 57 du Code de procédure pénale prévoit que la perquisition doit s’effectuée en présence de la personne suspectée. A défaut, l’officier de police judiciaire devra l’inviter à désigner un représentant de son choix. Dans l’impossibilité de procéder à une telle désignation, l’officier de police judiciaire devra choisir 2 témoins en dehors des personnes relevant de son autorité administrative. En revanche, dans le cadre d’une enquête préliminaire, l’article 76 du Code de procédure pénale dispose que les perquisitions ne peuvent être effectuées sans l’assentiment exprès de la personne chez laquelle l’opération a lieu. Si cette personne refuse, et que les nécessités de l’enquête l’exigent, le procureur de la République peut demander au juge des libertés et de la détention d’ordonner la perquisition. Néanmoins, il doit s’agir d’une enquête portant sur un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieur à 3 ans.   La personne habilitée à effectuer la perquisition En enquête préliminaire, seule un officier de policier judiciaire peut effectuer une perquisition. Cette compétence exclusive se déduit de l’article 56 du Code de procédure pénale. En enquête préliminaire, la perquisition peut être réalisée tant par un officier de police judiciaire que par un agent de police judiciaire. En effet, la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 7 décembre 2021 que « les agents de police judiciaire peuvent, en enquête préliminaire, et au contraire de l’enquête de flagrance, procéder à une perquisition dès lors qu’ils agissent sous le contrôle de l’officier de police judiciaire » (Cass.crim 7 déc. 2021, 20-82.733). Dans cet arrêt, la Cour de cassation a précisé que l’existence de ce contrôle doit être établie par une mention expresse au procès-verbal de perquisition ou peut résulter, à défaut, d’une mention spécifique dans les pièces de procédure. L’effectivité de ce contrôle ne peut donc pas être déduit du seul visa du commissaire de police apposé sur le soit-transmis de clôture de la procédure au procureur de la République, l’existence du contrôle d’un officier de police judiciaire sur les perquisitions sans mentionner aucune autre pièce de nature à en établir la réalité. L’exercice de ce contrôle est une condition de la régularité de la recherche de la preuve et son absence constitue un vice de procédure. La nullité de la mesure pourra donc être encourue à condition de démontrer l’existence d’un grief. L’existence du grief exigé par ce texte est établie lorsque l’irrégularité elle-même a occasionné au requérant un préjudice, qui ne peut résulter de sa seule mise en cause par l’acte critiqué (Cass. Crim., 7 septembre 2021, n° 20-87.191).
Analyse de l’étude du Ministère de la Justice: quelles condamnations ressortent le plus souvent pour les personnes morales ?   Le ministère de la justice vient de publier une étude statistique dans laquelle on apprend qu’en 2015 plus de 5000 condamnations ont été prononcées à l’encontre de personnes morales. En 2000 seules 200 étaient concernée par ces condamnations (Infostat Justice, n° 154, « Le Traitement judiciaire des infractions commises par les personnes morales »). Cependant, cette augmentation ne traduit pas forcément un durcissement de la politique pénale face au monde des affaires. C’est même le contraire puisqu’il apparait que la responsabilité pénale de la personne morale prend souvent le pas sur celle de ses décideurs et dirigeants. Quel est alors le caractère dissuasif des poursuites pénales dans la mesure où, toujours en 2015, dans 55% des affaires jugées, la personne morale était poursuivie seule, le dirigeant, lui, échappant aux poursuites.  Une amende dans la majorité des peines prononcées Lorsque la réponse pénale apportée à une infraction n’est pas une mesure alternative, soit dans 71 % des cas, comme la simple régularisation, la peine prononcée est alors de manière quasiment systématique une amende. Cela concerne 96% des peines prononcées pour un montant de 17 000€. Par ailleurs, pour 3 personnes morales sur 4 condamnées la somme de l’amende était inférieure à 6000€. Soit des sommes bien en deçà des montants des amendes prononcées par les autorités administratives indépendantes comme l’Autorité de la concurrence ou l’Autorité des marchés financiers. Qu’en est-il des peines dissuasives Bien évidemment sous ces chiffres se cache une forte différence en fonction des matières concernées mais ils révèlent cependant une répression mesurée. Aussi, les peines complémentaires réellement dissuasives, comme par exemple l’interdiction d’exercer une activité, ne sont même pas mentionnées.  Elles seraient prononcées trop rarement pour faire l’objet d’un traitement statistique. Les autorités, subissant sans doute le mal de moyens face à des litiges toujours plus complexes, semblent avoir fait de la citation directe le mode de comparution le plus fréquent des personnes morales devant les tribunaux correctionnels.
Une absence qui ne justifie pas toujours un second procès En matière pénale, il n’est pas rare qu’un justiciable, absent à son audience, découvre après coup qu’il a été condamné. La première réaction est souvent la suivante : « Je vais faire opposition ». Pourtant, cette voie de recours n’est pas toujours ouverte. Le Code de procédure pénale encadre strictement les cas dans lesquels une opposition est recevable. Si vous avez été valablement convoqué à l’audience mais que vous ne vous y êtes pas présenté volontairement, vous ne pouvez pas faire opposition. Le législateur et la jurisprudence réservent cette voie aux seules hypothèses où le justiciable n’a pas été régulièrement informé de la tenue du procès.    Le principe : l’opposition, une voie de recours exceptionnelle L’opposition permet à un prévenu jugé en son absence d’être rejugé dans les mêmes conditions, comme s’il comparaissait pour la première fois. Mais ce droit n’est ouvert que si le jugement a été rendu “par défaut”, c’est-à-dire sans convocation régulière ou personnelle, ou en cas d’empêchement légitime non connu du tribunal.  Article 489 du Code de procédure pénale : « Le jugement contradictoire rendu en l’absence du prévenu, lorsqu’il n’a pas été cité à personne ni représenté à l’audience, peut faire l’objet d’une opposition, sauf si la citation a été faite à domicile et retirée. »  Autrement dit, si vous avez été cité à personne (en main propre), par huissier, officier de police judiciaire, ou via une lettre recommandée retirée, le jugement n’est pas “par défaut” mais “contradictoire à signifier”. Dans ce cas, vous ne pouvez pas faire opposition. Vous ne pouvez que faire appel dans un délai de 10 jours à compter de la signification du jugement.    Une jurisprudence constante : pas d’opposition en cas de convocation régulière La jurisprudence pénale est constante sur ce point : la régularité de la convocation exclut le droit à opposition. Plusieurs arrêts viennent souligner que seule une absence de notification personnelle ou une irrégularité de la citation peut permettre de former une opposition.  Cass. crim., 19 octobre 1999, n° 99-85.935 : Le jugement rendu en l’absence du prévenu est nul si la citation n’a pas respecté le délai de dix jours prévus à l’article 552 du Code de procédure pénale. Cela signifie que si la convocation est trop tardive (moins de 10 jours avant l’audience), le jugement peut être annulé, et l’opposition redevenir recevable.  Article 552 du Code de procédure pénale : « Sauf disposition contraire, le délai entre la citation et la comparution est au moins de dix jours si la citation n’est à personne. » Cette exigence garantit les droits de la défense : le temps de préparer son audience est un droit fondamental. Principe constant : L’opposition est irrecevable si le prévenu a été cité à personne et ne s’est pas présenté à l’audience sans motif légitime. Dans ce cas, le jugement est contradictoire à signifier, au sens des articles 410 et 498 du Code de procédure pénale, et seule la voie de l’appel est ouverte.  Article 410 CPP : « Est contradictoire le jugement rendu en présence du prévenu, ou après que le prévenu a été cité à personne ou représenté à l’audience. »  Article 498 CPP : « Le jugement rendu par défaut ou contradictoire peut être frappé d’appel dans un délai de dix jours à compter de sa signification. »    Que peut faire un prévenu jugé en son absence malgré sa convocation ? Si vous avez été valablement convoqué, que ce soit : Par citation en main propre (huissier ou OPJ), Par lettre recommandée avec accusé de réception retirée, Ou par procès-verbal de signification régulière, …alors vous ne pourrez pas faire opposition. Votre seule possibilité est de faire appel dans les dix jours suivant la signification du jugement. Ce recours peut permettre d’obtenir une audience devant une juridiction d’appel pour faire valoir vos arguments et contester la peine prononcée.   Conclusion : la responsabilité du justiciable face à la convocation L’idée selon laquelle on pourrait volontairement ne pas se présenter à l’audience et espérer faire “redémarrer” le procès par opposition est une erreur de droit. L’opposition n’est pas une seconde chance automatique. Elle suppose que le justiciable n’ait pas été informé dans les formes, ou qu’un empêchement réel ait empêché sa comparution sans faute de sa part.  En droit pénal, le respect de la procédure garantit les droits, mais impose aussi des devoirs à chaque justiciable : prendre au sérieux toute convocation et agir dans les délais.
Une lenteur judiciaire qui interroge les droits fondamentaux Il n’est pas rare qu’un justiciable soit confronté à une procédure pénale qui s’étire sur de nombreuses années, parfois plus d’une décennie. L’instruction piétine, les actes d’enquête tardent, et les décisions se font attendre. Face à cette situation, une question revient souvent : peut-on tenir un agent de l’État – magistrat, greffier ou enquêteur – personnellement responsable de cette lenteur ? La réponse est nuancée : non, on ne peut pas engager directement la responsabilité d’un agent de l’État pour la durée excessive d’une procédure. Mais il est possible d’engager la responsabilité de l’État lui-même, au titre d’un dysfonctionnement du service public de la justice.   Le principe : une responsabilité de l’État, non des individus En droit français, la justice est rendue au nom de l’État. Les magistrats et agents judiciaires bénéficient donc d’une immunité fonctionnelle : ils n’engagent pas leur responsabilité personnelle pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, sauf exception très étroite (faute personnelle détachable du service). En revanche, si la procédure a duré de manière manifestement excessive, l’État peut être tenu responsable, en application de l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire, issu de la loi du 5 juillet 1972 : L’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. […] Cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice. La lenteur excessive d’une instruction pénale, sans justification sérieuse au regard de la complexité du dossier, peut constituer un déni de justice, même sans démonstration d’une faute lourde.   Une jurisprudence constante en faveur du droit à un délai raisonnable La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et la Cour de cassation rappellent régulièrement que le droit à un procès dans un délai raisonnable est un principe fondamental de l’État de droit (article 6 -1 de la Convention EDH). CEDH, Capuano c. Italie, 25 juin 1987 : une durée de procédure excessive constitue en soi une violation du droit au procès équitable. Le juge national peut donc être saisi pour obtenir la réparation d’un préjudice moral ou matériel, causé par l’attente injustifiée, les conséquences professionnelles ou les troubles dans les conditions d’existence.   Quelle démarche engager ? Saisine du Tribunal judiciaire de Paris La responsabilité de l’État pour dysfonctionnement de la justice relève exclusivement du Tribunal judiciaire de Paris. Le demandeur doit : Démontrer la durée anormale de la procédure (ex. : plus de 10 ou 15 ans sans avancée notable) ; Justifier d’un préjudice personnel, direct et certain (angoisse, atteinte à la vie privée, impossibilité de tourner la page…) ; Et expliquer pourquoi cette durée est injustifiée, au regard de la complexité et du volume de l’affaire. L’action est dirigée contre l’Agent judiciaire de l’État (AJE), représentant de l’État devant les juridictions civiles. Saisine éventuelle de la CEDH Si les recours internes sont épuisés, il est également possible de saisir la Cour européenne des droits de l’homme, dans un délai de 4 mois à compter de la dernière décision. La CEDH peut condamner l’État à verser une indemnité pour violation du droit à un délai raisonnable. En pratique : pas de responsabilité directe de l’agent judiciaire Il peut être tentant, pour un justiciable dont le dossier est resté bloqué pendant quinze ans, de pointer la responsabilité du magistrat instructeur. Pourtant, ce n’est juridiquement pas possible. La lenteur relève du fonctionnement global du service public de la justice, et non d’un manquement personnel d’un agent. Il ne s’agit pas d’un oubli ponctuel ou d’un acte malveillant (ce qui relèverait d’une faute personnelle), mais d’un dysfonctionnement structurel ou organisationnel. Et cela, seul l’État peut en répondre.   Conclusion : oui, l’État peut être poursuivi pour la durée excessive d’une procédure, mais pas son agent Le justiciable victime d’une procédure anormalement longue dispose bien d’un recours pour obtenir réparation, mais il doit s’adresser à l’État, non à l’agent. C’est un principe fondamental de notre droit : la responsabilité des institutions prime sur celle des individus, dès lors que ceux-ci agissent dans le cadre de leurs fonctions.  Un conseil : toute situation de procédure pénale inactive depuis plusieurs années doit faire l’objet d’une analyse par un avocat. Celui-ci pourra envisager une action en responsabilité contre l’État ou une relance de l’instruction.
Dans quelles circonstances un policier peut-il contraindre par la force, un individu à se rendre au commissariat ?   Le législateur a prévu une liste limitative de situations dans lesquelles un policier peut contraindre par la force un individu à se rendre au commissariat.   En cas de flagrant délit En vertu de l’article 53 du Code de procédure pénale, le flagrant délit est caractérisé dès lors que le crime ou le délit se commet actuellement, qu’il vient de se commettre ou lorsque dans un temps très voisin de l’infraction la personne est poursuivie par la clameur publique ou est trouvée en possession d’objets ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit. Ainsi, un individu soupçonné dans le cadre d’une enquête de flagrance peut être conduit de force au commissariat par un policier pour être présenté devant un officier de police judiciaire.   Dans le cadre d’une enquête préliminaire L’article 78 du Code de procédure pénale énonce les cas dans lesquels un individu peut être conduit de force au commissariat dans le cadre d’une enquête préliminaire : « L’officier de police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique, avec l’autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n’ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu’elles ne répondent pas à une telle convocation. Le procureur de la République peut également autoriser la comparution par la force publique sans convocation préalable en cas de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pressions sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches, ou de concertation entre les coauteurs ou complices de l’infraction ».   La vérification d’identité Les officiers de police judiciaire peuvent, dans certaines circonstances procéder à des contrôles d’identité. Cependant, lorsque l’individu contrôlé refuse de justifier de son identité ou n’est pas en mesure de le faire, il peut être retenu sur place ou être conduit au commissariat afin de vérifier son identité. Il convient tout de même de préciser que l’individu ne peut pas être retenu au-delà du temps qui est strictement nécessaire à une telle vérification sans que ce délai ne puisse dépasser 4 heures (8 heures à Mayotte).   Le mandat de recherche Le mandat de recherche est un acte délivré par un magistrat à l’encontre d’un individu à l’encontre duquel il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre une infraction. L’article 122 du Code de procédure pénale le définit comme « l’ordre donné à la force publique de rechercher la personne à l’encontre de laquelle il est décerné et de la placer en garde à vue ». Les policiers chargés d’exécuter le mandat de recherche sont donc habilités à interpeller un individu et à le conduire par la force au commissariat.   En ce qui concerne l’interpellation de l’individu, il est utile de préciser que l’usage des menottes ou entraves ne doit pas être systématique. En effet, selon l’article 803 du Code de procédure pénale « Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ». Ainsi, si un individu ne fait pas usage de la force et décide de se laisser emmener au commissariat, le port de menottes ou entraves ne saurait être justifié.
Le principe de réparation intégrale du préjudice est bien illustré par l’analyse d’un poste de dépense important tel que le logement. En effet, pour accéder à un logement adapté à son handicap, la victime débourse souvent des frais très conséquents. La nomenclature Dintilhac défini les frais de logement adapté comme : « frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d’un habitat en adéquation avec son handicap ». Cette indemnisation se situe en phase post-consolidation du handicap. Une indemnisation pré-consolidation est possible au titre du post de préjudice temporaire. L’accès à un logement adapté peut passer par l’adaptation du logement actuel de la victime, que celle-ci soit locataire ou propriétaire. Lorsque des travaux d’aménagement ne sont pas possible dans ce logement, la victime peut se voir indemniser les frais nécessaires à l’acquisition et l’adaptation d’un nouveau logement.   1° L’adaptation du logement actuel La première mesure d’adaptation possible, et privilégiée, est la réalisation de travaux dans le logement actuel de la victime. Les travaux nécessaires sont déterminés par un expert, en fonction du niveau de handicap de la victime, puis chiffrés par des techniciens assistant les parties. L’indemnisation est fixée par le juge, en fonction de la situation et des besoins individuels de la victime. Ces aménagements peuvent être réalisé dans le logement loué par la victime, s’ils ne sont pas trop importants, dans le logement qu’elle possède, ou dans le logement d’un proche si la victime y réside de façon permanente. Exemples : aménagement de la cuisine ou de la salle de bain. La victime peut apporter la preuve des frais d’aménagement par tous moyens. Exemples : devis, facture…   2° Le déménagement vers un logement adapté Lorsque le maintien dans le logement initial n’est pas possible, la victime peut justifier d’un besoin de changer de logement. C’est à elle de démontrer qu’elle ne peut pas aménager son logement existant. Exemple : Nécessité d’une chambre et salle de bain supplémentaire pour l’accueil d’une tierce personne aidante ; Victime paraplégique logeant dans un immeuble sans ascenseur ; Nécessité d’aménagements suffisamment lourds pour être incompatible avec le caractère provisoire d’une location.   Changement de location Lorsque la victime locataire change de logement pour une nouvelle location adaptée à ses besoins, elle est indemnisée du surcoût de loyer lié au nouvel appartement.   Acquisition d’une propriété L’achat d’un logement peut s’avérer nécessaire, notamment pour y réaliser des travaux importants. Il a été plaidé par les compagnies d’assurance que seuls les frais d’aménagement du logement acquis devraient être indemnisés, au motif que l’acquisition d’un logement conduirait à un enrichissement injustifié de la victime. Mais depuis 1996 et de façon constante, la Cour de cassation admet que lorsque l’achat d’une résidence est nécessaire, par exemple pour pouvoir y réaliser des aménagements importants, le coût total de l’acquisition peut être indemnisé. La nécessité d’acquisition du logement doit alors être une conséquence directe des séquelles du dommage. La Cour de cassation rappelle cette position dans son arrêt de la 2ème chambre civile du 17 octobre 2024 (n°22-19.795) : « En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, compte tenu de l’importance des travaux d’aménagement et du caractère provisoire de la location, l’acquisition d’un logement mieux adapté n’était pas nécessaire pour permettre à la victime de bénéficier de manière pérenne d’un habitat adapté au handicap causé par l’accident, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »   Lorsque le logement est acquis avec un conjoint, la part payée par le conjoint de la victime n’est pas indemnisée. Sont aussi indemnisés à ce titre, les frais de déménagement et d’emménagement. L’indemnisation d’aménagement supplémentaires dans le nouveau logement est toujours possible.     Conclusion : L’évaluation de l’indemnisation des frais de logement adaptée est faite au cas par cas par les juges du fond. L’indemnisation suppose toujours la preuve du lien de causalité direct entre le dommage et l’aménagement effectué. Lorsque ce lien est démontré, l’indemnisation couvre les frais de déménagements, de travaux, de surcoût de loyer et même d’acquisition d’un logement.
Suis-je toujours responsable des dommages causés par mon salarié ?   Aux termes de l’article 1242 alinéa 1er du Code civil « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ». L’alinéa 5 précise que les commettants sont responsables des dommages causés par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.   Pour engager la responsabilité du commettant en raison du dommage causé par son préposé, plusieurs conditions doivent être remplies :   Une faute du préposé   L’existence d’une faute du préposé, au sens de l’article 1240 du Code civil doit être caractérisée. Ainsi, pour pouvoir engager la responsabilité du commettant, il est nécessaire de démontrer l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité.   Un lien de préposition   La jurisprudence a apporté des précisions sur ce qu’il faut entendre par « lien de préposition ». Ainsi, le lien de subordination, d’où découle la responsabilité mise à la charge des commettants suppose essentiellement que ceux-ci ont le droit de faire acte d’autorité en donnant à leurs préposés des ordres ou des instructions sur la manière de remplir, à titre temporaire ou permanent, avec ou sans rémunération, les emplois qui leur ont été confiés pour un temps et un objet déterminé (Cass. crim, 7 nov. 1968, n° 68-90.118).   Un contrat de travail implique donc l’existence d’un lien de préposition.   Une faute en lien avec l’exercice des fonctions du préposé   L’engagement de la responsabilité du commettant nécessite l’existence d’une faute commise par le préposé en lien avec ses fonctions. Dans l’hypothèse où le préposé n’a pas agi en lien avec l’exercice de celles-ci, il convient de s’intéresser à l’existence d’un abus de fonction. Ce dernier exonère le commettant de sa responsabilité.   Selon la Cour de cassation « le commettant s’exonère de sa responsabilité si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions » (Cass. ass. Plénière 19 mai 1988).   Ces 3 conditions cumulatives doivent être démontrées. Or, en pratique, il est très difficile pour le commettant de s’exonérer de sa responsabilité en démontrant l’existence de ces 3 conditions.   Exemples :  Vol : n’a pas agi hors de ses fonctions le préposé d’une entreprise de nettoyage auteur d’un vol dans les locaux d’une bijouterie que son entreprise était chargée de nettoyer, dès lors qu’il a agi sur le lieu de son travail, pendant le temps et à l’occasion de celui-ci (2civ, 22 mai 1995, n°92-19.172).   Viols et agressions sexuelle : absence d’abus de fonction pour un professeur de musique ayant commis des actes de viols et agressions sexuelles sur plusieurs de ses élèves dans la mesure où il a agi sur son lieu de travail et pendant son lieu de travail. Par conséquent, il n’a pas agi hors des fonctions auxquelles il était employé (2civ, 17 mars 2011, n°10-14.468).   Harcèlement moral : absence d’abus de fonction pour un harcèlement moral dans la mesure où les faits ont été commis au temps et sur les lieux du travail, étaient connus de la direction de la société qui n’est pas intervenue pour les faire cesser (Cass. crim, 28 mai 2013, n°11-88.009).   En conclusion, le commettant n’engage pas sa responsabilité en cas d’abus de fonctions de son préposé. Néanmoins, il est en pratique très difficile pour un commettant de démontrer l’existence d’un abus de fonction étant donné que celui-ci suppose que le préposé ait agi hors des fonctions auxquelles il est employé.
L’actualité du préjudice corporel en 2021 La limitation de l’indemnisation des préjudices moraux des enfants à naitre  (Civ.2ème, 11 mars 2021, n°19-17.384) Il était reconnu à l’enfant simplement conçu depuis l’arrêt du 14 décembre 2017 (Civ, 2ème, 14 décembre 2017, n°16-26.687) un préjudice moral en cas de décès de l’un de ses proches.  La décision concernait un enfant à naître qui avait perdu son père suite à un accident de voiture. La question se posait alors de savoir si la décision avait vocation à s’étendre aux frères et sœurs ou encore aux grands-parents. Dans l’arrêt du 11 mars 2021, c’est, en revanche, un coup d’arrêt qui est porté par le juge du droit à cette possibilité d’être indemnisé pour la disparition d’un proche avant la naissance, la deuxième chambre civile estimant qu’un enfant né plusieurs années après la disparition de sa sœur de 10 ans ne peut, faute d’avoir été conçu avant cette disparition, invoquer de préjudice moral. La solution se comprend au regard du principe qui fonde, depuis 2017, la réparation des préjudices moraux des enfants à naître. C’est, en effet, en application de la maxime de l’infans conceptus que la jurisprudence accepte désormais de réparer ces préjudices extrapatrimoniaux estimant qu’il est de l’intérêt des enfants simplement conçus d’être considérés comme nés au moment de la disparition d’un de leurs parents. Cette fiction ne peut bien entendu fonctionner que si l’enfant était conçu au moment du décès de ce proche. Elle doit, en revanche, être écartée lorsque la conception de l’enfant est intervenue après la disparition du parent concerné. Le fondement de cette solution est assez flou car on peine à voir les différences de souffrances entre ces deux situations. Dans les deux cas, c’est l’absence du parent à compter de la naissance qui cause un préjudice à l’enfant. Peu importe la date de disparition du parent, le plus important étant que celle-ci survienne avant la naissance de l’enfant. C’est la réalité des préjudices subis qui devrait conditionner le choix de la réparation, plutôt que perceptions juridiques. Quelle influence doit jouer l’état antérieur d’une victime sur son indemnisation ? (Civ. 2e, 8 avril 2021, no 20-10.621) Depuis de nombreuses années, il y avait une distinction entre les prédispositions pathologiques latentes et les prédispositions pathologiques patentes de la victime. Si les prédispositions pathologiques de la victime n’étaient pas révélées avant l’accident, celles-ci ne pouvaient pas être prises en compte pour réduire le montant de l’indemnisation en application du principe de réparation intégrale. Si les prédispositions pathologiques de la victime étaient connues avant l’accident, celles-ci pourraient venir minorer le montant de la réparation. En revanche, la transformation radicale d’un état antérieur patent ouvre de nouveaux droits à une indemnisation intégrale. La situation du borgne devenu aveugle est souvent invoquée pour illustrer cette exception qui trouve aujourd’hui d’autres domaines d’application. Il en est ainsi de cet accidenté de la route devenu totalement invalide et qui, bien qu’affecté par une incapacité antérieure, s’est vu dans l’impossibilité de poursuivre une activité professionnelle et de mener une vie qualifiée jusqu’alors de normale par l’expertise (Civ. 2e, 19 juillet 1966).   L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 8 avril 2021 s’inscrit dans la lignée de ces solutions. Une salariée souffrait d’une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule prise en charge dans le cadre d’une maladie professionnelle. Elle est ensuite victime d’un accident du travail qui aggrave sa pathologie. Dans la mesure où cette aggravation ne peut pas être rattachée à une incapacité antérieure de la victime, la Cour de cassation estime qu’il est justifié de l’indemniser intégralement au titre de l’accident du travail. Ici pourtant un doute existait sur l’évolution possible de la pathologie originelle de la victime qui aurait pu entrainer une incapacité. Ce doute est ici ignoré par la Haute juridiction au profit de la victime dès lors que les séquelles relevant de la maladie professionnelle de celles liées à l’accident du travail ne peuvent être dissociées. La dévalorisation sociale (Civ. 2e, 6 mai 2021, no 19-23.173 et no 20-16.428) La deuxième chambre civile de la Cour de cassation accepte le 6 mai 2021 d’indemniser, à titre autonome, la dévalorisation sociale subie par la victime directe en raison de son exclusion permanente du monde du travail. La Cour reconnaît l’existence de la part extra patrimoniale de l’incidence professionnelle. Les juges ont fini par prendre en considération la dimension sociale apportée par le travail et à quel point il était vecteur d’épanouissement individuel. En l’espèce, la victime d’un accident ferroviaire a subi un traumatisme crânien important, laissant persister un déficit fonctionnel permanent évalué par les experts à 90 %. Elle est donc dans l’impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle. Sa tutrice forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Limoges le 26 septembre 2019. Elle reproche aux magistrats d’avoir exclu la réparation de tout préjudice lié à l’incidence professionnelle. Elle précise que la victime, par l’effet de l’accident, a subi une perte de son « identité sociale » au-delà, et en sus, de la perte financière. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, indique alors que les juges auraient dû rechercher « si n’était pas caractérisée l’existence d’un préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail, indemnisable au titre de l’incidence professionnelle », et ce indépendamment des pertes de gains purement économiques. L’incidence professionnelle est répertoriée selon la nomenclature Dintilhac parmi les postes de préjudices patrimoniaux. Ce poste de préjudice compte aujourd’hui six sous-catégories différentes. L’indemnisation des frais de reclassement professionnel, la perte de droits à la retraite et la réparation de perte de chance professionnelle possèdent une dimension économique. Pour autant, la perte d’épanouissement au travail, l’augmentation de la pénibilité de l’emploi, ou encore la dévalorisation sur le marché du travail ne possèdent aucune incidence financière. La décision de la Cour de cassation reconnait qu’une victime de dommage puisse se prévaloir devant les juges d’un désœuvrement social provoqué par la privation d’une activité professionnelle. Cette solution intervient après la crise sanitaire et l’impossibilité de sociabiliser par le travail mettant ainsi en avant son importance. (Jean-Baptiste Prévost, « L’incidence professionnelle : la reconnaissance de la fonction symbolique et sociale du travail », Gaz pal., 2021, n°32, p. 79) La dévalorisation sociale est retenue clairement par la Cour de cassation comme une composante de l’incidence professionnelle qui se distingue des pertes de gains professionnels futurs qui seraient déjà indemnisés par une rente viagère. Le cumul est possible sans conduire à une double indemnisation. Ainsi, la Cour de cassation satisfait l’obligation de réparation intégrale en indemnisation les conséquences économiques de l’accident et l’indemnisation du désœuvrement social. La réparation des préjudices par ricochet (Civ. 1re, 30 juin 2021, no 19-22.787) Le préjudice sexuel La Cour de cassation considère que le préjudice sexuel une fois constaté doit être par ricochet indemnisé pour les conjoints victimes eux aussi, de ce poste de préjudice. Il s’agit de l’application du principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. Elle est traditionnellement indemnisée par le biais des préjudices extra patrimoniaux exceptionnels. Ce qui implique que le préjudice sexuel ne possède pas de poste d’indemnisation qui soit autonome. La Cour de cassation indique également qu’en cas de décès « les conséquences personnelles éprouvées par la victime indirecte, à la suite du décès de son conjoint, telles que la privation de relations sexuelles avec lui, sont indemnisées au titre du préjudice d’affection ». En cas de survie, les juges considèrent qu’il s’agit d’un préjudice extra patrimonial exceptionnel et en cas de décès d’une indemnisation au titre du préjudice d’affection. Cependant dans le cas d’une indemnisation au titre de la solidarité nationale d’un accident médical non-fautif, les préjudices de la victime indirecte éprouvés du vivant de la victime directe n’ouvrent pas droit à réparation. En conclusion, la réparation accordée par la Cour de cassation aux victimes par ricochet de préjudice sexuel est mitigée et gagnerait à obtenir un poste de préjudice qui soit indépendant. La perte d’assistance du conjoint décédé La cour d’appel de Paris à condamner au titre de son préjudice économique l’ONIAM à indemniser l’époux d’une victime décédée des années après avoir subi une opération cardiaque au cours de laquelle sont survenues des complications provoquant un taux d’incapacité permanente de 90 %. Le préjudice économique résultait alors de la privation de l’assistance fournie par son épouse dans les actes de la vie quotidienne qu’il était incapable d’effectuer lui-même. La cour en a déduit que la perte de cette assistance suite au décès de celle-ci, constituait un préjudice économique indemnisable au titre de la solidarité nationale et à alloué pour l’avenir une rente trimestrielle viagère à l’époux de la victime directe. A l’avenir il serait pertinent que les dépenses liées à l’assistance constituent une indemnisation à part entière. Ainsi que l’expliquent certains auteurs, il est important qu’une évaluation précise et adaptée soit effectuée « pour chiffrer le préjudice économique permettant de compenser la perte d’industrie du défunt dont les services familiaux peuvent parfois représenter une valeur non-négligeable » (M. Le Roy, J-D. Le Roy, et F. Bibal, L’évaluation du préjudice corporel, LexisNexis, Coll. Droit&professionnels, 21e éd., 2018)   CF Revue sur l’actualité juridique du préjudice corporel
L’indemnisation d’un préjudice corporel expliquée en chiffres « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » (Article 1240 du Code civil) Définition du préjudice corporel : le préjudice corporel est définit comme une atteinte à l’intégrité physique de la personne c’est-à-dire tout ce qui porte atteinte au corps humain. Il peut être réparé par la mise en mouvement de l’action civile pour une action en réparation d’un dommage directement causé par une infraction. Le dommage doit être : Actuel: c’est-à-dire exister au moment du mouvement de l’action civile. Personnel: l’action civile en réparation n’appartient qu’à celui qui a subi le dommage Direct : le dommage doit être rattaché à l’infraction par un lien de cause à effet. La victime doit très rapidement faire constater son préjudice et l’infraction par un médecin pour prétendre à une indemnisation. L’examen médical déterminera les lésions, et l’incapacité totale du travail (ITT). A savoir : la durée de l’ITT détermine les suites de la procédure. Les violences ayant entrainé une ITT inférieure ou égale à 8 jours sont contraventionnelles. Les violences ayant entrainé une ITT supérieur à 8 jours constituent un délit. I/ L’indemnisation A/ L’indemnisation en droit commun L’indemnisation est particulière à chacun, le barème d’indemnisation du préjudice corporel dépend la situation de chaque victime. Il n’existe pas de barème indemnisation préjudice corporel officiel imposé par le législateur. Il existe cependant des barèmes indicatifs dans les tribunaux, ainsi qu’auprès des assureurs. L’indemnisation va varier selon la victime. Elle va varier selon la juridiction saisie, selon si le dossier est traité à l’amiable ou par décision de justice. Les différents préjudices relevés du préjudice corporel subi sera fixé par un médecin expert qui se référa à la nomenclature Dintilhac qui liste de manière non exhaustive les préjudices qui ouvrent droit à réparation. Les juridictions peuvent retenir un certain nombre de postes d’indemnisation. Chaque poste d’indemnisation est quantifié financièrement et variera selon la victime. L’objectif alors de réparer intégralement le préjudice afin de « replacer la victime dans l’état le plus proche de celui où elle se trouvait avant la survenance du dommage ». Il faut réparer le préjudice sans perte, ni profit pour la victime. (Cour de Cass, civ, 2ème, 28 oct 1954) B/ l’indemnisation contractuelle C’est le contrat et son contenu qui fait la loi des parties. L’indemnisation proposé par le contrat suite à un préjudice corporel peut se référer au droit commun mais également être plus avantageux car il dépend de la volonté des parties. Le contrat d’assurance suite à un accident de voiture peut prévoir une indemnisation basée sur le droit commun ou des clauses particulières qui ne font pas référence au droit commun. Le conducteur de véhicule terrestre à moteur ne sera pas indemnisé de la même manière par son assureur s’il a un accident pour lequel il est en faute. La faute du conducteur est selon le contrat d’assureur la plupart du temps de nature à limiter son indemnisation. Les règles du contrat peuvent alors faire varier les règles du droit commun. II/ L’indemnisation du préjudice corporel Toutes les conséquences directes et certaines du dommage doivent être indemnisés sans perte ni profit selon l’adage « le dommage, tout le dommage, rien que le dommage. » L’indemnisation des préjudices s’organise autour de deux grands groupes de postes. Il existe alors : Les préjudices patrimoniaux qui indemnisent les préjudices économiques de la victime, temporaires ou permanents Les préjudices extrapatrimoniaux sont dépourvus d’une valeur économique et comprennent de nombreux préjudices morales, physiques et psychologique. Les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux sont soit temporaires avant consolidation, puis permanents après consolidation. La consolidation a été défini par la Commission de réflexion sur la doctrine et la méthodologie de l’évaluation du dommage corporel comme « le moment ou les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu’un traitement n’est plus nécessaire si ce n’est pour éviter une aggravation, et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente réalisant un préjudice définitif. » La date de consolidation est alors primordial pour évaluer le dommage corporel. Tant qu’il n’y a pas de date de consolidation il n’y a pas de réparation possible, seulement des provisions à valoir sur les préjudices. Comment procéder au chiffrage du préjudice corporel ?   A/ Les préjudices patrimoniaux 1) les préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) a) les dépenses de santés actuelles Selon Dinthilhac les dépenses de soins avant consolidation sont constituées par tous les frais de santé ayant un lien de causalité entre les dépenses engagées et l’accident. Les frais doivent alors être justifiés par des factures, décompte, feuille de soin ou de remboursement, avec toutes les précisions nécessaires telle que la date, le montant, la nature et les remboursements. Ces frais doivent être intégralement indemnisés. b) les frais divers Il s’agit de tous les frais non susceptibles d’être pris en charge par des organismes sociaux. Il s’agit de tous les frais annexes ayant un lien direct avec le préjudice subi comme les frais de transport afin de consulter des médecins, le recours à une technicienne de surface, les frais de garde des enfants mais aussi les frais de recours à une tierce personne pour porter assistance au quotidien. La liste n’est pas exhaustive, elle comporte tous les frais temporaires apportés, dont la preuve et le montant son établis, et qui imputable à l’accident à l’origine du dommage. Ces frais une fois apportés et justifiés doivent être intégralement indemnisés. c) la perte de gains professionnels actuels La perte de gains professionnels actuels correspond aux pertes de salaires, de rémunération et de revenus salariaux, ou artisanaux pendant la période d’arrêt d’activité professionnelle imputable à l’accident. Les pertes correspondent aux arrêts de travail délivrés par le médecin à condition qu’il existe un lien de causalité avec l’accident. Cette indemnisation est pour les personnes actives et non pour les personnes non actives. Les gains ne peuvent pas être hypothétiques. (Cass.2ème civ, 3 juillet 2014, n°13-22.416) La perte de revenu nets correspond alors au salaire net gagné par la victime avant son accident. 2) les préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) a) les dépenses de santé futures Selon Dintilhac, « les dépenses de santé futures sont les frais hospitaliers, médicaux […] rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après consolidation. » C’est alors au médecin de se prononcer sur les soins médicaux, paramédicaux nécessaire après consolidation pour éviter une aggravation, tout en justifiant l’imputabilité des soins à l’accident. Le médecin doit préciser si les frais sont occasionnels comme un traitement médical limitée ou des séances de kinésithérapeute ou des frais viagers qui existeront toujours la vie de la victime comme des médicaments prescrits à vie, des matériaux pour pallier à certains handicaps etc. b) les frais de logement et véhicule adapté Les frais de logement concernent les frais permanent permettant à une victime de bénéficier d’un logement en adéquation avec son handicap. Il comprend les travaux d’adaptation nécessaire, l’attribution prioritaire aux logements sociaux. Le besoin d’un véhicule adapté peut également être indemnisé selon la nécessité existante de se déplacer. L’indemnisation doit réparer le besoin d’un logement mieux adapté. La prise en charge peut être partiel ou totale. (Cour d’appel de Paris, 25 mars 2014, n°12/01149, Cass.2ème civ, 5 février 2015, n°14-16.015) c) l’assistance permanente par tierce personne Il est nécessaire de constater la perte d’autonomie pour bénéficier d’assistance d’une tierce personne. La perte d’autonomie doit être imputable au fait dommageable. Le médecin expert déterminera le nombre d’heures correspondant aux besoins de la victime et précisera les types de tierce personne nécessaires. Pour calculer l’indemnité il faut alors prendre en compte : La durée Le cout horaire: qui dépendra du type d’assistance nécessaire. Il n’y a pas de cumul possible entre logement thérapeutique et l’assistance permanente par tierce personne. d) les pertes de gains professionnelles futurs et l’incidence professionnelle L’objectif est d’évaluer le retentissement du dommage sur les gains professionnels futurs et l’incidence sur la vie professionnelle. Selon la nomenclature de Dintilhac les pertes réparent les pertes de gains liées à un changement d’activité ou à l’impossibilité de travaillement partiellement, ou totalement selon la situation antérieure de la victime. Ce n’est pas possible en cause d’absence d’incapacité permanente. (Cass. 2ème civ, 7 mars 2019) Les différences seraient également importantes si la victime exerçait une activité professionnelle avant l’accident et a une inaptitude partielle à l’exercice de sa profession ou une inaptitude totale à l’exercice de sa profession. Il existe aussi l’incapacité totale à l’exercice de toute profession. Lorsqu’une victime est sans profession au moment de l’accident, il est possible de chercher à évaluer les pertes de gains professionnels futurs. Il sera pris en compte l’âge, le parcours scolaire, le niveau d’étude. La Cour de Cassation dans sa 2ème chambre le 9 avril 2009 a considéré que pour un étudiant la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue. Le poste incidence professionnelle vient compléter la perte de gains professionnelle. Il a pour but d’indemniser la dévalorisation sur le marché du travail, la pénibilité ou l’obligation d’abandonner la profession exercée avant le dommage. Il indemnise alors : La perte de chance définie par la Cour suprême par un arrêt du 21 novembre 2006 n°05-15.674. L’incidence sur la retraite : il est garanti par la loi aux invalides une pension aux taux plein Les frais de reclassement professionnel, de formation, d’aménagement ou de changement de poste La pénibilité accrue au travail La dévalorisation sur le marché du travail. e) le préjudice scolaire, universitaire ou de formation L’objectif est d’indemniser la perte d’année d’étude consécutive à la survenance du dommage. Ce poste est distinct des autres et autonome. La perte d’une ou plusieurs années d’études sont indemnisés forfaitairement tout comme le changement d’orientation à caractère permanent causé par l’accident. (CA Bordeaux, 3 juillet 2017, n°16/01843, Cass.2ème civ 18 mai 2017, n°16-11.190) B/ Les préjudices extra patrimoniaux 1) les préjudices extra patrimoniaux temporaire (avant consolidation) a) le déficit fonctionnel temporaire (DFT) Le groupe de travail Dintilhac a séparé la sphère professionnelle de la victime par deux préjudices distincts, par les pertes de gains professionnels actuels et la sphère personnelle est prise en compte par le déficit fonctionnel temporaire. Le DFT regroupe la fonction qui est à l’origine de la gêne, mais également les troubles dans l’existence, dans la vie courante. Il sera indemnisé plusieurs périodes de gênes temporaires dont le caractère partiel ou total est déterminé par le médecin en pourcentage. Le médecin expert indiquera les durées séquentielles et/ou les dates de début et de fin à l’aide de pourcentage. Le calcul de l’indemnisation se fait ensuite en prenant comme base le smic/ jour divisé par deux et multiplié par le nombre de jour de DFT et le pourcentage déterminé par le médecin Par exemple : 2021 le smic jour est à 58.59 euros nets divisé par deux est égale à 29 euros nets. Si le médecin estime le DFT à 100% pendant 30 jours alors le calcul est de 30 x 29 = 870 euros. Si le médecin estime le DFT à 25% pendant 10 jours alors le calcul est de 10 x (25% de 29) = 72.5 euros Ce déficit ne couvre que la période de la date de l’accident à la date de consolidation. (Cour de Cass, 2ème ch.civ, 8 dec 2016, n°13-22.961). b) les souffrances endurées (SE) Les souffrances endurées ou pretium doloris a été consacrée par la nomenclature de Dintilhac en 2005. Il s’agit d’indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis depuis l’accident jusqu’à la consolidation. Les souffrances ont été quantifiées selon une échelle numérique à 7 degrés enrichie par les médecins experts de demi degrés afin de cerner la réalité des souffrances subies. Selon le barème de l’indemnisation du préjudice corporel des Cours d’Appel de septembre 2020 : L’indemnisation des souffrances endurées et du préjudice esthétique permanent en fonction de la cotation médico-légale peut être la suivante : 1/7 Très léger Jusqu’à 2.000 euros 2/7 Léger 2.000 à 4 000 euros 3/7 Modéré 4 000 à 8 000 euros     4/7 Moyen 8 000 à 20 000 euros     5/7 Assez important 20 000 à 35 000 euros     6/7 Important 35 000 à 50 000 euros 7/7 Très important 50 000 à 80 000 euros     Tout à fait exceptionnel 80      00 euros et plus Le médecin devra préciser les motifs qui l’ont conduit à retenir une cotation plutôt qu’une autre. Les souffrances endurées incluent également la douleur morale avant consolidation. (Cass.2ème ch.civ, 16 sept 2010, n°09-69.433) Une femme victime d’une agression avaient eu d’allouée une somme globale de 14 000 euros pour les souffrances endurées avec un préjudice moral évalué à 10 000 euros. (Cass.2ème civ, 11 sept 2014, n°13-24.344) c) le préjudice esthétique temporaire (PET) Le PET était auparavant indemnisé au poste des souffrances endurées ou du préjudice esthétique permanent. Il a été introduit par le groupe de travail Dintilhac pour tenir compte des dommages esthétiques graves comme les grands brulés : « la victime subissait bien souvent des atteintes physiques […] aux conséquences personnelles très préjudiciables, liées à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré. » Pour prononcer l’existence d’un dommage esthétique temporaire, distinct de tout autre poste, l’expert prend en compte quatre items : la nature, la localisation, l’étendue et la durée des doléances. Il devra en déduire le poste correspondant en argumentant. Ce préjudice est autonome et nécessite une indemnisation personnelle. Il est également mesuré sur une échelle de 7. La chambre criminelle considère que le préjudice esthétique temporaire se confond avec le préjudice esthétique permanent. Il existe une divergence entre les juges du fond. (Cass, ch. Crim, 18 fev 2014, n°12-87.629) 2) les préjudices extra patrimoniaux permanents (après consolidation) a) le déficit fonctionnel permanent (DFP) Selon Dintilhac, ce poste de préjudice doit réparer la perte du potentiel physique, soit l’autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières, ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent après la consolidation. Il s’ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales) Il inclut selon la Cour de cassation « les atteintes aux fonctions psychologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales. » (Cass, 2èmeciv, 29 juin 2017, n°16-17.864) L’indemnité réparant le déficit fonctionnel est fixée en multipliant le taux du déficit fonctionnel par une valeur du point. La valeur du point est elle-même fonction du taux retenu par l’expert et de l’âge de la victime à la consolidation. Elle est d’autant plus élevée que le taux est plus fort et que l’âge de la victime est plus faible b) le préjudice d’agrément Ce poste de préjudice répare l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et non plus, comme auparavant, la perte de qualité de vie subie après consolidation laquelle est prise en compte au titre du déficit fonctionnel permanent (Cass. 2e Civ., 28 mai 2009, n° 08-16.829 ; Civ. 2e, 9 févr. 2017, no 16-11.219) La jurisprudence des cours d’appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident. Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités. (Civ. 2ème, 29 mars 2018, n°17-14.499), ainsi que l’impossibilité psychologique de pratiquer l’activité antérieure (Civ. 2ème, 5 juillet 2018, n° 16-21,776). Pour la période avant la consolidation, le préjudice d’agrément n’est pas autonome et inclus dans le déficit fonctionnel temporaire. c) le préjudice esthétique permanent Pour évaluer le préjudice l’expert devra qualifier le dommage esthétique uniquement en fonction de l’importance de la lésion provoquant une disgrâce et de son emplacement vis-à-vis du regard des autres dans les conditions normales de la vie sociale. Il doit alors motiver son choix sur les éléments constitutifs de ce dommage. Afin d’individualisé l’indemnisation et sur la base de la cotation retenue par l’expert, l’indemnisation prend en compte l’âge, le sexe, la nature et la localisation de l’atteinte esthétique. Elle est notée en fonction de la cotation médico-légale sur une échelle de 7. Selon le barème de l’indemnisation du préjudice corporel des Cours d’Appel de septembre 2020 : L’indemnisation des souffrances endurées et du préjudice esthétique permanent en fonction de la cotation médico-légale peut être la suivante : 1/7 Très léger Jusqu’à 2.000 euros 2/7 Léger 2.000 à 4 000 euros 3/7 Modéré 4 000 à 8 000 euros     4/7 Moyen 8 000 à 20 000 euros     5/7 Assez important 20 000 à 35 000 euros     6/7 Important 35 000 à 50 000 euros 7/7 Très important 50 000 à 80 000 euros     Tout à fait exceptionnel 80      00 euros et plus d) Le préjudice sexuel Le préjudice sexuel correspond à l’impossibilité totale ou partielle où se trouve la victime, du fait des séquelles traumatiques qu’elle présente, soit d’accomplir l’acte sexuel, soit de procréer ou de se reproduire d’une manière normale. Il convient de distinguer trois types de préjudices de nature sexuelle : Le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi, Le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir), Le préjudice lié à une impossibilité ou difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical etc.). Il n’existe pas de taux et l’évaluation se fait au cas par cas en fonction des conséquences précises du dommage, de l’âge et de la situation de la victime. Le préjudice sexuel temporaire est pris en compte dans le déficit fonctionnel temporaire. (Cass, 2ème civ, 11 déc. 2014, n°13-28.774) e) le préjudice d’établissement Le préjudice d’établissement correspond à la perte d’espoir ou de chance d’avoir une vie de famille et un projet dans une vie « normale ». (CA Lyon, 7 avril 2016, n°14/01908) Il concerne les personnes jeunes atteintes d’un handicap grave. Le fait d’avoir déjà des enfants ou d’être en mesure d’en concevoir ne permet pas de retenir le préjudice d’établissement. (Cour d’appel de Riom, 20 novembre 2018, n°17/00856) f) les préjudices permanents exceptionnels Il s’agit de préjudice atypique, en raison de la nature des victimes, des circonstances de l’accident ou de la nature de l’accident à l’origine du dommage. Il s’agit par exemple des victimes collectifs ou individuels d’attentats. C/ Les victimes indirectes Les victimes indirectes sont les proches, compagnon, mari et enfants d’une victime directe d’un fait dommageable. 1/ préjudices patrimoniaux a) perte de revenu des proches A la suite d’un accident, des proches peuvent être amenés à arrêter leur activité professionnelle pour assurer une présence. Les parents d’un mineur victime d’un accident peuvent arrêter leur activité et dans ce cas souffrir d’un préjudice. b) frais divers Les frais divers de déplacement ou d’hébergement peuvent également être remboursés sur justificatif et par la justification du fait dommageable. 2/ préjudices extra-patrimoniaux a) préjudice d’affection Il s’agit du préjudice moral causé par les blessures, handicaps, les souffrances subies par la victime directe. Il sera indemnisé en fonction de l’importance du dommage et l’existence d’une relation affective réelle avec la victime. b) préjudices exceptionnels Les troubles dans l’existence des proches de victime suite à un handicap ou un préjudice sexuel par ricochet sur le conjoint doivent être indemnisés de manière personnalisé et limitée aux personnes qui partagent une communauté de vie avec la victime. CONCLUSION : Pour conclure, le chiffrage du préjudice corporel doit obligatoirement couvrir tout le dommage et rien que le dommage. C’est-à-dire prendre en compte les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux temporaires, et ce avant consolidation puis permanent après consolidation. La survenance de la consolidation est d’une grande importance pour établir le chiffrage. L’absence de consolidation rend le chiffrage provisoire. Il est impératif de vérifier que tous les différents préjudices indemnisables apparaissent dans le chiffrage. Il arrive bien souvent que dans le rapport d’expertise, l’expert ne fasse pas état des dépenses de santé, des soins futurs ou des pertes de gain professionnelles futurs ainsi que l’incidence professionnelle. Il sera alors essentiel de rajouter les postes d’indemnisations qui pourraient manquer à l’expertise afin d’obtenir le chiffrage du préjudice corporel. Les victimes indirectes d’un dommage corporel doivent également être prises en compte lorsque les faits l’indiquent.        
L’état d’inconscience m’empêche-t-il d’invoquer le préjudice des souffrances endurées ?   Le préjudice des souffrances endurées est un préjudice extrapatrimonial qui peut être invoqué par la victime au titre des préjudices subis avant ou après la consolidation de son dommage. La nomenclature Dintilhac a défini les souffrances endurées comme « les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime ». La question qui s’est donc posée était celle de savoir si une victime peut invoquer ce préjudice alors qu’elle se trouve dans un état d’inconscience. Dans un arrêt du 25 juin 2019, la Cour de cassation a répondu à cette problématique (Cass. crim, 25 juin 2019, n°18-82.655).   En l’espèce, après avoir été poursuivi pour homicide involontaire sous l’emprise de stupéfiants, le prévenu a été condamné à payer diverses sommes aux parties civiles notamment la somme de 15 000 euros au titre des souffrances endurées. La Cour d’appel a énoncé qu’il ne résulte pas du certificat médical que l’état comateux de la victime la privait de toute conscience et des douleurs endurées par les multiples lésions et fractures dont elle souffrait. La Cour de cassation a confirmé cette décision en affirmant que l’état d’inconscience n’est pas de nature à réduire ou à exclure la réparation du préjudice corporel.    Comment est évalué ce préjudice ? Selon le référentiel Mornet, pour chiffrer ce préjudice, l’expert évalue les souffrances endurées sur une échelle à 7 degrés (1 correspondant à « très léger » et 7 à « exceptionnel »). Ensuite, pour connaître le montant de l’indemnisation, un barème donne une fourchette correspondant à chaque degré de cette échelle : 1/7 Très léger : Jusqu’à 2.000 euros 2/7 Léger : 2.000 à 4.000 euros 3/7 Modéré : 4.000 à 8.000 euros 4/7 Moyen : 8.000 à 20.000 euros 5/7 Assez important : 20.000 à 35.000 euros 6/7 Important : 35.000 à 50.000 euros 7/7 Très important : 50.000 à 80.000 euros Exceptionnel : 80.000 euros et plus   Pour plus de détail, voir l’article « INDEMNISATION / Comment optimiser son indemnisation après un accident de la circulation »
Le préjudice esthétique temporaire et permanent : une distinction essentielle en droit du dommage corporel Le préjudice esthétique, une composante clé du droit du dommage corporel, se réfère à l’altération de l’apparence physique d’une victime à la suite d’un accident, d’une négligence ou d’une faute d’un tiers. Une atteinte à l’apparence physique peut avoir des répercussions significatives sur la vie personnelle, professionnelle et sociale de la victime. Dans le cadre de l’indemnisation des victimes, il est crucial de distinguer entre le préjudice esthétique temporaire et permanent, en raison des différences notables dans leur impact sur la victime, leur durée et leur caractère irréversible. Le préjudice esthétique temporaire Le préjudice esthétique temporaire désigne une altération de l’apparence physique qui, bien que visible et souvent traumatisante à court terme, est appelée à disparaître avec le temps, ou grâce à des soins médicaux appropriés. Les séquelles de ce type de préjudice sont généralement transitoires et ne laissent pas de trace permanente. Exemples et évaluation du préjudice esthétique temporaire Ce type de préjudice peut résulter de divers incidents, tels que des accidents, des interventions chirurgicales ou des traitements médicaux temporaires. Les exemples incluent : Cicatrices post-opératoires : cicatrices qui s’atténuent avec le temps grâce à des soins médicaux ou à des traitements esthétiques. Œdèmes ou hématomes : résidu d’un accident, qui disparaît en quelques jours ou semaines. Brûlures superficielles : cicatrices légères guérissant après un traitement médical. L’évaluation du préjudice esthétique temporaire repose sur plusieurs critères : L’intensité de l’altération physique : une altération mineure, comme une petite ecchymose, aura un impact beaucoup moins significatif qu’une cicatrice importante. La durée de la défiguration : la période durant laquelle la victime est défigurée joue un rôle crucial dans l’appréciation du préjudice. Plus la défiguration dure longtemps, plus l’indemnisation est importante. L’impact psychologique : les souffrances morales, telles que la gêne sociale ou l’anxiété liées à l’apparence, sont également prises en compte. La jurisprudence reconnaît que, même pour un préjudice esthétique temporaire, la souffrance émotionnelle est un facteur déterminant pour l’indemnisation. Dans l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 mars 2019, il a été jugé qu’un préjudice esthétique temporaire, comme une brûlure au visage, justifie une indemnisation en raison de la souffrance morale causée pendant la période de cicatrisation. Le préjudice esthétique permanent Le préjudice esthétique permanent résulte d’une altération définitive de l’apparence physique. Contrairement au préjudice temporaire, l’atteinte à l’apparence est irréversible et laisse des séquelles visibles qui affectent durablement la vie de la victime, tant sur le plan psychologique que social.     Exemples de préjudice esthétique permanent Les blessures qui entraînent un préjudice esthétique permanent peuvent inclure des accidents graves, des interventions chirurgicales traumatisantes ou des pathologies ayant des conséquences irréversibles sur l’apparence physique. Les exemples typiques incluent : Cicatrices profondes : cicatrices visibles et permanentes qui ne peuvent pas être corrigées par des traitements médicaux. Amputation : la perte d’un membre ou d’une partie du corps, ayant un impact esthétique majeur et irréversible. Déformations faciales : accidents graves ou maladies entraînant des déformations irréversibles du visage ou du corps. L’évaluation du préjudice esthétique permanent se fonde sur des critères similaires à ceux du préjudice temporaire, mais l’impact psychologique et social est pris en compte de manière beaucoup plus significative. Les experts médicaux utilisent souvent une échelle de 1 à 7 pour évaluer la gravité du préjudice, le niveau 7 représentant un préjudice esthétique particulièrement grave et dégradant. Jurisprudence et indemnisation du préjudice esthétique permanent En matière de préjudice esthétique permanent, la jurisprudence reconnaît qu’il doit être indemnisé indépendamment du préjudice fonctionnel, c’est-à-dire des atteintes aux capacités physiques ou fonctionnelles de la victime. En effet, l’indemnisation du préjudice esthétique permanent tient compte à la fois de l’impact physique et des conséquences sociales et psychologiques durables de l’altération de l’apparence. La Cour de cassation, dans un arrêt du 28 janvier 2016, a affirmé que l’indemnisation du préjudice esthétique permanent devait être distincte de l’indemnisation pour préjudice fonctionnel et évaluer son impact sur la vie quotidienne de la victime. Ainsi, dans une affaire jugée par la Cour d’appel de Lyon en 2021, une victime ayant subi une défiguration permanente au visage à la suite d’un accident de la route a obtenu une indemnisation élevée, non seulement pour la douleur physique, mais aussi pour la gêne sociale et les difficultés personnelles liées à son apparence. Conclusion Le préjudice esthétique, qu’il soit temporaire ou permanent, constitue un aspect essentiel du droit du dommage corporel. Il est crucial de distinguer ces deux types de préjudice, car leur évaluation et leur indemnisation diffèrent en fonction de la durée, de l’intensité et des répercussions psychologiques sur la victime. La jurisprudence et les principes établis par la Cour de cassation affirment que le préjudice esthétique, qu’il soit temporaire ou permanent, doit être réparé de manière équitable, en tenant compte des souffrances physiques et psychologiques vécues par la victime. Cela garantit une indemnisation juste, tenant compte de l’impact global de l’atteinte à l’apparence de la victime, qu’elle soit transitoire ou irréversible.
Les étapes pour qu’une victime d’un dommage corporel obtienne indemnisation   En matière de responsabilité civile, le dommage est l’une des conditions nécessaires pour obtenir une indemnisation. Celui-ci peut être corporel, matériel et/ou moral. Le dommage corporel est l’atteinte portée à l’intégrité physique d’une personne. Pour pouvoir donner lieu à une indemnisation, le dommage doit être certain, direct et personnel. En droit de la responsabilité civile, il existe un principe fondateur qui est celui de la réparation intégrale du préjudice. Ainsi, l’auteur des faits doit indemniser intégralement le dommage et rien que le dommage c’est-à-dire sans qu’il ne résulte un appauvrissement ou un enrichissement pour la victime. Ce principe découle de l’article 1240 du Code civil selon lequel « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». C’est sur la base de ce principe que sera effectué le calcul de l’indemnisation afin que celle-ci corresponde à la réalité du préjudice subi par la victime. Dans cet article, seront listées les différentes étapes pour obtenir une indemnisation en cas de dommages corporels.   1.Faire constater le dommage  La victime doit faire constater son dommage par un médecin. Il peut s’agir d’un médecin libéral ou encore d’un service d’urgence. Le certificat médical établi par ce médecin mentionnera les dommages subis par la victime et les éventuelles ITT.   2.La désignation de l’avocat et du médecin-conseil   Le rôle de l’avocat : En cas de dommages corporels, la victime a intérêt à se faire assister par un avocat qui l’assistera tout au long de la procédure pour défendre ses intérêts. En outre, l’avocat aura pour rôle de qualifier juridiquement les constatations médicales et d’évaluer les préjudices subis par la victime.   Le rôle du médecin-conseil :  De la même manière que l’avocat, le médecin-conseil assiste et défend les intérêts de la victime tout au long de la procédure et notamment lors de l’expertise médicale. Lors de cette expertise, il prendra soin de vérifier que l’ensemble des préjudices subis par la victime soient pris en compte.   Constituer un dossier médical Pour pouvoir être indemnisé, la victime doit constituer un dossier médical. Celui-ci doit être le plus complet possible. Ce dossier médical est constitué de l’ensemble des documents permettant de prouver les circonstances dans lesquels le dommage s’est produit ainsi que les conséquences de celui-ci. Il peut notamment être constitué des pièces justificatives suivantes : Certificat médical Compte rendu d’hospitalisation Correspondance entre médecins Procès-verbaux Photographies des blessures Arrêt de travail Attestation de témoin Justificatif relatif à la situation familial (ex : livret de famille) Activité sportive ou de loisirs réalisés antérieurement à la survenance du dommage   A ce stade, le rôle de l’avocat et du médecin-conseil est essentiel car ils aident la victime afin de lui permettre de constituer le dossier médical le plus complet.   3.La réalisation d’une expertise Cette étape est cruciale dans l’évaluation du préjudice car l’expert va déterminer l’étendue du dommage et déterminer si les préjudices sont en lien avec le dommage. Cet expert est désigné par le juge. La demande doit être faite par le biais d’un référé :   Devant les juridictions pénales si les faits sont constitutifs d’une infraction pénale (articles 156 et suivants du Code de procédure pénale)   Devant les juridictions civiles si l’auteur des faits est un sujet de droit civil (articles 263 et suivants du Code de procédure civile)   Devant les juridictions administratives si l’auteur du dommage est un préposé d’un organisme public (articles R621-1 et suivants du Code de justice administrative)   L’expert a l’obligation de répondre aux questions de la mission (articles 238 du Code de procédure civile, 161 du Code de procédure pénale et R621-9 du Code de justice administrative). Ainsi, le rôle de l’avocat est essentiel car il sera chargé d’exposer de façon précise les questions qu’il souhaite poser à l’expert. En outre, au cours de cette expertise, la présence du médecin-conseil est fondamentale pour défendre au mieux les intérêts de la victime et s’assurer que l’ensemble des préjudices soient pris en compte sans les imputer à un état antérieur. A l’issue de cette expertise, l’expert va remettre un rapport. C’est sur la base de ce rapport que l’avocat va procéder au chiffrage des préjudices.   4.L’évaluation des préjudices subis par la victime Le dommage fait naître des préjudices patrimoniaux et/ou extrapatrimoniaux. Les préjudices patrimoniaux représentent la perte subie ou le gain manqué. Les préjudices extrapatrimoniaux englobent les atteintes portées à un intérêt qui n’est pas pécunier, donc à un intérêt moral. Ces différents postes de préjudices ont été regroupés au sein de la nomenclature Dintilhac. Cette liste, non exhaustive, n’a aucune valeur normative mais est cependant utilisée par les tribunaux ainsi que par les experts. Cette nomenclature effectue une distinction entre les préjudices temporaires (avant consolidation) et permanents (après consolidation) : Les préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) Dépenses de santé : il s’agit des frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux et pharmaceutiques et assimilés qui ont été à la charge de la victime avant la consolidation. Pertes de gains professionnels : il s’agit des répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime jusqu’à sa consolidation. Assistance temporaire par tierce personne : ce poste comprend les dépenses qui visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire d’une tierce personne pour l’assister de manière quotidienne du jour de l’accident jusqu’à la consolidation. Il est important de préciser que l’assistance bénévole, même d’un membre de la famille, n’exclut pas l’indemnisation de ce préjudice. C’est ce qu’a affirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mai 2019 (Civ 1ère, 22 mai 2019, n°18-14.063). De plus, les juges de la Haute Cour ont pris le soin de rappeler que ce poste de préjudice englobe l’assistance dans les actes de la vie quotidienne mais également l’assistance dans la sphère professionnelle. Frais divers : ce poste vise à indemniser les frais susceptibles d’être exposés par la victime avant la date de consolidation (ex : honoraires des médecins, frais de transports…).   Les préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) Dépenses de santé : ce poste comprend les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels, postérieurs à la consolidation de la victime. Frais de logement adapté : il s’agit des frais qui sont à la charge de la victime pour adapter son logement à son handicap ou des frais liés à l’acquisition d’un logement mieux adapté après la consolidation. Frais de véhicule adapté : ce poste de préjudice vise à indemniser les dépenses nécessaires pour procéder à l’adaptation d’un véhicule aux besoins de la victime atteinte d’un handicap permanent. Assistance permanente par tierce personne : elle concerne les dépenses qui visent à indemniser, le coût pour la victime de la présence nécessaire d’une tierce personne pour l’assister de manière quotidienne après la consolidation. Perte de gains professionnels : elle vise à indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente, partielle ou totale, à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle (ex : perte de l’emploi, emploi exercé à temps partiel…). Par un arrêt rendu le 24 juillet 2019 (n°4086624), le Conseil d’Etat a considéré que la victime qui se trouve privée de toute possibilité d’exercer un jour une activité professionnelle en raison d’un accident corporel survenu dans son jeune âge, peut obtenir une indemnisation au titre de la perte de gain professionnel. La seule circonstance qu’il soit impossible de déterminer le parcours professionnel qu’elle aurait suivi ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice qui doit être regardé comme présentant un caractère certain résultant de la perte des revenus qu’une activité professionnelle lui aurait procuré et de la pension de retraite consécutive. Préjudice scolaire, universitaire ou de formation : ce poste a pour objet de réparer la perte d’année(s) d’études scolaires, universitaires, de formation ou autre consécutive à la survenance du dommage (ex : retard dans l’apprentissage, modification d’orientation…).   Préjudice extrapatrimoniaux temporaires (avant consolidation) Déficit fonctionnel temporaire : il a pour objet d’indemniser l’incapacité totale ou partielle subie par la victime dans sa sphère personnelle du jour de l’accident jusqu’à la consolidation (ex : périodes d’hospitalisation, perte de la qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante…). Souffrances endurées temporaires : ce poste comprend l’indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime du jour de l’accident jusqu’à celui de la consolidation. Il est important de préciser que la Cour de cassation considère que l’état d’inconscience de la victime n’est pas de nature à réduire ou à exclure le préjudice résultant des souffrances endurées (Cass. crim, 25 juin 2019, n°18-82.655). Préjudice esthétique temporaire : il vise à indemniser les conséquences de l’altération de l’apparence physique temporaire de la victime.   Préjudice extrapatrimoniaux permanents (après consolidation) Déficit fonctionnel permanent : ce préjudice est relatif à l’atteinte portée aux fonctions physiologiques de la victime (telle que la réduction du potentiel physique, psychosensorielle ou intellectuelle), qui demeure même après la consolidation. Souffrances endurées permanentes : ce poste de préjudice a pour objet l’indemnisation des souffrances physiques et psychiques, ressenties par la victime de façon permanente après la consolidation. Préjudice d’agrément : il vise à réparer la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence que la victime rencontre au quotidien après la consolidation ainsi que la gêne ou l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs. Par un arrêt du 29 mars 2018, la Cour de cassation a considéré que pour invoquer le préjudice d’agrément, la limitation de l’activité sportive ou de loisirs peut suffire (2 civ, 29 mars 2018, n° 17-14.499). Préjudice esthétique permanent : ce poste de préjudice vise à indemniser les conséquences permanentes de l’altération de l’apparence physique de la victime. Ce poste de préjudice englobe les conséquences dommageables de l’apparence physique, notamment des hématomes, cicatrices, des troubles de la voix ou de l’élocution mais également des anomalies dans la démarche. Préjudice sexuel : il vise à réparer les préjudices touchant à la sphère sexuelle qui inclut le préjudice morphologique (atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires), le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer. Préjudice d’établissement : ce poste de préjudice cherche à indemniser la perte d’espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteinte la victime après sa consolidation. La Cour de cassation a précisé qu’en cas de séparation ou de dissolution d’une précédente union, la victime peut invoquer le préjudice d’établissement même si elle a déjà pu, par le passé, réaliser un projet familial (Civ 2e, 4 juillet 2019, n°18-19.592). En revanche, en l’absence de séparation ou de dissolution d’une précédente union, la Cour de cassation refuse d’indemniser la victime sur le fondement du préjudice d’établissement. Préjudices permanents exceptionnels : ce poste a pour objet d’indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extrapatrimonial permanent, particulier et non indemnisable au titre d’un autre poste (ex : impossibilité physique d’accomplir des gestes strictement liés à sa culture).
La gestion de l’indemnisation d’un préjudice spécifique d’angoisse des victimes d’actes de terrorisme   Cass., civ.2, 27 octobre 2022, n°21-12.881   Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) La victime d’un acte de terrorisme, ou ses ayant droit, peut demander l’indemnisation de son préjudice auprès du Fonds de Garantie des victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI). Cela est régi par les articles L422-1 et suivants du code des assurances.   Les conditions de nationalité Lorsque les faits ont eu lieu en France, toutes les victimes et ayant droit peuvent saisir le FGTI pour être indemnisé de leur préjudice, peu importe leur nationalité. Toutefois, lorsque les faits se sont déroulés à l’étranger, seules les victimes de nationalité française peuvent demander l’indemnisation de leur préjudice auprès du FGTI. Dans cette situation, les ayant droit peuvent être de n’importe quelle nationalité.   Le délai pour agir La victime ou les ayant droit peuvent saisir le FGTI pour bénéficier d’une indemnisation jusqu’à dix ans après la date de consolidation du dommage.   L’arrêt du 27 octobre 2022 Par un arrêt du 27 octobre 2022, la Cour de cassation a précisé les modalités d’indemnisation d’une victime d’un dommage corporel. Il était question d’une personne de nationalité française demandant l’indemnisation de son préjudice au titre de souffrances endurées et d’un préjudice spécifique situationnel d’angoisse pour des faits d’enlèvement à l’étranger par un groupe terroriste et séquestration sous la menace d’atteinte à la vie pendant plus de trois ans. La cour d’appel avait accordé une indemnisation totale de 864 918,30 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, de l’incidence professionnelle, du déficit fonctionnel permanent et des souffrances endurées. Le FGTI reprochait à la cour d’appel d’avoir indemnisé, parmi ces sommes, deux fois le poste d’incidence professionnelle. La Cour de cassation a confirmé la décision rendue par la cour d’appel et précise que la cour d’appel a appliqué correctement le principe de réparation intégrale du préjudice de la victime, sans perte ni profit. En effet, la juridiction d’appel a indemnisé la victime d’une part pour l’incidence professionnelle, en raison de l’inactivité professionnelle de la victime, l’empêchant de s’épanouir professionnellement et lui faisant perdre une partie de son existence sociale, et d’autre part pour le déficit fonctionnel permanent en raison des séquelles de la victime entraînant des atteintes aux fonctions physiologiques et une perte de qualité de vie et des troubles dans les conditions d’existence personnelles, familiales et sociales. Dès lors, la cour d’appel n’avait pas indemnisé la victime deux fois pour le même poste de préjudice. Les sommes allouées à la victime ont donc été maintenues.   Une problématique actuelle Les menaces terroristes et actes de terrorisme dont fait face la France depuis plusieurs mois / années entrainent le déploiement du niveau « Urgence attentat » du plan Vigipirate, appliqué sur l’ensemble du territoire national. Dès lors, il semble important que la question de l’indemnisation des dommages corporels soit mise en avant afin que toutes les victimes et leurs ayant droit aient connaissance de leur possibilité de bénéficier d’une indemnisation du préjudice corporel subi.
  L’évaluation du préjudice corporel est une opération aussi délicate que décisive. Elle repose traditionnellement sur l’expertise médicale humaine, guidée par la nomenclature Dintilhac et des barèmes indicatifs. Pourtant, à l’heure où l’intelligence artificielle (IA) s’immisce dans de nombreux domaines de la santé et du droit, une question s’impose : l’IA est-elle en passe de transformer, voire d’améliorer, l’évaluation du dommage corporel ? Entre espoir d’objectivité, défis éthiques et risques d’automatisation excessive, l’avenir semble partagé entre innovation et prudence. Une évaluation médicale encore trop hétérogène Actuellement, l’évaluation d’un préjudice corporel repose sur des critères médicaux (atteintes fonctionnelles, douleurs, séquelles, etc.) mais aussi sur une part d’appréciation subjective du médecin expert. Deux experts peuvent parfois aboutir à des conclusions différentes pour un même patient. Cette hétérogénéité engendre des risques d’inégalités dans l’indemnisation, notamment en fonction du tribunal saisi, de la spécialité de l’expert ou de la méthodologie appliquée. C’est dans ce contexte que l’IA, avec ses capacités d’analyse massive de données et de détection de régularités, apparaît comme un outil prometteur pour uniformiser, rationaliser, voire fiabiliser cette évaluation. L’apport potentiel de l’intelligence artificielle L’IA peut intervenir à plusieurs niveaux de l’évaluation du dommage corporel : Analyse de dossiers médicaux : grâce au traitement automatique du langage, des algorithmes peuvent extraire les informations cliniques pertinentes à partir de dossiers complexes. Assistance au diagnostic et à l’évaluation fonctionnelle : certains outils d’IA sont capables de prédire l’évolution des séquelles, de modéliser la perte de capacité, voire de suggérer une quantification du déficit fonctionnel permanent (DFP). Comparaison avec des cas similaires : en s’appuyant sur des bases de données de jurisprudence ou de décisions d’expertise, l’IA peut proposer des évaluations comparatives, contribuant à une meilleure égalité de traitement. De tels outils pourraient assister les experts, sans les remplacer, en leur fournissant une aide à la décision fondée sur des données objectives, historiques et statistiquement fondées. Des limites techniques, éthiques et juridiques Toutefois, l’introduction de l’IA dans un domaine aussi sensible soulève de nombreuses interrogations. La première est celle de l’opacité : les algorithmes, notamment ceux dits « boîte noire », ne permettent pas toujours de justifier la logique ayant conduit à une recommandation. Or, la réparation du dommage corporel est un droit fondamental qui exige transparence et contradiction. Ensuite, le risque de déshumanisation est réel. Le préjudice corporel ne se réduit pas à des chiffres : il englobe la douleur, la souffrance morale, la perte d’autonomie ou encore le préjudice d’agrément. Autant d’éléments difficilement quantifiables, qui exigent une écoute et une sensibilité humaine que l’IA ne saurait remplacer. La Cour de de justice de l’Union européenne a considéré au sujet du traitement des données des passagers que : « les autorités compétentes ne peuvent prendre, en vertu de l’article 7, paragraphe 6, première phrase, de la directive PNR, aucune décision produisant des effets juridiques préjudiciables à une personne ou l’affectant de manière significative sur la seule base du traitement automatisé de données PNR, ce qui implique, dans le cadre de l’évaluation préalable, qu’elles doivent prendre en compte et, le cas échéant, faire prévaloir le résultat du réexamen individuel opéré par des moyens non automatisés par l’UIP sur celui obtenu par les traitements automatisés. » CJUE, n° C-817/19, Arrêt de la Cour, Ligue des droits humains contre Conseil des ministres, 21 juin 2022 Enfin, se pose la question de la responsabilité : qui serait responsable en cas d’erreur d’évaluation liée à un outil algorithmique ? L’expert ? Le concepteur du logiciel ? Le juge ? Le flou juridique actuel impose une vigilance particulière. Le rapport Villani (2018) sur l’intelligence artificielle en France souligne que l’IA doit rester « sous le contrôle de l’homme » dans toutes ses applications critiques, notamment dans les domaines juridiques et médicaux. Vers une intelligence artificielle « augmentée » et encadrée Plutôt que de remplacer l’expert, l’IA pourrait l’assister de manière éthique et encadrée. L’objectif serait de concevoir une « intelligence augmentée », c’est-à-dire un outil d’aide à la décision, contrôlé par le médecin, validé par les autorités sanitaires et soumis au contradictoire judiciaire. Des expérimentations existent déjà, notamment dans les compagnies d’assurance et certains cabinets d’expertise médicale, mais elles restent marginales et souvent confidentielles. Il devient donc crucial de développer une réglementation claire, qui encadre l’usage de ces technologies tout en garantissant les droits des victimes.  
Pour invoquer le préjudice d’agrément, la limitation de l’activité sportive ou de loisirs peut suffire (2 civ, 29 mars 2018, n° 17-14.499)   En matière de responsabilité civile, le dommage est l’une des conditions nécessaires pour obtenir une indemnisation. Celui-ci peut être corporel, matériel et/ou moral. Le dommage corporel est l’atteinte portée à l’intégrité physique d’une personne. Ce dommage fait naître des préjudices patrimoniaux ou extrapatrimoniaux. Les préjudices patrimoniaux représentent la perte subie ou le gain manqué. Les préjudices extrapatrimoniaux englobent les atteintes portées à un intérêt qui n’est pas pécunier, donc à un intérêt moral. Au titre de ces préjudices extrapatrimoniaux, il existe le préjudice d’agrément. Après une longue hésitation sur la définition du préjudice d’agrément, la Cour de cassation l’a défini dans un arrêt du 28 mai 2009 (2 civ, 28 mai 2009, n°08-16.829) « le préjudice d’agrément vise exclusivement l’indemnisation du préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ». Cette définition est appliquée de manière constante par la Cour de cassation. Ainsi, pour pouvoir invoquer ce préjudice, l’exercice de cette activité doit être antérieure à la survenance du dommage et pratiquée de manière régulière. Une difficulté s’est donc posée dans l’arrêt rendu par la 2ème chambre civile le 29 mars 2018 (2 civ, 29 mars 2018, n° 17-14.499). En l’espèce, après avoir été victime d’une agression, un individu a saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions afin d’obtenir réparation de ses préjudices. Au titre de ces préjudices, il a invoqué le préjudice d’agrément. En effet, avant son agression, la victime pratiquait en compétition de nombreuses activités sportives. Or, depuis son agression, il continuait de pratiquer régulièrement des activités sportives mais de manière moins intense. Son état physique le permettait uniquement de pratiquer ces activités de manière modérée non plus pour participer à des compétitions sportives mais dans une finalité thérapeutique. La question qui se posait était celle de savoir si la victime pouvait invoquer le préjudice d’agrément alors qu’elle continuait à pratiquer régulièrement une activité sportive mais de façon modérée. La Cour de cassation a répondu par l’affirmative en considérant que « le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; que ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure ».
Explications sur le préjudice d’angoisse de mort imminente, un préjudice récemment consacré   Définition Préjudice récent et complexe, il a été défini par la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE comme « la souffrance morale et psychologique liée à la conscience d’une mort imminente » et « suppose un état de conscience, et pendant un temps suffisant pour envisager sa propre fin » (CA d’AIX EN PROVENCE, 30 juin 2016, n°15/07185). La Cour d’appel de DOUAI l’a défini comme « le préjudice résultant pour la victime, de la douleur engendrée par la conscience du caractère inéluctable de sa mort prochaine » (CA de DOUAI, 12 avril 2018, n°17/0363). Le préjudice d’angoisse de mort imminente est donc constitué de la souffrance que vit la victime liée à la conscience de sa mort prochaine. Ce préjudice est complexe car il nécessite une condition essentielle à sa démonstration, difficile à prouver. Condition d’existence de ce préjudice Le préjudice d’angoisse de mort imminente peut résulter de faits très différents, tels qu’une attaque ou d’un accident notamment de la circulation. La seule condition essentielle d’existence porte sur la conscience de la victime de sa mort prochaine. La Cour de cassation a précisé cette condition à plusieurs reprises : – « le choc traumatique a été si violent que M. X… est resté inconscient, qu’il n’a pu être réanimé et que son décès a été quasi-instantané ; que les juges en concluent que la victime n’a pu se rendre compte de ce qu’il lui arrivait et que sa souffrance morale n’est pas établie » (Cass.crim., 5 octobre 2010, n°09-87.385). – « préjudice subi par la victime entre l’accident et son décès du fait de ses blessures et de l’angoisse d’une mort imminente, l’arrêt retient que l’agonie de la jeune fille a duré une dizaine de minutes et a été particulièrement pénible » (Cass.crim., 26 mars 2013, n°12-82.600).   La Cour de cassation retient ainsi une notion de temps écoulé entre les faits et le décès, et une notion de souffrance vécue durant ce laps de temps. Un décès immédiat fait ainsi obstacle à la reconnaissance de ce préjudice, la victime n’a en effet pas le temps de se rendre compte qu’elle va décéder. Cependant, si la victime reste en vie encore un certain temps après l’accident et vit des souffrances physiques et psychologiques importantes durant ce délai, le préjudice d’angoisse de mort imminente est reconnu.     Quid de la victime dans le coma ? La question a été posée, pour la victime se trouvant dans un état de coma avant son décès, de la conscience de sa mort prochaine. La Cour de cassation a jugé que la conscience de la mort prochaine étant la condition essentielle de ce préjudice, la seule constatation de la violence des souffrances que la victime aurait pu subir ne suffit pas : « n’ayant pas repris conscience, n’avait pas pu se rendre compte de la gravité de son état et de l’imminence de sa mort ; Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que le préjudice d’angoisse de mort imminente ne peut exister que si la victime est consciente de son état, la cour d’appel a justifié sa décision » (Cass.crim., 27 septembre 2016, n°15-83.309), dans le cas d’un homme tombé dans le coma après son accident et pendant quelques heures, avant son décès sur la table d’opération. Préjudice autonome ? La nomenclature Dintilhac prévoit parmi les postes de préjudices extrapatrimoniaux le préjudice des souffrances endurées, défini comme les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis depuis l’accident jusqu’à la consolidation. Bien que cette nomenclature ne soit pas limitative, une divergence a existé durant de nombreuses années au sein des chambres de la Cour de cassation sur l’appartenance ou non de ce préjudice d’angoisse de mort imminente aux souffrances endurées. La Chambre criminelle de la Cour de cassation considérait en effet que le préjudice d’angoisse de mort imminente était un préjudice autonome, donnant ainsi lieu à une indemnisation spécifique : « Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors que, sans procéder à une double indemnisation, elle a évalué séparément les préjudices distincts constitués par les souffrances endurées du fait des blessures et par l’angoisse d’une mort imminente » (Cass.crim., 23 octobre 2012, n°11-83.770). Les Première et Deuxième chambres civiles de la Cour de cassation jugeaient au contraire que ce préjudice était intégré dans le préjudice lié aux souffrances endurées. -« Mais attendu, d’une part, que, le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice des souffrances endurées, quelle que soit l’origine de ces souffrances, l’angoisse d’une mort imminente éprouvée par la victime ne peut justifier une indemnisation distincte qu’à la condition d’avoir été exclue de ce poste » (Cass., 1ère civ., 26 septembre 2019, n°18-20.924). -« Qu’en statuant ainsi, alors que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées, quelle que soit l’origine desdites souffrances, le préjudice lié à la conscience de sa mort prochaine, qualifié dans l’arrêt de préjudice d’angoisse de mort imminente, ne peut être indemnisé séparément » (Cass., 2ème civ., 2 février 2017, n°16-11.411).   La Chambre mixite de la Cour de cassation a cependant mis fin à ce débat par un arrêt du 25 mars 2022, désormais le préjudice d’angoisse de mort imminente est un préjudice autonome : « C’est, dès lors, sans indemniser deux fois le même préjudice que la cour d’appel, tenue d’assurer la réparation intégrale du dommage sans perte ni profit pour la victime, a réparé, d’une part, les souffrances endurées du fait des blessures, d’autre part, de façon autonome, l’angoisse d’une mort imminente » (Cass., chb. Mixte, 25 mars 2022, n°20-15.624).
L’INDEMNISATION DU PREJUDICE PERMANENT EXCEPTIONNEL Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 octobre 2021, 19-23.229 Afin de comprendre les explications ci-dessous, il convient de rappeler la définition des deux notions suivantes : Le préjudice permanent exceptionnel permet d’indemniser les situations dans lesquelles «il existe des préjudices atypiques » liés à une spécificité tenant, soit au handicap permanent dont reste atteinte la victime, soit aux circonstances ou à la nature de l’accident à l’origine du dommage. Le déficit fonctionnel permanent indemnise la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel et intellectuel. Une victime souffrant de paresthésie dans le bras droit suite à une coronarographie peut-elle cumuler une indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent  et au titre du préjudice permanent exceptionnel ? La victime peut cumuler une indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent et au titre du préjudice permanent exceptionnel. En l’espèce, une victime souffre de paresthésie (fourmillements, picotements) dans le bras droit après avoir subi une coronarographie (forme de radiographie par rayon X) qui a mal fonctionné. Des examens ultérieurs relèvent la présence de plusieurs corps étrangers métalliques identifiés comme des parties du guide d’introduction utilisé lors de la coronarographie. La Cour de cassation considère qu’il existe un déficit fonctionnel permanent compte tenu de la paresthésie dans le bras droit de la victime, qui limite ses gestes et entrave ses activités ordinaires. La Cour de cassation considère qu’il existe également un préjudice permanent exceptionnel en raison de la présence de fragments de guide dans le corps de la victime et du risque d’évolution permanent de son état de santé. En effet, ces éléments provoquent une angoisse chez la victime. Ainsi, pour être indemnisé au titre du préjudice permanent exceptionnel, ce préjudice doit être caractérisé indépendamment du déficit fonctionnel permanent. Un tel cumul est très rare et cette décision de la Cour de cassation est tout à fait remarquable. En effet, il a été jugé que la sensation d’avoir un corps étranger dans l’avant-bras constitue un préjudice propre, au-delà du déficit fonctionnel permanent, et de nature exceptionnelle. Elle retient alors l’existence d’un préjudice permanent exceptionnel, notion qui figurait dans la nomenclature de Dintilhac mais qui était très rarement retenue par la Cour de cassation.
APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND DE L’EVALUATION DES PREJUDICES PROFESSIONNELS DES JEUNES VICTIMES Peut-on cumuler une indemnisation au titre de l’incidence professionnelle et au titre des gains professionnels futurs ?   Avant d’aborder le fond de la question, il convient de rappeler la définition des deux notions suivantes : L’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle correspond à « l’impossibilité pour la victime de réaliser une carrière professionnelle tant du point de vue personnel que social », L’indemnisation au titre des gains professionnels futurs correspond à « la différence entre le revenu net moyen français et sa capacité de gain ». Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 octobre 2021, 20-13.537 Est-ce qu’un mineur de 10 ans souffrant de troubles de l’attention-concentration suite à un accident de la circulation peut être indemnisé au titre de l’incidence professionnelle ? Comme énoncé ci-dessus, la Cour de cassation définie l’incidence professionnelle comme « l’impossibilité pour la victime de réaliser une carrière professionnelle tant du point de vue personnel que social ». En l’espèce, un mineur de 10 ans victime d’un accident de la circulation, dont découle des troubles de l’attention-concentration avec des décrochages attentionnels fréquents et une capacité d’abstraction limité, demandait à être indemnisé au titre de l’incidence professionnelle. La Cour de cassation retient une indemnisation à ce titre. Est-ce que le préjudice de perte de gains professionnels futurs est cumulable avec le préjudice d’incidence professionnelle ? Comme énoncé ci-dessus, selon la Cour de cassation, la perte de gains professionnels futurs correspond à « la différence entre le revenu net moyen français et sa capacité de gain ». La Cour rappelle que l’indemnisation de l’incidence professionnelle est cumulable avec l’indemnisation des pertes de gains professionnels futurs car il s’agit de deux préjudices distincts. Dès lors que les séquelles de la victime l’empêche d’exercer un emploi qualifié et à temps plein, il en découle une perte de gains professionnels futurs. L’indemnisation d’une perte de gains professionnels futurs d’une jeune victime n’est donc pas conditionnée par la preuve de revenus antérieurs à la survenance de l’accident.    Comment calculer le montant de l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs lorsque l’on n’a aucune lisibilité sur le salaire qu’aurait eu le mineur de 10 ans devenu majeur et si ce dernier n’avait pas eu d’accident ? Les juges du fond ont un pouvoir souverain d’appréciation pour calculer le montant de l’indemnisation d’une jeune victime qui ne percevait pas de gains professionnels à la date du dommage. Mais comment savoir combien aurait gagné le jeune homme dans le futur ? Ils prennent donc en compte, pour l’avenir, la privation de ressources professionnelles engendrée par le dommage et ce en référence soit à la valeur du salaire médian qu’elle aurait pu percevoir, soit à la valeur du SMIC. Pour cela, les juges du fond tiennent compte de divers paramètres tels que l’âge de la victime à la date de l’accident, son parcours scolaire ou universitaire et ses orientations professionnelles. En l’espèce, la Cour de cassation s’est référée à la valeur du salaire médian (toutes professions confondues) pour indemniser le mineur de 10 ans victime d’un accident de la circulation. Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 septembre 2021, 20-10.712 Comment calculer le montant de l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs d’une universitaire victime d’un accident de la circulation lorsqu’elle était seulement en 2ème année de psychologie ? Ici, retenir le salaire médian de l’ensemble de la population pose naturellement question. En effet, de par l’entame de son cursus universitaire, cette étudiante ne pouvait-elle pas espérer mieux que le salaire médian ou que le SMIC ? Les juges du fond apprécient souverainement le montant de l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs d’une jeune femme de 20 ans, en 2ème année de psychologique, victime d’un accident de la circulation. En effet, le niveau scolaire de la victime démontrait qu’elle avait 60% de chance d’accéder à la profession de psychologue clinicienne. Dès lors, l’indemnisation au titre des gains professionnels futurs devra correspondre à  60% du salaire moyen d’une psychologue clinicienne. En cas de préjudice hypothétique, les juges peuvent donc indemniser la victime à hauteur d’une perte de gains professionnels (et non pas simplement à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée).
Suspension du délai de prescription en cas d’amnésie médicamenteuse et de minorité : une avancée jurisprudentielle majeure La question de la prescription de l’action publique en matière d’infractions sexuelles soulève régulièrement des débats, notamment lorsque les victimes se trouvent dans l’incapacité d’agir en raison de circonstances exceptionnelles. La Cour de cassation, dans un arrêt du 21 juin 2023 (Crim. 21 juin 2023, F-B, n° 23-80.106), a apporté des précisions essentielles en reconnaissant que l’amnésie médicamenteuse provoquée par une anesthésie peut constituer un obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites, justifiant ainsi la suspension du délai de prescription de l’action publique. Une affaire marquante : des infractions sexuelles commises sous anesthésie L’affaire à l’origine de cet arrêt concernait un chirurgien soupçonné d’avoir commis plusieurs centaines d’infractions sexuelles sur des patients, dont certains étaient mineurs, au cours d’interventions médicales ou lors de phases périopératoires. Ces actes avaient été découverts à la suite de la saisie de documents en 2017, mettant en évidence des agressions sexuelles et viols perpétrés alors que les victimes étaient endormies ou sous l’effet de médications altérant leur conscience. Mis en examen en 2020, le praticien a contesté la recevabilité de certaines poursuites, invoquant la prescription de l’action publique pour 85 faits. Le juge d’instruction et la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Rennes ont cependant considéré que la prescription n’était pas acquise pour plusieurs de ces faits, une décision confirmée en partie par la Cour de cassation. L’amnésie médicamenteuse : un obstacle insurmontable justifiant la suspension du délai de prescription L’un des arguments avancés par la défense était que l’absence de souvenir des victimes ne pouvait être considérée comme un obstacle insurmontable assimilable à la force majeure. Toutefois, la Cour de cassation a adopté une approche plus protectrice des victimes, estimant que l’amnésie médicamenteuse, résultant d’une anesthésie ou de prémédications, pouvait effectivement constituer un empêchement de fait à l’exercice de l’action publique. Cette reconnaissance a une portée particulièrement importante, car elle ouvre la voie à la suspension du délai de prescription tant que la victime demeure dans l’incapacité matérielle de porter plainte ou d’avoir conscience des faits subis. Cela permet d’éviter qu’un prévenu ne puisse échapper à la justice en raison des effets d’une médication ayant supprimé la mémoire des victimes. La question de la minorité des victimes L’arrêt soulève également la question du départ du délai de prescription pour les victimes mineures. En droit français, la prescription des infractions sexuelles sur mineur ne commence à courir qu’à partir de la majorité de la victime. Cependant, le mis en examen a contesté cette disposition en affirmant que l’autorité qu’il exerçait en tant que médecin ne pouvait être assimilée à une autorité parentale ou à un contrôle direct sur les victimes. Il en déduisait que le délai de prescription aurait dû commencer à courir à la date des faits et non à la majorité des patients concernés. La Cour de cassation a rejeté cet argument en confirmant que, conformément à la jurisprudence constante, le départ du délai de prescription est bien retardé jusqu’à la majorité des victimes mineures, garantissant ainsi une meilleure protection des enfants victimes d’abus sexuels.   Un renforcement des droits des victimes Cet arrêt illustre la volonté des juridictions de mieux prendre en compte la situation des victimes d’infractions sexuelles en adaptant les règles de prescription à leur vulnérabilité. La reconnaissance de l’amnésie médicamenteuse comme un empêchement insurmontable renforce l’arsenal juridique permettant de lutter contre l’impunité des agresseurs. Toutefois, cette décision soulève également des questions quant à sa mise en œuvre concrète. Comment établir avec certitude qu’une victime n’a pas eu conscience des faits subis pendant une longue période ? Quels critères objectifs pourront être retenus pour déterminer le moment à partir duquel la prescription peut commencer à courir ? Autant de questions qui devront être précisées par la jurisprudence future. Conclusion Par cet arrêt du 21 juin 2023, la Cour de cassation affirme une approche protectrice en matière de prescription des infractions sexuelles. La reconnaissance de l’amnésie médicamenteuse comme un obstacle insurmontable renforce les droits des victimes et permet de lutter plus efficacement contre l’impunité des auteurs d’agressions sexuelles. Il conviendra toutefois de suivre l’évolution de la jurisprudence pour s’assurer que cette décision ne donne pas lieu à des difficultés d’application et garantisse un juste équilibre entre les droits des victimes et ceux de la défense.  
Sous certaines conditions, la victime d’un viol sur mineur peut agir contre son agresseur même après l’expiration du délai de prescription   La loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste a mis en place une « prescription glissante » en matière de viol sur mineur. En principe, l’article 7 alinéa 3 du Code de procédure pénale prévoit qu’un viol commis sur un mineur se prescrit par 30 années révolues à compter de la majorité de ce dernier. Cependant, le législateur a mis en place une prescription glissante au sein de ce même article en permettant à la victime d’un viol d’agir contre son agresseur, même après l’expiration de ce délai de prescription si 3 conditions sont réunis :   L’auteur des faits a commis une nouvelle infraction sexuelle L’auteur des faits doit avoir commis une seconde infraction sexuelle. Il peut s’agir d’un viol mais également d’une autre agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle. En revanche la première infraction doit nécessairement être un viol.   La seconde infraction doit avoir été commise sur un autre mineur Pour pouvoir bénéficier de cette prescription glissante, la seconde infraction doit nécessairement avoir été commise sur un autre mineur.   La seconde infraction doit avoir été commise avant l’expiration du délai de prescription de la première infraction  Si la seconde infraction a été commise après l’expiration du délai de prescription de la première infraction, la victime ne pourra pas bénéficier de la prescription glissante et ainsi agir en justice contre son agresseur.    La première infraction se prescrira donc à quelle date ? Si ces 3 conditions sont réunies, la victime de la première infraction pourra agir en justice jusqu’à la date de prescription de la seconde infraction.   La prescription glissante bénéficie uniquement aux victimes de viol commis après son entrée en vigueur ? Les lois relatives aux délais de prescription sont d’application immédiate (article 112-2 in fine du Code de procédure pénale). Ainsi, les victimes de viol sur mineur peuvent bénéficier de cette prescription glissante, même si les faits ont été commis avant le 21 avril 2021 à condition qu’ils ne soient pas prescrits.
Comment s’y retrouver dans les délais de prescription après la loi du 27 février 2017 ?  Il existe différents délais de prescription : le délai en matière d’action publique (a) et le délai qui concerne l’exécution de la peine (b). A chaque règle son exception, des délais dérogatoires sont également prévus (c). L’existence d’une prescription a plusieurs raisons. Le droit considère que la société a un droit à l’oubli. En effet, plus le temps passe, plus il existe une impossibilité technique d’établir des preuves. De plus, le système judiciaire serait profondément inefficace si toutes les infractions étaient imprescriptibles. L’intervention du législateur au mois de février 2017 nécessite quelques clarifications.   a. Les délais de prescription en matière d’action pénale La loi du 27 février 2017 vient allonger les délais en matière délictuelle et criminelle. > En effet, l’article 7 du Code de procédure pénale prévoit que « L’action publique des crimes se prescrit par vingt années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise ». > Puis, l’article 8 du Code de procédure pénale dispose que « L’action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise ». > Les contraventions sont toujours prescrites après le délai d’un an.  Afin de déterminer le délai de prescription, il est nécessaire de pouvoir déterminer le point de départ de celui ci. En principe, le délai court à compter du jour de la commission de l’infraction. Cependant, il existe différentes catégories d’infractions : > Les infractions instantanées qui sont commises en un seul acte, > Les infractions continues qui durent dans le temps, > Les infractions d’habitudes qui sont constituées par la répétition d’au moins deux actes. En général, la jurisprudence a admis que le point de départ du délai est le jour de la commission du dernier acte infractionnel. Pour cela, il faudrait que l’infraction puisse être valablement constatée. Ainsi, il existe des infractions dites occultes ou dissimulées qui sont dérogatoires. Ces dernières sont définies comme étant celles qui ne peuvent pas être connues soit de l’autorité publique, soit de la victime. Mais encore, celles dont « l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte ». (Article 9-1 Code de procédure pénale) Dans le cas d’une infraction occulte, le délai de prescription pour les délits est de 12 ans et pour les crimes de 30 ans.   Certains actes interrompent le délai de prescription Les actes interruptifs permettent d’effacer le temps écoulé pour revenir au délai initial. L’article 9-2 du Code de procédure pénale prévoit les actes qui interrompent le délai de prescription. Ainsi, sont des actes interruptifs : > Le réquisitoire du ministère public > La demande d’ouverture d’une information > La requête de placement sous contrôle judiciaire ou mise en détention provisoire > La plainte avec constitution de partie civile > La comparution volontaire, la citation, la convocation par procès-verbal, la comparution immédiate > Les réquisitions aux fins d’enquête (en matière de presse) > Tout acte tendant à rechercher et à poursuivre l’auteur d’une infraction pénale notamment les actes d’enquête ou d’instruction > Tout jugement ou arrêt s’il ne comporte pas de nullité Certains actes ne sont pas interruptifs contrairement à ce qu’on peut penser. C’est le cas  du classement sans suite d’une affaire qui ne constitue pas un acte interruptif de prescription. Dans le même sens, depuis le 11 juillet 2012 (Cass, crim.,, n°11-87583), la plainte simple adressée au procureur de la République n’interrompt pas la prescription.   Certains actes suspendent le délai de prescription Le délai de prescription est dit suspendu dans la mesure où un obstacle de droit ou de fait empêche d’exercer des poursuites. Toutefois, la suspension n’implique pas l’effacement du délai déjà acquis. Par exemple, les infractions occultes engendrent la suspension du délai de prescription.   Qu’en est il des actes commis avant la loi du 27 février 2017 ? La loi du 27 février 2017 est entrée en vigueur le 1ermars 2017, elle est d’application immédiate. Autrement dit, si une infraction a été commise et qu’elle était prescrite avant l’entrée en vigueur de cette loi, alors les nouveaux délais de prescription ne s’appliquent pas. 1erexemple : Imaginons des faits de violences (délit) commis au mois de janvier 2013. Ce délit étant définitivement prescrit au mois de janvier 2016 (dans le cas où aucunes poursuites pénales n’auraient été engagées entre 2013 et 2016), les dispositions de la loi de février 2017 ne lui sont pas applicables. Cependant si, l’infraction commise n’est pas prescrite avant le 1ermars 2017 alors ce sont les nouveaux délais qui sont applicables. 2èmeexemple : Un meurtre est commis en mars 2015. À cette date, la prescription de l’action pénale est de 10 ans. Dès lors, ce crime n’est pas prescrit au mois de mars 2017. Aussi, l’action de ce crime ne sera pas prescrite en 2025 mais bien en mars 2035.   Les infractions ayant un délai de prescription dérogatoire > Les délais dérogatoires pour les personnes mineures Certaines infractions connaissent un délai de prescription différent, c’est le cas des infractions commises sur les mineurs. Lorsqu’un individu mineur est victime d’un délit ou d’un crime, le délai de prescription commence à courir à partir de sa majorité, soit à l’âge de 18 ans. Par exemple, d’après l’article 7 du Code de procédure pénale, certains crimes se prescrivent après 30 ans : – Le meurtre ou l’assassinat – Les tortures ou actes de barbaries – Le viol Ainsi, paradoxalement au regard des peines encourues, l’assassinat d’une personne mineure se prescrira 30 ans après la commission des faits mais le viol sur une personne mineure se prescrira 30 ans après la majorité de la victime. De la même manière, d’après l’article 8 du Code de procédure pénale, certains délits se prescrivent après 10 ans: – Traite des êtres humains – Le proxénétisme – Le recours à la prostitution – La corruption – La proposition sexuelle[1]par un majeur – La pédopornographie -L’incitation à se soumettre à une mutilation sexuelle D’autres se prescrivent après 20 ans révolus, c’est le cas : -Des violences ayant entrainé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours -Des agressions sexuelles[2]autre que le viol -Des atteintes sexuelles[3] > Les délais dérogatoires pour les personnes majeures Selon l’article 7 du Code de procédure pénale, certains crimes se prescrivent par 30 années révolues, c’est le cas pour : -Les actes de terrorisme -Le trafic de stupéfiants commis en bande organisée -Le blanchiment d’argent issu de l’infraction ci-dessus -L’eugénisme -Le clonage reproductif -Les actes commis en vue d’une disparition forcée -Les infractions concernant les armes nucléaires, biologiques ou chimiques -La divulgation d’informations d’intérêts fondamentaux à un autre Etat Selon l’article 8 du Code de procédure pénale, certains délits se prescrivent après 20 années révolues : -La contrebande -La participation à une association de malfaiteurs -La prolifération d’armes de destruction massive -Les délits en relation avec le terrorisme   b. Le délai de prescription en matière d’exécution de la peine Au même titre que la possibilité d’engager des poursuites contre un individu, une fois qu’une condamnation est prononcée définitivement, il existe alors un délai de prescription qui court pour ce qui concerne l’exécution de la peine. > En effet, l’article 133-4 du Code pénal prévoit que le délai de prescription pour l’exécution d’une peine concernant une contravention est de 3 années à compter de la date où la condamnation est définitive. > L’article 133-3 du Code pénal prévoit que le délai de prescription d’une peine concernant un délit est de 6 ans. > L’article 133-2 du Code pénal prévoit que le délai de prescription d’une peine concernant un crime est de 20 ans à compter de la date où la condamnation est définitive. Néanmoins, même si la peine est prescrite, certaines conséquences perdurent. Par exemple, chaque personne condamnée pour la commission d’une infraction aura une inscription sur son casier judiciaire, peu importe qu’elle ai exécutée ou non sa peine. Par conséquent, d’après les articles 132-9 et suivants de Code pénal, en cas de récidive, les précédentes infractions seront tout de même prises en compte.   Les actes interruptifs de la prescription de la peine De la même manière, certains actes peuvent interrompre le délai pour l’exécution de la peine. L’article 707-1 du Code de procédure pénale prévoit que « La prescription de la peine est interrompue par les actes ou décisions du ministère public, des juridictions de l’application des peines et, pour les peines d’amende ou de confiscation relevant de leur compétence, du Trésor ou de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, qui tendent à son exécution. » Ainsi, il s’avère que tout acte visant à la bonne exécution de la peine interrompt le délai de prescription.   c. L’existence de délais dérogatoires à la prescription  En matière d’action publique : quels sont-ils ? – Les délais de prescription en droit de la presse sont plus courts, le délai est de 3 mois en principe (certaines infractions se prescrivent après un an, c’est le cas des injures discriminatoires par exemple). – Les délais sont plus longs pour certains crimes. Par exemple : le terrorisme, le trafic de stupéfiants en bande organisée ou le clonage sont prescrits après 30 ans. -Certains délits comportent une durée de prescription plus longue notamment, les délits commis sur des mineurs. -Le crime contre l’humanité est le seul à être imprescriptible.   En matière d’exécution de la peine : quels sont-ils ? -Pour certains crimes, le délai est de 30 ans à compter de la décision définitive de condamnation. C’est le cas par exemple, des crimes contre l’espèce humaine, les crimes relatifs au trafic de stupéfiants et les crimes de guerre. – Pour certains délits, le délai est de 20 ans à compter de la décision définitive de condamnation. C’est le cas par exemple, des délits relatifs au trafic de stupéfiants ou aux délits de guerre.   [1]La proposition sexuelle est définit par la suggestion d’une personne majeure d’avoir une relation sexuelle avec un mineur de quinze ans. [2]L’agression sexuelle est constituée par tout acte sexuel autre que la pénétration lorsqu’il est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise. [3]L’atteinte sexuelle est caractérisée par tout acte sexuel sur un mineur de quinze ans même si celui ci était consentant.  
Une exception légale pour le viol sur mineur   Depuis la loi du 21 avril 2021, l’article 7 du Code de procédure pénale prévoit un mécanisme inédit : la prescription glissante en matière de viol sur mineur. Concrètement, lorsqu’un auteur de viol sur mineur commet, avant l’expiration du délai de prescription de ce premier fait, une nouvelle infraction sexuelle sur un autre mineur, la prescription du premier viol est suspendue. Ce dispositif vise à mieux protéger les victimes de violences sexuelles, dans un contexte où le silence, la peur et les blocages psychologiques retardent souvent la révélation des faits. Mais cette avancée soulève une interrogation : le bénéfice de la prescription glissante doit-il rester réservé au seul viol sur mineur ?   Une protection inégalitaire des victimes ?   En l’état actuel du droit, ce mécanisme n’est applicable qu’au viol sur mineur, à l’exclusion : Des agressions sexuelles (même graves) sur mineur, Des violences sexuelles sur majeurs, Des violences physiques répétées ou conjugales.   Une telle restriction soulève plusieurs limites : Deux victimes d’infractions comparables peuvent bénéficier de délais d’action radicalement différents, simplement en fonction de l’âge au moment des faits. Un agresseur multirécidiviste pourrait échapper à la justice pour des faits anciens, même en cas de récidive avérée, s’il s’agit de victimes majeures.   Or, la gravité de l’infraction et la récurrence des comportements doivent logiquement primer sur la qualification stricte ou l’âge de la victime, dans une logique de cohérence du droit pénal.   Une extension justifiée au regard des enjeux de société   L’évolution de la parole des victimes – notamment depuis le mouvement #MeToo – a mis en lumière le temps nécessaire pour dénoncer les violences sexuelles, qu’elles concernent des enfants ou des adultes. Certaines victimes mettent plusieurs décennies à parler, souvent lorsque d’autres témoignages apparaissent ou que l’auteur est impliqué dans une nouvelle affaire.   Dans ce contexte, étendre la prescription glissante à d’autres infractions sexuelles graves (agressions sexuelles, viols sur majeurs) permettrait :   De mieux lutter contre les auteurs en série, De valoriser la parole différée des victimes, D’éviter des classements sans suite uniquement fondés sur le temps écoulé.   Cela contribuerait également à une plus grande équité devant la justice, en assurant un traitement cohérent des faits de même nature.   Mais une extension juridiquement risquée ?   Toutefois, une telle réforme poserait plusieurs défis juridiques :   Le principe de légalité pénale impose que les règles de prescription soient claires, prévisibles et strictement interprétées. Le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme pourraient y voir une atteinte excessive à la sécurité juridique si la prescription devient trop flexible ou incertaine. Enfin, certains auteurs s’inquiètent d’un glissement vers un droit pénal de l’émotion, où le temps long de la mémoire individuelle remplacerait les bornes fixes de l’action publique.   Et surtout comment enquêter et obtenir la manifestation de la vérité si longtemps après les faits ?   Conclusion : une réforme à manier avec prudence   L’extension du mécanisme de la prescription glissante à d’autres infractions sexuelles est une question  qui se pose sur le plan humain et sociétal.   Mais elle prévoir des risques, et s’accompagner de garanties procédurales solides, afin d’assurer un équilibre entre effectivité de la répression et protection des droits fondamentaux.
Absence du principe de la loyauté de la preuve pour les particuliers et possibilité des preuves obtenues après la commission d’une infraction   Aux termes de l’article 427 du Code de procédure pénale « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction ». Le principe est donc celui de la liberté de la preuve.   Les particuliers sont-ils soumis au principe de la loyauté de la preuve ? A la différence des autorités de poursuites, les personnes privées ne sont pas soumises au principe de la loyauté de la preuve (cf : voir article « Les policiers peuvent-ils user d’un stratagème afin d’obtenir la preuve que j’ai commis une infraction ? »). Ainsi, elles peuvent apporter la preuve d’une infraction même de manière déloyale. Dans un arrêt du 27 janvier 2010, la Cour de cassation a considéré qu’aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter des moyens de preuve remis par un particulier aux services d’enquête au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale (Cass. crim, 27 janv. 2010, n° 09-83.395). Il peut donc s’agir d’enregistrements, de photographies mais également de messages.    Est-il possible de commettre une infraction pour apporter la preuve d’une autre infraction ? La Cour de cassation admet des preuves obtenues après la commission d’une infraction. Dans un arrêt du 11 juin 2002, la Cour de cassation a jugé recevable la production en justice d’une preuve obtenue en violation du secret de l’instruction. En effet, un journaliste a produit des documents soumis au secret de l’instruction afin de pouvoir établir la preuve d’une infraction pénale (Cass. crim, 11 juin 2002, n° 01-86.685). De même, dans un arrêt du 31 janvier 2012, les juges de la Haute Cour ont admis une preuve obtenue en violation du secret professionnel. En l’espèce, un tiers a enregistré une conversation entre des avocats et leur client. Une telle conversation est soumise au secret professionnel et son enregistrement constitue donc une violation de ce secret. Néanmoins, la Cour de cassation a considéré que cet enregistrement constitue une preuve recevable qui peut être discutée contradictoirement, et que la transcription de cet enregistrement, qui a pour seul objet d’en matérialiser le contenu, ne peut davantage donner lieu à annulation (Cass. crim, 31 janv. 2012, n° 11-85.464).
La provocation à l’infraction et la provocation à la preuve   Le principe : la liberté de la preuve  Aux termes de l’article 427 du Code de procédure pénale « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction ». Le principe qui gouverne la preuve est donc celui de la liberté de la preuve. Il peut donc s’agir d’enregistrements, de témoignages ou encore d’empreintes digitales. Néanmoins, ce principe n’est pas absolu. Les autorités judiciaires ne peuvent apporter des preuves de manière déloyale. 2 . La limite : la loyauté de la preuve  L’interdiction des provocations policières à l’infraction Les autorités judiciaires ne peuvent provoquer à l’infraction pour obtenir la preuve de celle-ci. La provocation à l’infraction consiste dans le fait de pousser le suspect à commettre une infraction afin d’obtenir des preuves. La Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 11 mai 2006 que porte atteinte au principe de la loyauté des preuves et au droit à un procès équitable la provocation à la commission d’une infraction par un agent de l’autorité publique ou par son intermédiaire. La déloyauté d’un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus (Cass. crim, 11 mai 2006, n° 05-84.837). En l’espèce, à la demande de la brigade des mineurs, un individu s’est connecté à un site de rencontre homosexuel en se faisant passer pour un adolescent de 14 ans et est entré en contact avec le prévenu. Ce dernier a accepté de lui transmettre des images de mineurs à caractère pornographique. Les deux hommes ont pris rendez-vous et l’homme a été interpellé par les policiers. La Cour de cassation a considéré que l’agent avait, à l’instigation des policiers, incité le prévenu à lui transmettre de telles images. Ainsi, les autorités judiciaires ont provoqué à la commission de l’infraction. La licéité de la provocation à la preuve A la différence de la provocation à l’infraction, la provocation à la preuve est licite. Elle consiste dans le fait de faire usage d’un stratagème permettant d’obtenir la preuve d’une infraction pénale. Contrairement à la provocation à l’infraction, l’auteur des faits ne sera pas conduit par les autorités de poursuite à commettre cette infraction. Exemples de provocation à la preuve : La Cour de cassation a considéré que constitue une provocation à la preuve le fait pour un officier de police judiciaire informé par un tiers de la possible commission d’infractions, de contacter, à l’aide d’un numéro de téléphone diffusé par elle sur internet, la société mettant en vente un véhicule susceptible d’avoir été acquis en leasing à l’aide d’un dossier contenant des pièces falsifiées, et de se rendre au rendez-vous fixé par le commercial qui l’a rappelé à cette fin, sans prendre aucun engagement ni faire une quelconque autre demande (Cass. crim, 12 sept. 2018, n° 17-87.498). Les juges de la Haute Cour ont précisé qu’il ne s’agissait pas d’une provocation à la commission d’une infraction laquelle était déjà réalisée s’agissant du détournement d’un véhicule acquis initialement en leasing et déjà mis en vente sur internet avant le terme de ce crédit, soit sans être propriétaire. Dans une autre affaire, la Cour de cassation a également considéré que des policiers peuvent répondre à une annonce de vente immobilière en se présentant comme acquéreurs et fixer un rendez-vous avec l’auteur du vol dans le but de l’appréhender dès lors que le procédé n’a en rien déterminé les agissements de la personne mis en examen (Cass. crim 15 déc. 2015, n° 15-84.373). Attention : la provocation à la preuve ne peut toutefois pas être admise si les enquêteurs ont fait usage d’un stratagème constituant un procédé déloyal de recherche des preuves (Cass. ass. plén. 6 mars 2015, n°14-84.339).   En conclusion, il convient de distinguer entre la provocation à l’infraction et la provocation à la preuve. Si les enquêteurs ont poussé l’auteur des faits à commettre l’infraction afin d’obtenir une preuve, il s’agit d’une provocation à l’infraction qui n’est pas admise en droit.  En revanche, si les agissements des enquêteurs ont uniquement consisté à obtenir une preuve sans déterminer les agissements de l’agent, il s’agit d’une provocation à la preuve qui est autorisée sauf s’ils ont fait usage d’un stratagème constituant un procédé déloyal de recherche des preuves.
Le juge d’instruction doit renouveler la procédure d’information en cas de reprise ou de poursuite de l’information postérieurement à la notification de l’avis de fin d’information Cass.crim., 6 janvier 2015, n°13-88.227 Rappel des issues possibles de la procédure d’information  La clôture de l’information L’article 175 du code de procédure pénale dispose que dans le cadre de la clôture de l’information, le juge d’instruction doit : Communiquer au procureur de la République le dossier d’information, Prévenir les avocats des parties ou les parties elles-mêmes de la fin de l’information, Et adresser aux avocats des parties ou parties elles-mêmes une copie des réquisitions du procureur de la République. Les parties peuvent formuler des demandes ou requêtes auprès du juge d’instruction dans un délai d’un mois « si une personne mise en examen est détenue » ou de trois mois dans les autres cas. Lorsque l’information est reprise ou poursuivie postérieurement à la notification de l’avis de fin d’information, le juge d’instruction doit renouveler la procédure de fin d’information. Le renvoi du dossier au juge d’instruction par la chambre d’instruction Aux termes de l’article 206 du code de procédure pénale, la chambre d’instruction est compétente pour vérifier la régularité des procédures qui lui sont soumises. Si la chambre d’instruction constate une cause de nullité au sein de la procédure, elle doit prononcer la nullité de l’acte en cause, puis évoquer et procéder aux actes d’instruction relevant de sa compétence, ou renvoyer le dossier au juge d’instruction afin de poursuivre l’information. Arrêt du 6 janvier 2015, rappel strict de la compétence et la procédure d’information En l’espèce, une société a porté plainte et s’est constituée partie civile pour des faits de diffamation publique envers un particulier. Suite à des investigations infructueuses relatives à l’auteur de l’acte, le juge d’instruction avait notifié aux parties la fin de l’information par un avis et communiqué le dossier de la procédure au procureur de la République. Le même jour, les parties ont sollicité des mesures d’instruction supplémentaires. Le juge d’instruction a délivré une commission rogatoire aux fins demandées, puis a rendu une ordonnance de non-lieu sans communiquer aux parties les réquisitions du ministère public ni le nouvel avis de fin d’information. La chambre de l’instruction a refusé d’annuler l’ordonnance de renvoi et de renvoyer la procédure au juge d’instruction aux fins de régularisation. La Cour de cassation a cassé la décision de la chambre de l’instruction au motif que le juge d’instruction doit renouveler la procédure d’information si celle-ci est reprise ou poursuivie postérieurement à la notification de fin d’information. En effet, dans cette décision, le juge d’instruction aurait dû délivrer un nouvel avis de fin d’information aux parties, et ce dernier avait aussi l’obligation d’évoquer et procéder aux actes d’instruction relevant de sa compétence, ou de renvoyer le dossier au juge d’instruction pour poursuivre l’information, ce qu’il n’avait pas effectué. Quid en cas d’appel du Parquet ? Il ressort de cette jurisprudence l’importance du respect de la procédure d’information. Le cas échéant, les actes peuvent être entachés de nullité. Par conséquent, il en ressort qu’en n’appliquant pas correctement la procédure d’information, le délai d’instruction et de jugement du dossier se retrouve allongé. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a pris soin de rappeler les éléments procéduraux relatifs à la clôture et la reprise de l’information. Une application généralisée de cette règle Dans un arrêt du 22 novembre 2023, les juges ont eu l’occasion de préciser que le versement au dossier de pièces demandées par le juge d’instruction, après l’avis de clôture, sans qu’elles figurent auparavant à la procédure ni qu’elles aient été soumises à un examen contradictoire, constitue une poursuite de l’instruction. Dans une telle hypothèse, il est nécessaire de renouveler la procédure d’information et donc de délivrer, après le versement des pièces au dossier, un nouvel avis de fin d’information. Il était question dans cette affaire « d‘arrestation, enlèvement, détention ou séquestration arbitraires pour faciliter la commission d’un crime, tentative d’extorsion avec arme, en bande organisée, et associations de malfaiteurs, en récidive ». (Cass.crim., 22 novembre 2023, n°23-85.205)
Un fonctionnaire peut-il utiliser le droit de sa taire lors d’une procédure disciplinaire ?   Le droit de se taire : définition Le droit de se taire peut être défini comme le fait de pouvoir faire ou s’abstenir de faire des déclarations pouvant éclairer le juge quant à sa culpabilité. Ce droit découle du principe de présomption d’innocence, prévu à l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 :   « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »   Ce droit de se taire s’applique aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais aussi aux sanctions ayant le caractère d’une punition.   Les droits d’un fonctionnaire poursuivi disciplinairement Lorsqu’un fonctionnaire fait l’objet d’une procédure disciplinaire, ses droits sont énoncés, tels que le droit de se faire communiquer l’intégralité du dossier disciplinaire le concernant, mais aussi le droit d’être assisté du défenseur de son choix, comme le prévoient l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983, ainsi que les articles L. 532-4 et L. 532-5 du code général de la fonction publique. Cependant, aucune disposition ne garantit au fonctionnaire le droit de se taire.   La QPC du 4 octobre 2024 En l’espèce, un fonctionnaire a fait l’objet d’une procédure disciplinaire. Ses droits de communication du dossier et d’assistance lui ont été énumérés. Une Question Prioritaire de Constitutionnalité a été formulée par ce fonctionnaire concernant le droit de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire, contestant l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983, et les articles L. 532-4 et L. 532-5 du code général de la fonction publique, en ce qu’ils ne prévoient pas expressément le droit pour le fonctionnaire de se taire.   Le Conseil constitutionnel a considéré que ces dispositions étaient contraires à la Constitution, en ce qu’elles méconnaissent les exigences de l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Cette décision a pour conséquence l’abrogation de ces dispositions appliquée au 1er octobre 2025. Cela implique l’adoption d’une nouvelle loi garantissant aux fonctionnaires le droit de se taire lors d’une procédure disciplinaire. Dans l’attente de cette nouvelle disposition, le fonctionnaire doit être informé de son droit de se taire devant le conseil de discipline.   L’extension du droit de se taire Le droit de se taire est expressément garanti à tous les stades d’une procédure pénale, de la garde à vue à l’audience devant un juge. Cette décision du Conseil constitutionnel vient alors étendre le champ d’application de ce droit aux procédures disciplinaires.
Quelles sont les causes entraînant une extinction de l’action publique ?   L’action publique est l’action exercée par le ministère public à l’égard d’un individu ayant commis une infraction dans l’objectif de lui appliquer une peine.   L’article 1er du Code de procédure pénale dispose que « l’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le présent code. »   Néanmoins, dans certaines circonstances, cette action publique peut être éteinte. L’article 6 alinéa 1er du Code pénal précise que l’action publique pour l’application de la peine s’éteint dans 5 hypothèses :   La mort du prévenu La mort de la personne poursuivie éteint l’action publique. Aucune peine ne peut donc être prononcée à son encontre.   La prescription   La prescription des infractions est le délai pendant lequel un individu ayant commis une infraction peut être poursuivi afin d’être condamné. En principe, les délais sont les suivants :   20 ans pour les crimes à compter du jour où l’infraction a été commise (article 7 du Code de procédure pénale)   6 ans pour les délits à compter du jour où l’infraction a été commise (article 8 du Code de procédure pénale)   1 an pour les contraventions à compter du jour où l’infraction a été commise (article 9 du Code de procédure pénale)   Il existe certains délais spéciaux notamment pour les délits de presse (la prescription est de 3 mois), mais également pour les crimes contre l’humanité (ces crimes sont imprescriptibles). En principe, une fois le délai de prescription écoulé, l’individu ne peut plus être poursuivi et condamné.   Il convient toutefois de prendre en compte les actes ou obstacles qui interrompent ou suspendent la prescription. En effet, lorsque le délai de prescription est interrompu, le délai déjà écoulé « s’efface », pour donner lieu au départ d’un nouveau délai identique au délai initial.   A contrario, la suspension arrête temporairement le délai de prescription. Ce dernier recommence à courir où il s’était arrêté, une fois l’obstacle de droit ou de fait disparu.   L’amnistie L’amnistie est prévue à l’article 133-9 du Code pénal « L’amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les peines. Elle rétablit l’auteur ou le complice de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accordé lors d’une condamnation antérieure ». Ainsi, il est interdit à toute personne qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d’interdictions, déchéances et incapacités effacées par l’amnistie, d’en rappeler l’existence sous quelque forme que ce soit ou d’en laisser subsister la mention dans un document quelconque.   L’abrogation de la loi pénale La disparition de la loi pénale fait obstacle à toute poursuite à l’égard d’un l’individu ayant commis les faits auparavant incriminés. Cette impossibilité de poursuivre l’individu se justifie par le principe de légalité prévu à l’article 111-3 du Code pénal selon lequel « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement. ». De même, lorsque les faits poursuivis cessent d’être punissables avant qu’une décision définitive ne soit intervenue, l’individu ne peut plus être condamné pour ces faits.   La chose jugée La chose jugée est prévue notamment à l’article 368 du Code de procédure pénale « Aucune personne acquittée légalement ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente ». La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’autorité de la chose jugée ne peut être valablement invoquée que lorsqu’il existe une identité de cause, d’objet et de parties entre les 2 poursuites. A titre d’exemple, la relaxe d’un prévenu du chef d’abus de confiance ne met pas d’obstacles à une nouvelle poursuite pour des faits constitutifs d’abus de biens sociaux (Cass. crim, 2 avr. 1990, n° 88-81.264). Cependant, en raison de l’autorité de la chose jugée, un prévenu relaxé des poursuites de harcèlement sexuel ne peut être ensuite valablement poursuivi pour agressions sexuelles aggravées pour les mêmes faits (Cass. crim, 19 janv. 2005, n° 04-81.686).
Les modalités de la technique d’infiltration utilisée par la police judiciaire   L’infiltration consiste, pour un officier ou un agent de police judiciaire, à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs. Ainsi, l’officier ou l’agent de police judiciaire est autorisé à faire usage d’une identité d’emprunt. Néanmoins, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions (cf : voir article « les policiers peuvent-ils user d’un stratagème afin d’obtenir la preuve que j’ai commis une infraction ? »).   Quels actes l’agent peut-il commettre dans le cadre de cette infiltration ? Aux termes de l’article 706-82 du Code de procédure pénale, l’agent infiltré peut commettre ces actes sans être déclaré pénalement responsable : Acquérir, détenir, transporter, livrer ou délivrer des substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions ou servant à la commission de ces infractions Utiliser ou mettre à disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication   L’opération d’infiltration peut-elle être autorisée pour toutes les infractions ? L’opération d’infiltration est soumise à une procédure particulière car elle est applicable uniquement à la criminalité et à la délinquance organisées. L’article 706-81 du Code de procédure pénale précise que l’infiltration est possible lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction concernant l’un des crimes ou délits entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 le justifient. Les infractions suivantes relèvent notamment de la criminalité et de la délinquance organisées : Les crimes de meurtre commis en bande organisée Les crimes et délits d’enlèvement et de séquestration commis en bande organisée Les crimes et délits de trafic de stupéfiants Le crime de vol en bande organisée Le crime de torture et d’actes de barbarie commis en bande organisée   Quelle autorité est compétente pour autoriser une infiltration ? Selon l’article 706-81 alinéa 1er du Code de procédure pénale « le procureur de la République ou, après avis de ce magistrat, le juge d’instruction saisi peuvent autoriser qu’il soit procédé, sous leur contrôle respectif, à une opération d’infiltration ». A peine de nullité, cette autorisation doit être délivrée par écrit et doit être spécialement motivée. Elle mentionne la ou les infractions qui justifient le recours à cette procédure et l’identité de l’officier de police judiciaire sous la responsabilité duquel se déroule l’opération.   Quelle est la durée d’une infiltration ? L’infiltration ne peut excéder quatre mois. Cependant, elle peut être renouvelée dans les mêmes conditions de forme et de durée. Le magistrat qui a autorisé l’opération peut, à tout moment, ordonner son interruption avant l’expiration de la durée fixée.
La mise en liberté d’office du détenu en l’absence d’interrogatoire : l’arrêt crucial de la Cour de cassation du 19 décembre 2023 Le 19 décembre 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt qui vient clarifier une question essentielle dans la procédure pénale : celle de la mise en liberté d’office d’un détenu en l’absence d’interrogatoire devant le juge d’instruction. Ce jugement vient rappeler l’importance des délais d’instruction et des conditions dans lesquelles un prévenu peut demander à être entendu, tout en rappelant les limites légales qui encadrent cette procédure. À travers cette décision, la Cour a statué sur la question de savoir si, en cas de non-respect des délais d’interrogatoire, un détenu pouvait revendiquer sa mise en liberté d’office. Les faits de l’affaire et la question juridique posée Dans cette affaire, le prévenu, mis en examen pour des faits graves d’infractions aux législations sur les stupéfiants, les armes et le blanchiment aggravé, se trouvait en détention provisoire depuis plusieurs mois. À l’issue de sa dernière comparution, le délai de quatre mois prévu par l’article 82-1 du Code de procédure pénale était écoulé sans que le juge d’instruction ne l’ait entendu. En conséquence, le prévenu a formulé une demande de mise en liberté d’office, arguant que l’absence d’interrogatoire dans les délais impartis violait ses droits, en particulier ceux garantis par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi que la Constitution. Cette question a été soumise à la Cour de cassation, qui a été amenée à se prononcer sur la conformité des dispositions du Code de procédure pénale avec les principes fondamentaux du droit pénal. Le prévenu soutenait que le législateur aurait dû prévoir une mise en liberté automatique lorsque l’interrogatoire devant le juge d’instruction n’était pas effectué dans le délai de quatre mois, estimant qu’en l’absence de telle mesure, il y avait une violation de ses droits fondamentaux. L’arrêt de la Cour de cassation et la position du législateur Dans sa décision, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté la demande du prévenu et a souligné que les dispositions de l’article 82-1 du Code de procédure pénale ne prévoient pas la mise en liberté d’office du détenu en cas d’absence d’interrogatoire dans les délais impartis. Selon la Cour, la législation en vigueur n’impose pas cette sanction automatique de libération, contrairement à ce que soutenait le prévenu. La Cour de cassation a estimé que les textes législatifs sont suffisamment clairs à ce sujet et que le législateur n’était pas tenu d’édicter une règle de mise en liberté d’office dans ce cas précis. Bien que le prévenu puisse demander à être entendu par le juge d’instruction après quatre mois, l’absence d’interrogatoire ne conduit pas à une libération d’office, sauf si d’autres irrégularités dans la procédure étaient constatées. Le rôle de l’article 82-1 du Code de procédure pénale et son application L’article 82-1 du Code de procédure pénale permet à toute personne mise en examen de demander à être entendue par le juge d’instruction à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la dernière comparution. Ce dispositif vise à garantir que la personne mise en examen soit entendue dans un délai raisonnable. Cependant, cet article ne comporte aucune mention explicite d’une mise en liberté automatique si l’interrogatoire n’a pas lieu dans les délais. Ainsi, la question se posait de savoir si l’absence d’audition dans ce délai justifiait, en soi, la libération du détenu. La chambre criminelle a affirmé que le droit de la défense et les droits fondamentaux du prévenu sont respectés par les délais imposés et par les possibilités de solliciter l’audition du juge d’instruction, sans qu’il soit nécessaire d’ajouter une règle de mise en liberté automatique. Pour la Cour, la mise en détention provisoire d’un prévenu reste une mesure exceptionnelle, justifiée par la nécessité de garantir le bon déroulement de l’enquête et de prévenir toute obstruction à la justice. L’importance de la procédure pénale et des délais d’instruction Cet arrêt soulève plusieurs enjeux importants concernant l’équilibre à maintenir entre le respect des droits de la défense et les impératifs de l’instruction pénale. D’un côté, il est essentiel de garantir que l’instruction soit menée dans des délais raisonnables, afin de ne pas porter atteinte aux droits du prévenu, notamment en ce qui concerne la durée de la détention provisoire. D’un autre côté, la Cour de cassation rappelle que la mise en liberté d’office en l’absence d’un interrogatoire pourrait avoir des conséquences néfastes sur le déroulement de l’enquête et la préservation de l’ordre public. Cet arrêt met en lumière la rigueur de la procédure pénale, qui prévoit déjà des mécanismes de contrôle de la durée de la détention provisoire, comme les décisions de prolongation de la détention par le juge des libertés et de la détention. En revanche, il n’envisage pas que l’absence d’un interrogatoire dans les délais prévus entraîne systématiquement une libération, et cela afin de maintenir un équilibre entre les droits du prévenu et la nécessité de garantir une instruction complète et effective.       Conclusion En conclusion, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 décembre 2023 rappelle la discipline imposée par le Code de procédure pénale en matière de délais d’instruction. Si les prévenus ont le droit d’être entendus dans un délai raisonnable, le législateur a fait le choix de ne pas instaurer une mise en liberté d’office en cas de non-respect de ces délais, estimant qu’une telle mesure pourrait nuire à l’ordre public et à l’efficacité de l’enquête. Cette décision clarifie donc les attentes en matière de droit à l’audition, tout en préservant l’équilibre entre les droits de la défense et la nécessité d’une instruction approfondie.
Dans quels cas un suspect peut-il être placé sur écoute téléphonique ?   Dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance :   Les infractions concernées L’article 706-95 du Code de procédure pénale prévoit que si les nécessités de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire relative à l’une des infractions relatives à la criminalité et à la délinquance organisées l’exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l’interception, l’enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques. Relèvent notamment de la criminalité et de la délinquance organisées : Les crimes de meurtre commis en bande organisée Les crimes et délits d’enlèvement et de séquestration commis en bande organisée Les crimes et délits de trafic de stupéfiants Le crime de vol commis en bande organisé Le crime de tortures et d’actes de barbarie commis en bande organisée   La durée de la mesure Ces opérations réalisées sous le contrôle du juge des libertés et de la détention sont autorisées pour une durée maximum de 1 mois, renouvelable une fois.   Dans le cadre d’une instruction : Les infractions concernées L’article 100 du Code de procédure pénale dispose qu’en matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à 3 ans d’emprisonnement, le juge d’instruction peut, lorsque les nécessités de l’information l’exigent, prescrire l’interception, l’enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques.   La durée de la mesure Cette décision est prise pour une durée maximum de 4 mois et les écoutes sont effectuées sous le contrôle du juge d’instruction.   Les conditions communes : La décision d’interception doit être écrite. L’article 100-1 précise que cette décision est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant la nécessité de ces opérations.   Seule la personne visée par l’enquête peut être placée sur écoute ?  La personne visée par l’enquête, le mis en examen mais également des tiers peuvent être placés sur écoute.   Un individu dont les écoutes ont été retranscrites au dossier peut-il demander la nullité de la mesure dans la mesure où il n’est ni titulaire, ni utilisateur de la ligne ? La Cour de cassation a précisé que toute personne dont les écoutes ont été retranscrites au dossier a qualité pour agir même si la mesure a été réalisée sur une ligne dont elle n’est ni titulaire, ni utilisatrice (Cass. crim, 15 janvier 2003, n° 02-87.341).
Qu’est-ce qu’une CRPC ? Une CRPC, autrement appelée « plaider-coupable », permet d’éviter les poursuites. C’est une reconnaissance, par l’auteur des faits, de sa culpabilité. A la suite de celle-ci, le procureur de la République lui proposera une peine. Cette procédure s’applique de deux manières : L’auteur des faits est convoqué, sur décision du procureur de la République L’auteur des faits, s’il a été convoqué en justice, ou a fait l’objet d’une citation directe, peut demander à ce que la procédure CRPC soit appliquée. Il fait cela en envoyant une lettre recommandée avec AR au procureur (Circulaire CRIM 04-12 E8 du 2 septembre 2004, article 2.1.2) Lors de l’entretien entre la personne concernée et le procureur de la République, un avocat doit obligatoirement être présent (article 495-8 du CPP) : « la personne ne peut renoncer à son droit d’être assistée par un avocat ».   La décision de peine doit être homologuée par une ordonnance motivée, rendue le jour même par le président du Tribunal Judiciaire, en présence de la personne concernée (article 495-9 CPP).   Quelles infractions sont passibles d’une CRPC ? Selon l’article 495-7 du CPP, « pour tous les délits, à l’exception de ceux mentionnés à l’article 495-16 et des délits d’atteinte volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et d’agressions sexuelles prévues aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans », il est possible d’appliquer une CRPC. L’article 495-16 du CPP mentionne donc les exceptions, les infractions qui ne peuvent faire l’objet d’une CRPC : « Les dispositions de la présente section ne sont applicables ni aux mineurs de dix-huit ans ni en matière de délits de presse, de délits d’homicides involontaires ou de délits politiques ».   La CRPC s’applique notamment aux infractions dont la peine est prévisible, ou à celles qui ne justifient pas d’une audience devant le tribunal correctionnel (Circulaire CRIM 04-12 E8 du 2 septembre 2004, article 1.2.2.3 et article 1.2.2.4).   Quelles peines peuvent être proposées ? Selon l’article 495-8 du Code de procédure pénale, « le procureur de la République peut proposer à la personne d’exécuter une ou plusieurs des peines principales ou complémentaires encourues ».   Les peines principales sont notamment des peines d’emprisonnement ou des amendes : Si une peine d’emprisonnement est proposée elle ne peut excéder trois ans, « ni excéder la moitié de la peine d’emprisonnement encourue», c’est-à-dire celle que l’auteur risquerait s’il passait devant le tribunal correctionnel.   Selon l’article 495-11 du CPP, « Lorsque la peine homologuée est une peine d’emprisonnement ferme, la personne est, selon les distinctions prévues au deuxième alinéa de l’article 495-8, soit immédiatement incarcéré en maison d’arrêt, soit convoquée devant le juge de l’application des peines, à qui l’ordonnance est alors transmise sans délai ».   Une amende est également possible, sous les mêmes conditions : son montant ne peut être supérieur au montant de l’amende encourue.   Les peines complémentaires sont celles qui sont déjà prévues pour le délit reproché, à l’article 131-10 du Code pénal, et peuvent se constituer de « une ou plusieurs peines complémentaires qui, frappant les personnes physiques, emportent interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d’un droit, injonction de soins ou obligation de faire, immobilisation ou confiscation d’un objet, confiscation d’un animal, fermeture d’un établissement ou affichage de la décision prononcée ou diffusion de celle-ci par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique ». Par exemple, une personne coupable d’un délit ou d’une contravention pourrait se faire retirer son permis de conduire ou de chasser (article 131-10 Code pénal). La Cour administrative d’appel de Lyon a pu juger que pour des faits d’usage et détention d’un faux document d’identité, la personne concernée a pu être condamné, par la voie d’une CRPC, à une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans (Cour administrative d’appel de Lyon – 5ème chambre B – formation à 3, 21 février 2019, n°18LY03873). Il serait également possible d’effectuer des stages. Pour un délit de conduite sous l’emprise d’un état alcoolique, la peine prononcée fut de soixante-dix heures de travail d’intérêt général, et dix mois de suspension de son permis de conduire (Cass. Crim. 14 avril 2021, n°20-83.607).   Quelles suites sont possibles après une proposition de peine ? La personne concernée peut refuser la proposition du procureur. Elle passera alors devant un tribunal, qui ne peut pas la condamner à une peine plus lourde que celle qui avait été proposée par le procureur : « En cas d’appel d’une ordonnance rendue en application de l’article 495-11, la cour évoque l’affaire et statue sur le fond sans pouvoir prononcer une peine plus sévère que celle homologuée par le président du tribunal ou le juge délégué par lui, sauf s’il y a appel par le ministère public » (article 520-1 CPP). Si le magistrat saisi refuse l’homologation de la peine proposée, l’auteur des faits devra, dans les mêmes conditions que s’il n’avait pas accepté la peine, passer devant le tribunal correctionnel (article 495-12 CPP). Après un refus d’homologation, il est impossible pour le procureur de la République de proposer une deuxième procédure de CRPC : « Il se déduit de l’article 495-12 du code de procédure pénale, interprété à la lumière des travaux parlementaires relatifs aux lois n° 2004-204 du 9 mars 2004 et n° 2018-898 du 23 octobre 2018, qu’une nouvelle proposition de peine ne saurait autoriser, après un refus d’homologation, la mise en oeuvre d’une autre comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » (Cass. Crim., 17 mai 2022, n°21-86.131).
Cass. Crim., 27 mai 2009, n°09-82.115 La mise en place d’un dispositif de captation d’image et de son à l’insu d’un individu est prévu à l’article 706-96 du Code de procédure pénal : « Il peut être recouru à la mise en place d’un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. » Ce dispositif était pendant très longtemps entre les mains exclusives du juge d’instruction lors de l’instruction mais face à une criminalité de plus en plus organisée, on a octroyé de plus en plus de pouvoir au procureur de la République dans le cadre de l’enquête. S’agissant des faits, un individu a été mis en examen pour recel de véhicules volés et de falsification de leur immatriculation. Lors de l’enquête préliminaire, les enquêteurs ont mis en place un dispositif de captation d’image dans l’allée centrale d’un parking d’une copropriété dont l’accès nécessite l’usage d’une télécommande. Le mis en examen a saisi la Chambre de l’instruction et a une soulevé une nullité. En effet, il demande l’annulation d’actes de la procédure et en particulier la captation des vidéo-surveillances, en faisant valoir qu’elles n’avaient pas été autorisée par un juge et qu’elles avaient été effectuées dans un lieu privé à usage d’habitation, inaccessible à des vues extérieures et clos, l’usage d’une clef étant nécessaire pour y entrer. La chambre de l’instruction déboute le mis en examen, et déclare que l’installation du dispositif de captation d’image dans l’allée centrale du parking d’une copropriété est valable. En effet, La chambre de l’instruction considère que le parking relève des parties communes de la copropriété, l’accord du syndic de copropriété suffit, sans qu’il n’y ait lieu à demander l’autorisation à un juge. De plus, le parking n’étant pas un lieu privé, le mis en examen n’étant titulaire d’aucun droit, n’a pas la qualité de contester la mise en place de ce dispositif sur le fondement du respect à la vie privée. Un pourvoi en cassation est formé. L’autorisation du syndic de copropriété de procéder à un dispositif de captation de vidéo-surveillance dans les parties communes, enlève-t-elle l’obligation de demander l’autorisation à un juge ? Dans son arrêt du 9 mai 2009, la Chambre Criminelle de la Cour de cassation a considéré que les parties communes d’une copropriété étaient un lieu privé, de ce fait les enquêteurs auraient dû demander l’autorisation à un juge. Cet arrêt nous apprend deux choses, en premiers lieu que lors de la phase d’enquête les policiers ne peuvent pas mettre en place un dispositif de captation d’image et de son sans autorisation préalable. En deuxième lieu, que les parties communes d’une copropriété sont des lieux privés, et que même avec l’accord du syndic, il faut demander l’autorisation à un juge.   I/ Les autorités compétentes pour la captation d’image et de son 1.Un dispositif ouvert uniquement à l’instruction La loi n°2004-2049 du 9 mars 2004, a prévu un dispositif pour lutter contre la criminalité organisée, avec la possibilité de mettre en place une installation de captation du son et des images. Ce dispositif est introduit à l’article 706-96 du Code de procédure pénal. L’utilisation de ce dispositif est autorisée qu’au cours d’une information judiciaire, sous le contrôle du juge d’instruction, et uniquement pour les infractions énumérées par l’article 706-73 du code de procédure pénale. Par le biais d’une commission rogatoire et après avis du procureur de la République, il ordonne aux officiers et agents de police judiciaire de mettre en place le dispositif de captation des images et du son, sans le consentement des intéressés. C’est un dispositif attentatoire à la vie privée, en effet, face au développement des moyens technologique d’investigation, les parties invoquent de plus en plus des demandes d’annulation de pièce pour violation de l’intimité de la vie privée. De ce fait, l’application de ce dispositif n’est possible que pour les infractions les plus graves, tel que le terrorisme ou les infractions liées au crime organisé (Crime de meurtre commis en bande organisé, Crime de tortures et d’actes de barbarie commis en bande organisée, Crimes et délits de trafic de stupéfiant, Crime de vol commis en bande organisée). Cette intrusion dans la vie privée des individus, justifiait leur exclusivité entre les mains du juge d’instruction. Assurément, la mis en place de ce dispositif ne pouvait avoir lieu lors de l’enquête, que se soit de flagrance ou préliminaire. La Chambre Criminelle de la Cour de cassation la rappeler plusieurs fois : « Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile le fait, pour des enquêteurs, de photographier […], les plaques d’immatriculation des véhicules se trouvant à l’intérieur d’une propriété privée non visible de la voie publique […], immixtion, opérée en enquête préliminaire, n’est prévue par aucune disposition de procédure pénale, » (Cass. Crim., 27 mars 2007, n°06-89.444)   « Mais attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs inopérants, alors que, les parties communes d’une copropriété constituant un lieu privé, les opérations de captation et de fixation d’images effectuées en l’espèce ne répondaient pas aux conditions de l’article 706-96 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ; » (Cass. Crim., 27 mai 2009, n°09-82.115)   Cependant, l’interdiction prononcée par la Chambre criminelle de procéder à un dispositif de captation d’image et de son lors de la phase d’enquête disparaitra par le biais d’une loi du 3 juin 2016 qui a pour but de renforcer les moyens de lutte contre la criminalité organisée.   2.L’élargissement de la mise en place du dispositif lors de l’enquête Cette loi n°2016-731 du 3 juin 2016 est d’une grande importance concernant l’évolution, de la pratique, puisqu’elle offre la possibilité aux enquêteurs par le biais du Procureur de la République de mettre en place le dispositif de captation d’image et de son lors de l’enquête, tant en flagrance ou en préliminaire. C’est le juge des libertés et de détention qui autorise ces opérations à la requête du procureur de la République pour une durée maximale d’un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions. L’article 706-96-1 u Code de procédure pénal dispose que : « Au cours de l’enquête, en vue de mettre en place le dispositif technique mentionné à l’article 706-96, le juge des libertés et de la détention peut autoriser l’introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l’article 59, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l’occupant des lieux ou de toute personne titulaire d’un droit sur ceux-ci. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d’autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous son contrôle. Le présent alinéa s’applique également aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique ayant été mis en place. »    II/ Les lieux appropriés à la mise en place de la captation du son et de l’image 1. Les lieux publics L’article 230-47 du Code de procédure pénal prévoit qu’il est possible lors de l’enquête ou de l’instruction de procéder à un dispositif de captation de l’image dans un lieu public, sans qu’il y ait une autorisation de la part du juge des libertés et de détention. En revanche, cette mesure doit être décider par le Procureur de la République. En effet, la Cour de cassation a considéré qu’il ressort du pouvoir d’enquête du parquet reconnu par les articles 39-3 et 41 du code de procédure pénale la possibilité d’utiliser le dispositif de captation d’images sur la voie publique à la condition que cette mesure ait été décidée par lui et non par les enquêteurs (Crim. 8 déc. 2020, n° 20-83.885).   2. Les lieux privés Comme sous-entendu dans l’arrêt du 27 mars 2009, lorsque nous sommes dans un lieu privé, la captation d’image doit être autorisé par un juge. Même lorsqu’il s’agit des parties communes d’une copropriété et même que le syndic soit d’accord. Attention, lorsque le dispositif de vidéosurveillance est installé par le propriétaire dans les parties communes de son immeuble. Cela échappe aux prévisions de l’articles 706-96. Dès lors l’exploitation des images de vidéosurveillance est régulière de la part des policiers (Crim. 6 mars 2013, no 12-87.810).    
Les conditions tenant à la visite de véhicules par la police, qu’ils soient en circulation, arrêtés ou utilisés comme habitation   L’article 78-2-2 du Code de procédure pénale donne la possibilité aux OPJ d’effectuer des « visites de véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public », dans le cadre d’enquêtes ou de contrôles d’identité. Il y a deux conditions pour justifier une telle visite : – Il doit exister « à l’égard du conducteur ou d’un passager une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis, comme auteur comme complice, un crime ou un délit flagrant », selon l’article 78-2-3 du Code de procédure pénale. – Cette opération doit avoir été autorisée au préalable par le procureur de la République, qui aura défini le temps et l’espace applicables, sans qu’il y ait besoin qu’il démontre l’existence d’indices prouvant la commission d’une infraction pour que ses réquisitions soient valides (confirmé dans un arrêt Civ. 2e, 19 février 2004). La période de temps donnée à la police judiciaire pour visiter les véhicules stationnant ou circulant dans un lieu public donné ne peut excéder vingt-quatre heures, avec la possibilité d’une prolongation. Seul un OPJ (officier de police judiciaire) peut effectuer cette visite, contrairement aux contrôles d’identité, qui peuvent être effectués par un APJ (agent de police judiciaire) ou un APJA (agent de police judiciaire adjoint), qui restent néanmoins soumis au contrôle de l’OPJ. Dans un arrêt du 28 septembre 2010, la Cour a expliqué que la présence d’un OPJ est nécessaire, et qu’un APJ qui est sous le contrôle d’un OPJ ne peut pas effectuer seul une telle visite. En l’espèce, un contrôle avait été effectué dans une voiture vide sans que le conducteur ou un témoin soit présent. L’APJ ayant effectué la visite était « sous le contrôle d’un officier de police judiciaire », mais ce dernier n’avait pas « personnellement procédé à la visite du véhicule ». Un OPJ doit donc effectuer la visite de véhicule, ou tout du moins être présent lors de celle-ci.     Cette règle est établie à des fins de respect de « la vie privée et du droit à la propriété de la personne visée par l’acté » (Crim. 13 octobre 2020). Le non-respect de l’obligation qu’un OPJ effectue la visite de véhicule peut entraîner la nullité de l’acte de procédure.   – Les véhicules en circulation En cas de visite d’un véhicule qui est en circulation, les OPJ, assistés des APJ ou APJA si nécessaire, doivent uniquement immobiliser le véhicule pendant le temps qui est nécessaire à la visite (article 78-2-2 CPP).   – Les véhicules arrêtés : la condition de présence du propriétaire, du conducteur, ou d’un témoin Un véhicule arrêté doit obligatoirement être visité en présence de son propriétaire ou de son conducteur. Dans un arrêt du 23 février 2022, la Cour de cassation donne un exemple d’application de la règle de présence obligatoire, en sanctionnant une fouille effectuée sur suspicion d’une infraction liée au trafic de stupéfiants, sans que le conducteur ou un témoin soit présent. La Cour décide de l’annulation de la procédure, confirmant donc la nécessité absolue de la présence du conducteur ou du propriétaire du véhicule pour la validité d’une telle procédure. Par exception, si le conducteur, ou le propriétaire, ne peut pas être trouvé par la police, les agents peuvent demander à toute personne aux environs d’être témoin, tant qu’il n’existe pas de risque d’atteinte à la sécurité des personnes et des biens, et tant que cette personne n’exerce pas des fonctions de police. Par exemple, un voisin (Cour d’appel de Toulouse, 28 février 2007) ou un passant peuvent être sollicité par la police. Cependant, un APJA ayant assisté l’OPJ dans la visite n’est pas un témoin valable (Crim. 13 septembre 2022).   – Les véhicules à usage d’habitation Un camping-car, une caravane, ou un autre véhicule dont le propriétaire peut prouver qu’il y habite effectivement, peuvent constituer des véhicules à usage d’habitation. Un véhicule utilisé comme habitation est soumis au régime de la perquisition ou visite domiciliaire, donc ne peut pas être visités par la police judiciaire dans les mêmes conditions que les véhicules cités avant.   – Que se passe-t-il lorsqu’une infraction est découverte pendant la visite ? Si une infraction est découverte pendant la fouille, la police doit obligatoirement dresser un procès-verbal, qui contiendra les mentions de lieu, dates et heures de début et de fin de la visite. Une copie sera obligatoirement donnée à la personne concernée, et l’autre sera communiquée au procureur de la République. Si la personne concernée ne reçoit pas une copie du procès-verbal, cela rend la procédure irrégulière et ouvre droit à son annulation (Cour d’appel de Toulouse, 5 novembre 2010). Si la police judiciaire recherchait une infraction spécifique lors de leur visite, le fait de découvrir un autre type d’infraction ne cause pas une irrégularité de la procédure (Civ. 2e, 19 février 2004).
  Selon la Circulaire du 3 février 2011, l’ayant institué, L’AGRASC est « un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle conjointe du ministère de la Justice et du ministère du Budget », basé à Paris. En d’autres termes, l’AGRASC est un établissement géré par le ministre de la Justice et le ministre du Budget, qui saisit les sommes d’argent et autres biens découverts lors de procédures pénales. L’Agence s’occupe donc de garder les biens, de les rendre aux propriétaires dans certaines circonstances, ou de les utiliser dans divers buts. Rattachée au « Titre XXX du Livre IV du code de procédure pénale » par la Circulaire de 2011, l’AGRASC est donc une Agence qui collabore avec les juridictions et participe à la procédure pénale en saisissant les biens découverts lors de procédures pénales.   Qui sont les acteurs principaux de l’AGRASC ? Il y a plusieurs organes de direction : Le directeur général Le directeur principal de l’AGRASC, selon l’article R.54-4 du CPP, est un « magistrat de l’ordre judiciaire nommé par arrêté du ministre de la justice pour une durée de trois ans renouvelable ». C’est lui qui s’occupe de la gestion générale et du budget de l’Agence. Il la représente en justice, et veille à son bon fonctionnement. Le secrétaire général Il seconde le directeur dans toutes ses tâches, et est nommé « par arrêté du ministre du budget » (article R.54-4 du CPP).   La nomination du secrétaire général et du directeur général de l’AGRASC repose donc sur une collaboration entre deux ministères : celui de la Justice, et celui du Budget. L’AGRASC est effectivement une Agence reposant sur une « tutelle conjointe » (Circulaire de 2011). Le conseil d’administration Le conseil d’administration de l’AGRASC se réunit deux fois par an, et se prononce sur « les programmes généraux d’activité de l’établissement public », ou « le rapport annuel d’activité de l’établissement » (article R.54-3 CPP). Les membres du conseil sont définis selon l’article R.54-1 du Code de procédure pénale, et comportent, entres autres, « ‘sept’ représentants de l’Etat, membres de droit », « le directeur des affaires criminelles et des grâces », « le secrétaire général du ministère de la justice », « le directeur général des finances publiques », « le directeur général de la police nationale », « le directeur général de la gendarmerie nationale », « le directeur général des douanes et des droits indirects », et « le directeur du budget ou son représentant ».     Quelles sont les missions de l’AGRASC ? Selon le site https://lannuaire.service-public.fr/gouvernement/05b02f3e-ff94-4cb9-969c-b09d66f6b318 : « L’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) remplit les principales missions suivantes : assurer la gestion centralisée de toutes les sommes saisies dans le cadre des procédures pénales en France ; procéder à l’ensemble des ventes avant jugement de biens meubles saisis ; procéder à l’ensemble des publications, auprès des services de publicité foncière pour les saisies et confiscations pénales immobilières ; gérer, sur mandat de justice, tous les biens complexes qui lui sont confiés ». L’AGRASC a donc deux types de missions : les missions «qui lui seront impérativement confiées par les juridictions », et les missions « facultatives, qu’elle accomplira sur mandat de justice » (Circulaire du 3 février 2011).   Les missions impératives Entre autres, l’AGRASC s’occupe principalement de la gestion des sommes saisies. Cependant, la création de l’agence a aussi permis d’informer les victimes et d’indemniser les parties civiles/ La saisie de sommes lors de procédures pénales : L’AGRASC s’occupe des sommes saisies à l’occasion de procédures pénales, qui peuvent être des scellés numéraires (sommes en espèces), de sommes inscrites au crédit d’un compte, ou de créances (Circulaire de 2011, article I.1). Les sommes sont déposées sur le compte de l’agence, qui est « tenu à la Caisse des dépôts et des consignations (CDC), compte qui sera rémunéré au taux des consignations ».   L’information des victimes et l’indemnisation des parties civiles : L’article 706-161 du Code de procédure pénale prévoit que l’agence « peut informer les services compétents et les victimes, à leur demande ou à son initiative, sur les biens qui sont restitués sur décision de justice, afin d’assurer le paiement de leurs créances, notamment fiscales, douanières, sociales ou de dédommagement ». Cette mission rentre dans le champ assez large de la mission de gestion des sommes ou biens saisis à laquelle l’AGRASC est soumise. En effet, l’article 706-164 du même code explique cette mission davantage : une partie civile qui « a bénéficié d’une décision définitive lui accordant des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait d’une infraction pénale ainsi que des frais en application des articles 375 ou 475-1 » est recevable à demander des dommages et intérêts, et peut « obtenir de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués que ces sommes lui soient payées par prélèvement sur les fonds ou sur la valeur liquidative des biens de son débiteur dont la confiscation a été décidée par une décision définitive et donc l’agence est dépositaire ». Les missions facultatives   Aide et assistance aux juridictions comme mission générale : L’AGRASC collabore étroitement avec les juridictions, et a même été « conçue, de façon générale, comme un outil au service des juridictions, pouvant être saisie de toute question portant sur les saisies, les mesures conservatoires ou les confiscations » (Circulaire de 2011, article II.1.). L’agence a donc été créée dans une volonté de centraliser les saisies effectuées lors de procédures pénales, et est tenue d’informer et d’aider les juridictions. En effet, selon Antoine Lefèvre, dans un Rapport d’information n°421 déposé le 15 février 2017, le but de la création de l’AGRASC est de « faciliter la possibilité, pour les magistrats, de saisir des éléments du patrimoine des délinquants afin, le cas échéant, de pouvoir ensuite les confisquer – qu’il s’agisse de comptes bancaires, de biens immobiliers, ou de biens plus ‘atypiques’ comme les œuvres d’art, les bateaux ou voitures de luxe, etc » (Pour que le « crime ne paie pas » : consolider l’action de l’AGRASC (Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués) – Sénat (senat.fr)). Gestion de certains biens sur mandat de justice : Dans un premier cas de figure, un bien saisi peut être confié à l’agence, sous deux conditions : S’il y a défaillance ou une indisponibilité du propriétaire ou du détenteur du bien Si la vente par anticipation du bien n’est pas envisagée Il convient de préciser qu’un bien saisi ne revient pas automatiquement à l’agence, contrairement aux sommes saisies. Un bien reste sous la responsabilité de son propriétaire ou détenteur « jusqu’à la mainlevée de la saisie ou de la confiscation du bien saisi » (article 706-143 du CPP). Dans un deuxième cas de figure, les biens saisis peuvent être confiés à la gestion de l’agence s’ils nécessitent « pour leur conservation ou leur valorisation, des actes d’administration » (article 706-160, 1° du CPP). La Circulaire du 3 février 2011 ne donnant cependant pas d’exemples de quels types de biens pourraient être concernés par cette disposition, il est probable que les biens concernés soient des biens qui nécessitent une attention toute particulière, et ne peuvent être simplement entreposés ou gardés. La coopération internationale L’AGRASC peut être saisie de plusieurs demandes émanant d’une autorité étrangère : « assurer la gestion des biens saisis, procéder à l’aliénation ou à la destruction des biens saisis ou confisqués et procéder à la répartition du produit de la vente » (article 706-160, 6° du CPP). Elle sera saisie par les magistrats de l’autorité étrangère.   En pratique : dans quel cadre est-ce que l’AGRASC peut-elle saisir les sommes découvertes lors de procédures pénales ? Les sommes saisies le sont uniquement dans le cadre de procédures pénales, par exemple, dans le cadre d’une interpellation ou d’une perquisition. Les sommes d’argent peuvent provenir de diverses sources : Si elles sont inscrites sur un compte bancaire, elles seront déposées sur le compte bancaire par un virement (Circulaire de 2011, article I.1.1.). Dans le cas de saisie de numéraires, c’est-à-dire de biens meubles corporels, celle-ci s’effectue par un dépôt sur le compte bancaire de l’agence (Circulaire de 2011, article I.1.2.). Cette procédure implique une étroite collaboration entre l’AGRASC et les juridictions, qui autorisent le dépôt et fournissent à l’agence toutes les informations complémentaires permettant d’identifier les sommes déposées. Une fois saisies, les sommes d’argent sont placées sur un compte de dépôt (article R.54-8 du CPP). Dans quels cas l’AGRASC dispose-t-elle des sommes saisies ? Si l’origine des sommes ne peut être déterminée : L’article 706-59 du CPP prévoit que dans ce cas, les sommes « sont transférées à l’Etat à l’issue d’un délai de quatre ans après leur réception ». Cependant, « en cas de décision de restitution postérieure au délai de quatre ans, l’Etat rembourse à l’agence les sommes dues ». Si le propriétaire ne réclame pas les sommes : Il existe un délai de deux mois après la mise en demeure pour que le propriétaire de la somme saisie la réclame. Le cas échéant, l’article 706-160, 4° du CPP donne « à l’agence un monopole concernant l’exécution des ventes avant jugement ». Si le propriétaire de la somme en numéraire est soumis à des dettes qu’il n’a pas réglées : La somme d’argent saisie par l’AGRASC peut être utilisée pour éponger tout ou une partie des dettes du propriétaire. Il ne pourra donc pas se faire rembourser par la suite.
Quelles possibilités sont offertes aux suspects en cas d’enquête préliminaire qui dure depuis au moins une année ?   L’enquête préliminaire, prévue par les articles 75 et suivants du Code de procédure pénale, est le mode d’enquête le plus courant. Dans ce cadre, le Procureur de la République ordonne aux enquêteurs de procéder à tous les actes qu’il juge nécessaire à la manifestation de la vérité. Cependant, ce cadre n’est pas limité dans le temps, en conséquence les enquêtes préliminaires peuvent s’éterniser, sans que les suspects ne puissent voir leur situation clarifiée. Or, les droits de la défense à ce stade de l’enquête étaient inexistants, de sorte que les suspects ne pouvaient qu’attendre la décision du Procureur de la République sur les suites données à la procédure. L’article 77-2 du Code de procédure pénale, modifié par la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021, est venu apporter des solutions à cette problématique et a étoffé les droits de la défense dans ce cadre d’enquête.   Droit à obtenir une copie de la procédure, sous réserves que le Procureur en décide ainsi, et à formuler des observations Cet article prévoit que les avocats et les parties à la procédure, à savoir les suspects et les plaignants pourront avoir accès au dossier pénal, en tout ou partie, sous réserves que le Procureur de la République en décide ainsi. Puis, ils pourront formuler des observations, notamment sur : « la régularité de la procédure, sur la qualification des faits pouvant être retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête, sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qui seraient nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ».   Droit à demander une copie de la procédure et formuler des observations passé une année L’article 77-2 prévoit que le suspect encourant une peine privative de liberté peut demander au Procureur de la République d’avoir accès au dossier pénal afin de formuler des observations. Cette solution est conditionnée par des délais ou une atteinte à la présomption d’innocence : « 1° Si la personne a été interrogée dans le cadre d’une audition libre ou d’une garde à vue qui s’est tenue il y a plus d’un an ; 2° S’il a été procédé à une perquisition chez la personne il y a plus d’un an ; 3° S’il a été porté atteinte à la présomption d’innocence de la personne par un moyen de communication au public. Le présent 3° n’est pas applicable lorsque les révélations émanent de la personne elle-même ou de son avocat, directement ou indirectement, ou que l’enquête porte sur des faits relevant des articles 706-73 ou 706-73-1 ou relevant de la compétence du procureur de la République antiterroriste ». Dès lors que l’une de ces conditions est remplie, cette demande peut être réalisée par déclaration au greffe ou par lettre recommandée avec avis de réception. On comprend qu’il s’agit là d’offrir à un suspect l’opportunité d’accélérer l’issue d’une enquête préliminaire qui durerait depuis longtemps. Durant un délai d’un mois à compter de la réception de cette demande, le Procureur de la République ne peut prendre de décision sur la poursuite des faits, hormis : -l’ouverture d’une information, -le renvoi en comparution immédiate, -le renvoi en comparution différée, -la convocation devant le Tribunal correctionnel par procès-verbal, -la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Les observations ainsi formulées sont versées au dossier pénal et le Procureur de la République apprécie les suites à y donner. Il convient de noter que le silence vaut décision de refus de communiquer la procédure, décision qui peut être remise en cause devant le Procureur général près la Cour d’appel. Le Procureur de la République peut refuser la communication de cette procédure, par une décision motivée et pour une durée maximum de six mois, si l’enquête est toujours en cours ou en cas de risque d’atteinte à l’efficacité des investigations.   L’impossibilité de poursuivre l’enquête préliminaire au-delà de deux ans après l’un des actes évoqués sans proposition d’accéder au dossier L’article 77-2 du Code de procédure pénale prévoit enfin que l’enquête pénale ouverte depuis plusieurs années ne peut se poursuivre sans que l’accès au dossier pénal ne soit proposé aux suspects et aux plaignants. En effet, dès lors qu’un délai de deux ans s’est écoulé après la garde à vue du suspect, son audition, ou la perquisition de son domicile, le Procureur doit proposer aux parties d’accéder au dossier afin qu’elles puissent formuler des observations.   On comprend dès lors que l’objectif de cet article est d’éviter les enquêtes préliminaires qui s’éternisent, laissant les suspects comme les plaignants dans l’ignorance durant plusieurs années.
Le seul marquage d’un chien spécialisé devant la porte d’un appartement dans une enquête relative à des produits stupéfiants suffit à caractériser la flagrance (Cass. crim, 11 déc. 2019, n°19-82.457)   En droit français, il existe 3 cadres d’enquêtes : L’enquête de flagrance L’enquête préliminaire L’information judiciaire (celle-ci ne sera pas évoquée dans cet article)   L’enquête de flagrance L’enquête de flagrance est prévue aux articles 53 et suivants du Code de procédure pénale. L’article 53 prévoit que « est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit ». En outre, par un arrêt du 22 janvier 1953, la Cour de cassation a précisé qu’une enquête de flagrance ne peut être diligentée que s’il existe des « indices apparent d’un comportement délictueux » (Cass. crim, 22 janv. 1953, Isnard). C’est ainsi que dans son arrêt du 11 décembre 2019, la Cour de cassation a considéré que le seul marquage du chien spécialisé devant la porte de l’appartement constitue un ‘indice objectif et apparent d’un comportement suspect, caractérisant la flagrance.   L’enquête préliminaire L’enquête préliminaire est une enquête par défaut prévue à l’article 75 du Code de procédure pénale. Celle-ci sera diligentée dans l’hypothèse où les conditions de la flagrance ne seront pas réunies.   Les distinctions entre l’enquête de flagrance et l’enquête préliminaire La durée de l’enquête : L’enquête de flagrance ne peut excéder 8 jours. Néanmoins, le procureur de la République peut décider la prolongation, dans les mêmes conditions, de l’enquête pour une durée maximale de 8 jours (article 53 alinéa 2 et 3 du Code de procédure pénale). Depuis la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, la durée d’une enquête préliminaire ne peut excéder deux ans à compter du premier acte de l’enquête, y compris si celui-ci est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance (article 75-3 alinéa 1er du Code de procédure pénale).   L’obligation des actes d’enquêtes en continue L’enquête de flagrance doit obligatoirement se dérouler sans discontinuité durant 8 jours (article 53 alinéa 2 du Code de procédure pénale). A contrario, en enquête préliminaire, le législateur n’exige pas que l’enquête soit exercée de manière continue.   Les pouvoirs des enquêteurs En enquête de flagrance, les enquêteurs disposent de plus de pouvoirs coercitifs en raison de l’urgence de la procédure. A titre d’exemple, en enquête de flagrance, une perquisition peut s’effectuer sans l’assentiment de l’individu chez qui la perquisition a lieu (article 56 du Code de procédure pénale). Or, en enquête préliminaire, la perquisition ne peut s’effectuer sans l’assentiment de l’individu sauf si le juge des libertés et de la détention l’autorise (article 76 du Code de procédure pénale).
LES PROPOS PROFERES DANS UNE COUR D’IMMEUBLE COMPORTANT 16 APPARTEMENTS ET A LAQUELLE LE PUBLIC A ACCES ONT UN CARACTERE PUBLIC Arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 8 Avril 2014, n°12-87.497 Un homme a été cité devant le Tribunal Correctionnel pour injure publique à caractère racial et ce dernier a été condamné pour avoir proférés ces injures dans une cour d’immeuble comportant seize appartements et à laquelle le public a accès, ce qui caractérise la volonté de l’auteur de rendre ses paroles publiques.