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L’avis à famille relatif au placement en garde à vue doit être réalisé dès la demande du gardé à vue, mais peut aussi être reporté par le Procureur de la République, à condition que le motif légal de ce report figure en procédure Qu’est ce que l’avis à famille ? Selon l’article 63-1 du Code de procédure pénale, lorsqu’une personne est placée en garde à vue, l’officier de police judiciaire (ou un agent de police judiciaire sous son contrôle) doit lui notifier qu’elle a notamment le droit de « faire prévenir un proche et son employeur ou toute autre personne qu’elle désigne ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’Etat dont elle est ressortissante, et, le cas échéant, de communiquer avec ces personnes ». L’avis à famille a pour objectif de laisser l’opportunité à la personne placée en garde à vue de prévenir un proche, qui pourra lui venir en aide (désigner un avocat, prendre en charge les enfants, prévenir de l’absence à un rendez-vous etc). Qui est concerné par cet avis ? L’article 63-2 du Code de procédure pénale prévoit que les personnes pouvant être avisées sont : -la personne avec qui le gardé à vue habite habituellement, -ses parents en ligne directe, -ses frères ou sœurs, -toute autre personne qu’il désigne. Il convient de préciser que la personne gardée à vue peut notamment faire prévenir son tuteur ou son curateur dans le cadre de cet avis, sur le fondement de l’article 63-2 du Code de procédure pénale, s’il fait l’objet d’une protection judiciaire. En effet, au stade de la garde à vue, aucune disposition n’impose aux enquêteurs de le prévenir (Cass.crim., 11 décembre 2018, n°18-80.872). Comment est réalisé cet avis ? La personne gardée à vue doit fournir aux enquêteurs les coordonnées de la personne qu’elle souhaite faire prévenir, ou un moyen de la trouver. Si la personne placée en garde à vue est dans l’incapacité de fournir son numéro de téléphone, ne peut donner l’adresse de la personne à aviser, ne peut conduire les enquêteurs à son domicile, et que cette personne n’a pu être trouvée sur les pages blanches de l’annuaire, il ne pourra être reproché aux enquêteurs un avis à famille infructueux (Cour d’appel de RENNES, 13 aout 2016, n°16/00294). De plus, l’article 63-2 du Code de procédure pénale prévoit que cet avis est réalisé « par téléphone ». Selon la jurisprudence, cet avis par téléphone signifie seulement que les enquêteurs doivent prévenir la personne désignée à l’aide d’un téléphone, sans préciser s’il peut ou doit s’agir d’un appel ou d’un message. Il ne peut leur être reproché de ne pas avoir laissé un message à la personne désignée, dès lors que les enquêteurs l’ont appelé et que cette personne n’a pas répondu (Cour d’appel de PARIS, 18 mai 2022, n°22/01430). Dans le cas contraire, l’avis réalisé par simple message SMS, sans avoir appelé la personne désignée, suffit à respecter les dispositions législatives à savoir un avis par téléphone (Cour d’appel de RENNES, 14 juin 2017, n°17/00268). Un message vocal suffit également à considérer l’avis à famille réalisé (Cour d’appel de VERSAILLES, 17 février 2009, n°09/01252). Plus encore, il ne peut être reproché aux enquêteurs de ne pas avoir tenté d’appeler plusieurs fois la personne désignée (Cour d’appel de PARIS, 22 septembre 2007, n°07/02657). En effet, l’obligation de prévenir la famille en cas de demande de la personne placée en garde à vue est seulement une obligation de moyen, signifiant qu’il suffit aux enquêteurs de démontrer qu’ils ont réalisé l’avis, sans avoir à démontrer que la personne a effectivement répondu à l’information. Quel délai pour réaliser cet avis ? L’article 63-2 du Code de procédure pénale prévoit que cet avis à famille doit être réalisé dans un délai de 3 heures : « Sauf en cas de circonstance insurmontable, qui doit être mentionnée au procès-verbal, les diligences incombant aux enquêteurs ou, sous leur contrôle, aux assistants d’enquête en application du premier alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande ». N’est pas considérée comme une circonstance insurmontable faisait obstacle à ce délai l’intervention d’un interprète si l’avis à famille pouvait être fait dans les 3 heures. En l’espèce, l’enquêteur, qui avait eu des difficultés à trouver un interprète pour réaliser l’avis à famille, avait procédé à l’audition de la personne placée en garde à vue avant l’avis à famille. Or, si l’avis à famille, qui est prioritaire sur l’audition, avait été réalisée avant celle-ci, le délai de 3 heures aurait été respecté. Rien ne justifiait donc ce retard (Cour d’appel de PARIS, 19 septembre 2007, n°07/02617). En revanche, constitue une circonstance insurmontable le fait pour les enquêteurs d’avoir été mis en échec dans la prise de contact avec la personne désignée, du fait de la personne placée en garde à vue. En l’espèce, cette dernière avait fourni une adresse erronée aux enquêteurs, qui n’ont pu contacter la personne désignée dans les délais (Cass.crim., 7 juin 2011, n°10-85.565). En cas de présence d’un interprète, il convient aux enquêteurs de prouver que d’autres actes étaient prioritaires ou plus urgents que l’avis à famille pour justifier un retard dans sa réalisation (Cour d’appel de PARIS, 18 septembre 2007, n°07/02607). Enfin, constitue une circonstance insurmontable le fait pour la personne gardée à vue d’être dans l’impossibilité de fournir les coordonnées de la personne désignée, et l’absence de cette personne sur les pages blanches de l’annuaire (Cour d’appel de RENNES, 13 aout 2016, n°16/00294). Comment faire lorsque la personne avisée ne parle pas français ? Si la personne désignée ne parle pas français, le Code de procédure pénale ne prévoit pas d’obligation de faire appel à un interprète (Cour d’appel de VERSAILLES, 1er février 2010, n°10/00724). En revanche, rien n’empêche les enquêteurs de faire appel aux services d’un interprète (Cour d’appel de PARIS, 18 septembre 2007, n°07/02607 ; Cour d’appel de PARIS, 19 juillet 2007, n°07/01921). L’avis peut-il faire l’objet d’un report ? L’article 63-2 du Code de procédure pénale prévoit également que cet avis peut être différé ou ne pas être réalisé s’il existe un risque : « Le procureur de la République peut, à la demande de l’officier de police judiciaire, décider que l’avis prévu au premier alinéa du présent I sera différé ou ne sera pas délivré si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne ». Il peut s’agir par exemple de la demande d’aviser un membre de sa famille du placement en garde à vue, alors que ce membre pourrait avoir un lien avec l’affaire. Cependant, il ne suffit pas au Procureur de la République de décider de ce report, il faut encore qu’il indique dans la procédure le motif de ce report, parmi ceux limitativement énumérés par cet article (Cass.crim., 7 février 2024, n°22-87.426). Conséquences du non-respect des dispositions Selon le Code de procédure pénale et la jurisprudence, il existe trois moyens de nullités de l’avis à famille pouvant entrainer la nullité de la mesure de garde à vue : -Absence d’avis à famille malgré demande de la personne placée en garde à vue, -Avis à famille tardif non justifié par des circonstances insurmontables, -Absence de motif justifiant le report de l’avis à famille. La jurisprudence a en effet rappelé que le droit à prévenir un membre de sa famille de la mesure de garde à vue est un « droit essentiel » (Cour d’appel de PARIS, 11 juin 2008, n°08/02079). Le non-respect de ce droit peut entraîner la remise en liberté de l’individu placé en rétention administrative, sur saisine du Juge des libertés et de la détention (Cour d’appel de PARIS, 11 juin 2008, n°08/02079). Le non-respect de ce droit peut également faire l’objet d’un moyen de nullité. Il convient cependant de noter que la Cour de cassation sollicite la démonstration d’un grief tiré du non-respect de ce droit (Cass.crim., 7 juin 2011, n° 10-85.565 ; Cass.crim., 7 février 2024, n°22-87.426).  
La garde à vue doit rester l’exception, si une simple audition libre peut suffire pour entendre le prévenu et s’il existe des garanties suffisantes de sa présentation devant le procureur de la République.   Cour de cassation, Chambre criminelle, 7 juin 2017, 16-87.588   La Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 7 juin 2017, a rappelé que la liberté est le principe et la contrainte est l’exception, dans le cadre de la garde à vue. En effet, selon l’article 62-2 du Code de procédure pénale, la garde à vue est une mesure de contrainte, et doit être l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs suivants : « 1° Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ; 2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ; 3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ; 4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ; 5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ; 6° Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit. »   Cela signifie donc que la mesure de garde à vue ne peut être appliquée de manière automatique et doit restée l’exception, justifiée par une nécessité précise. En l’espèce, le prévenu était notaire et était suspecté d’avoir commis des faits de faux en écriture publique aggravé, de faux et usage, et d’escroquerie. La procédure démontrait qu’il avait coopéré avec les gendarmes, en l’espèce : -en ayant déféré aux réquisitions aux fins de remise de pièces, -en ayant remis une seconde fois des pièces utiles à l’enquête de sa propre initiative, -en s’étant présenté à la gendarmerie pour être entendu. A l’occasion de cette audition, il était toutefois placé en garde à vue au seul motif que cette mesure constituait l’unique moyen de garantir sa présentation devant le procureur de la République. Le prévenu déposait une requête en nullité de la mesure de garde à vue et des actes subséquents. La Chambre de l’instruction décidait que la mesure de garde à vue ne constituait pas l’unique moyen de garantir sa présentation, considérant qu’il avait coopéré avec les forces de l’ordre et qu’il disposait d’une famille et d’une situation connue. Elle considérait dès lors qu’une simple audition libre aurait suffi et que la mesure de garde à vue était irrégulière car non justifiée. Cette décision a été confirmée par la Cour de cassation, rappelant ainsi que la mesure de garde à vue doit être appliquée de manière exceptionnelle.
Ne peuvent être retranscrites dans les PV les propos d’une personne placée en garde à vue précédant la notification de son droit au silence.   Cass.crim., 22 novembre 2023, n° 23-80-575   Rappel des faits Le 5 octobre 2021 Monsieur K et Monsieur O, respectivement chauffeur et client, se sont fait interpellés par des fonctionnaires de police.  Cependant, ces individus n’ont dans l’instant pas cru qu’il s’agissait de représentants de l’autorité mais au contraire de passants mal intentionnés tentant de s’en prendre à eux. Le client demande donc au chauffeur d’accélérer, pour fuir. Dans leur fuite ils écrasent un fonctionnaire de police ayant tentés de les interpeller avant d’être intercepté.   Placés en garde à vue notamment pour ce motif : tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique, Monsieur O s’étonne et fait part aux agents lui notifiant ces droits de la crainte d’une agression par des individus malintentionnés au moment des faits et non des forces de polices. L’enquêteur retranscrit ces propos dans un procès-verbal de renseignement. Or, à ce moment-là Monsieur O n’avait pas encore été informé de son droit de garder le silence : s’agit-il donc d’une violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire et 63-1 du code de procédure pénale ?   Rappel de la procédure en la matière : l’article 803-6 du code de procédure pénale Principes L’article 803 du code de procédure pénal rappelle que toute personne suspectée ou poursuivie soumise à une mesure privative de liberté – une garde à vue – a le droit  » lors des auditions ou interrogatoires, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ». Le gardé à vue doit être informé de ces droits dès le début de la garde. En effet, la notification constitue la première étape du déroulement de la garde à vue.   1.2 Nuances L’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme prévoit que tout accusé a le droit d’être informé dans les plus court délais de ses droits, d’une manière détaillée de la nature de l’accusation portée contre lui ainsi que de la cause de cette accusation. L’article 63-1 prévaut par ailleurs que l’omission, lors de la notification du gardé à vue, d’une partie des faits qu’il est soupçonné d’avoir commis ou tenté de commettre ne peut entraîner une nullité que si les propos prononcés portent atteinte à ses intérêts. C’est en se basant sur le caractère incriminant des propos que la Cour de Cassation est en mesure de s’assurer que les réponses aux questions des enquêteurs ne portaient pas atteintes aux intérêts du prévenu.   Une réponse favorable de la Cour de Cassation La réclamation de l’annulation du procès-verbal par un prévenu avant toute défense de fond, faute d’avoir été notifié de son droit de se taire n’entraîne pas une modification de la situation juridique du prévenu. Cependant, la Cour répond que tant qu’une raison impérieuse tenant aux circonstances n’a pas été prononcée, avérée, décrétée, le recueil des déclarations spontanés de Monsieur O n’avait pas lieu d’être. L’enquêteur ne pouvait donc retranscrire les propos dans le procès-verbal de renseignement ou dans aucun autre procès-verbal.   L’impact de l’arrêt du 5 janvier 2023 L’arrêt de la cour d’appel de Nancy n’a pas été cassé par la Cour de Cassation car la culpabilité des prévenus n’était ni uniquement ni majoritairement fondée sur les propos du prévenu avant la complète notification de ces droits, notamment celui de se taire. En outre, les propos tenus par le prévenu n’étant pas de nature à l’incriminer ni à permettre la recherche d’une personne en péril, la Cour a décidé de soutenir la décision de la juridiction souveraine de Nancy. En effet, les charges retenues contre les prévenus étaient d’une autre nature que celles dont ils demandaient l’annulation (trafic de stupéfiants).   La difficile consécration du principe de la nullité relative de certains actes de la procédure pénale L’arrêt du 23 avril 1991 de la Cour de Cassation expose d’autres éléments qui réaffirment la difficulté de l’aboutissement du principe de la nullité de la procédure suite à l’absence de notification des droits ou à une notification partielle. En effet, la cour d’appel, après avoir fait droit à la demande d’annulation du gardé à vue, peut énoncer que la convocation par OPJ – officier de police judiciaire – devant le tribunal correctionnel constitue un acte différent de la garde à vue qui ne saurait être atteint des irrégularités réalisées lors de la mesure coercitive. La cour a donc une autre pièce sur laquelle fonder sa décision, l’absence de la notification des droits lors de la garde à vue ne saurait entraîner la nullité de l’intégralité de la procédure.   POUR ALLER PLUS LOIN Vis-à-vis de la réponse de la Cour de Cassation Il est nécessaire de garder à l’esprit que tant que la Cour de Cassation est en mesure d’assurer que la cour d’appel s’est appuyée sur d’autres éléments que le seul procès -verbal faisant état des propos tenus avant la notification complète des droits lors de l’audience en garde à vue pour condamner le prévenu. En outre, la chambre d’instruction n’est pas dans l’obligation d’annuler une garde à vue lorsque le prévenu ne s’est pas vu notifier son droit de garder le silence ou de se faire assister d’un avocat au début de la restriction de liberté, si la non notification de ce droit a été sans incidence sur la spontanéité des propos de l’intéressé tant qu’ils avaient une finalité de rechercher une personne en péril. Par ailleurs il est important de rappeler que certaines circonstances sont insurmontables et ne peuvent donc pas faire l’objet du principe de nullité pour non notification des droits, notification tardive ou notification partielle. L’une de ces circonstances est la circonstance insurmontable d’ébriété sur laquelle jurisprudence a eu l’occasion de statuer: “Aucune nullité ne saurait résulter  de la notification tardive des droits du gardé à vue, la cour d’appel ayant caractérisé la circonstance insurmontable puisque l’alcoolémie diminuant de 0,10 à 0,15 grammes par litre de sang par heure écoulée, le délai de plus de quatorze heures respecté par les enquêteurs étaient nécessaires pour que la personne concernée soit en mesure de comprendre ses droits” (Crim. 6 déc. 2016 n°15-86. 619). Pour approfondir le principe de nullité nous vous recommandé notre article Nullité/ La nullité en matière pénale.
Quels sont les nouveaux droits en garde à vue en 2024 ?   La garde à vue est une mesure de contrainte d’une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement afin qu’elle soit maintenue à la disposition des enquêteurs (Article 62-2 du Code de procédure pénale)   Le 28 septembre 2023, la France a fait l’objet d’un avis de la part de la Commission européenne concernant la conformité de la procédure pénale française avec la Directive européenne du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat pour les procédures pénales et procédures de mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires. Pour remédier à cela, la loi n°2024-364 du 22 avril 2024 modifie le Code de procédure pénale en matière de garde à vue.   Tout d’abord, l’article 63-2 du Code de procédure pénale a été modifié pour se conformer aux exigences de la Commission européenne. Désormais, la personne gardée à vue peut prévenir la personne qu’elle souhaite, et non plus seulement une personne avec laquelle elle vit habituellement, un parent ou un frère et sœur. L’objectif est de laisser au gardé à vue le choix de la personne qu’elle souhaite prévenir de cette mesure et avec qui elle voudrait communiquer.   « Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe ou l’un de ses frères et sœurs ou toute autre personne qu’elle désigne de la mesure dont elle est l’objet ». (Article 63-2 du Code de procédure pénale)   Ensuite, la demande d’assistance d’un avocat par le gardé à vue a été modifiée, de sorte que ce dernier peut désormais le demander « à tout moment » au cours de la garde à vue.   « Dès le début de la garde à vue et à tout moment au cours de celle-ci, la personne peut demander à être assistée par un avocat désigné par elle ou commis d’office » (Article 63-3-1 du Code de procédure pénale)   De plus, selon la Commission Européenne, l’Union Européenne impose aux Etats membres un droit pour tout suspect ou toute personne poursuivie à ce qu’un avocat soit physiquement présent lors de son audition. Pour s’y conformer, la loi du 22 avril 2024 a supprimé le délai dit « de carence » selon lequel la personne gardée à vue ne peut être entendue sans la présence de son avocat pendant un délai de deux heures à compter de l’avis de saisine de l’avocat. Cependant, ce principe connait des exceptions puisqu’il est possible d’auditionner le gardé à vue sans la présence de son avocat s’il renonce à son droit d’assistance, ou bien si le Procureur de la République justifie la nécessité de procéder immédiatement à l’audition de la personne gardée à vue sans attendre l’arrivée de l’avocat. « Si l’avocat désigné dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas du présent article ne peut être contacté ou déclare ne pas pouvoir se présenter dans un délai de deux heures à compter de l’avis qui lui a été adressé ou si la personne gardée à vue a demandé à être assistée par un avocat commis d’office, l’officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l’agent de police judiciaire ou l’assistant d’enquête saisit sans délai et par tous moyens le bâtonnier aux fins de désignation d’un avocat commis d’office. Il en informe la personne gardée à vue. » (Article 63-3-1 du Code de procédure pénale)   Enfin, l’avocat a désormais le droit de consulter les procès-verbaux d’audition, ainsi que les procès-verbaux de confrontation des parties. Auparavant, seuls les procès-verbaux d’audition pouvaient être consultés par l’avocat.   « Si des auditions et confrontations ont été décidées en application du deuxième alinéa de l’article 63-4-2 ou de l’article 63-4-2-1, l’avocat peut également consulter les procès-verbaux de ces auditions et confrontations » (Article 63-4-1 du Code de procédure pénale)
Sous conditions, la prise d’empreintes peut être contrainte, depuis une loi du 24 janvier 2022 Conseil Constitutionnel – Décision n° 2022-1034 QPC   Alors que l’article 55-1 du Code de procédure pénale prévoyait qu’en cas de refus de se soumettre aux opérations de prélèvement d’empreintes, seule une infraction pouvait être retenue contre le suspect, la loi du 24 janvier 2022 n°2022-52 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure prévoit désormais en complément la possibilité de contraindre le suspect à s’y soumettre. En effet, l’article 55-1 du Code comprend désormais un alinéa 5 : « Sans préjudice de l’application de l’avant-dernier alinéa, lorsque la prise d’empreintes digitales ou palmaires ou d’une photographie constitue l’unique moyen d’identifier une personne qui est entendue en application des articles 61-1 ou 62-2 pour un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement et qui refuse de justifier de son identité ou qui fournit des éléments d’identité manifestement inexacts, cette opération peut être effectuée sans le consentement de cette personne, sur autorisation écrite du procureur de la République saisi d’une demande motivée par l’officier de police judiciaire. L’officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, un agent de police judiciaire recourt à la contrainte dans la mesure strictement nécessaire et de manière proportionnée. Il tient compte, s’il y a lieu, de la vulnérabilité de la personne. Cette opération fait l’objet d’un procès-verbal, qui mentionne les raisons pour lesquelles elle constitue l’unique moyen d’identifier la personne ainsi que le jour et l’heure auxquels il y est procédé. Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à l’intéressé ». Cette disposition a été validée par le Conseil constitutionnel par une décision du 10 février 2023, au motif qu’elle a pour objectif de faciliter l’identification des mis en cause au cours d’une enquête pénale. Le Conseil constitutionnel a cependant rappelé les différentes conditions qui devront être respectées afin que cette contrainte soit valable : L’Officier de Police judiciaire doit en faire la demande motivée, Le Procureur de la République doit donner une autorisation écrite de contraindre à la prise d’empreintes, Cette contrainte doit être l’unique moyen d’identifier une personne qui refuse de justifier de son identité ou fournit des éléments manifestement inexacts, Il doit exister des raisons plausibles de soupçonner qu’elle ait commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, La contrainte doit être strictement limitée au nécessaire et proportionnée, et prendre en compte la personne et notamment sa vulnérabilité, Un avocat doit être présent.   Ces conditions sont cumulables. L’infraction de refus, par une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, de se soumettre aux opérations de prélèvement, est également cumulable avec ces nouvelles dispositions. Bien que la jurisprudence en matière de nullité ne se soit pas encore prononcée sur ces dispositions, il convient dès lors de vérifier l’existence de chacune de ces conditions afin de demander la nullité d’une prise d’empreintes contrainte en violation de l’article 55-1 alinéa 5 du Code de procédure pénale.
Les déclarations spontanées d’un gardé à vue transféré au commissariat ne peuvent être intégrées dans la procédure   Cass.crim., 25 avril 2017, n°16-87.518   Le Code de procédure pénale a prévu un cadre dans lequel la personne placée en garde à vue peut être entendue et ses déclarations peuvent être retranscrites. En ce sens, les articles 63-1 et 63-3-1 du Code de procédure pénale prévoient la possibilité pour la personne placée en garde à vue d’être assistée par un avocat et le droit de se taire. L’article 63-4-2 du Code de procédure pénale prévoit quant à lui que dans le cas où la personne placée en garde à vue a choisi d’être assistée d’un avocat, celui-ci doit être présent dans le cadre des auditions, hormis les cas où il aurait du retard. La jurisprudence a précisé que les déclarations spontanées de la personne placée en garde à vue ne pouvaient être recueillies par les enquêteurs lorsqu’elles sont recueillies en dehors de ces cadres légaux. C’est notamment la solution de la Cour de cassation du 25 avril 2017. Arrêt du 25 avril 2017 En l’espèce, la personne gardée à vue avait été déplacée par les enquêteurs en vue d’une perquisition, dans le cadre d’une procédure pour tentative de meurtre, violences aggravées et infraction à la législation sur les armes. Alors qu’il se trouvait dans un véhicule avec des enquêteurs, en chemin pour rentrer au Commissariat, l’individu expliquait spontanément aux enquêteurs les circonstances dans lesquelles il était entré en possession de l’arme utilisée, et qu’il n’avait pas eu l’intention de tirer et de viser la victime. Les enquêteurs retranscrivaient ces déclarations dans un procès-verbal. L’individu était mis en examen des chefs susvisés. Il déposait une requête en nullité de ce procès-verbal et la Cour d’appel faisait droit à sa requête. La Cour d’appel jugeait que l’individu avait sollicité l’assistance d’un avocat et n’y avait pas renoncé de manière équivoque. Il ne pouvait dès lors être entendu que dans le cadre d’une audition, en présence de son avocat. Par ailleurs, aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait que les déclarations ne soient pas recueillies une fois dans le Commissariat, dans le cadre d’une audition. La Cour de cassation a validé cette argumentation, et rappelait l’importance pour les enquêteurs de respecter le cadre légal prévu, à savoir une audition au cours de laquelle l’individu peut être assisté d’un avocat et faire usage de son droit au silence. Dans ces conditions, ce procès-verbal pouvait être annulé. Cette décision était d’autant plus importante que l’individu avait fait des déclarations auto incriminantes dans ce véhicule. La jurisprudence a eu l’occasion à plusieurs reprises de rappeler ce cadre légal et l’interdiction de recueillir des déclarations spontanées en dehors de toute audition ou interrogatoire. D’autres exemples de déclarations spontanées entrainant la nullité des actes A titre d’exemple, la Cour de cassation a pu casser l’arrêt d’une Cour d’appel qui avait validé le procès-verbal d’enquêteurs ayant recueillis des déclarations spontanées après un interrogatoire de première comparution. L’individu avait fait usage de son droit au silence lors de cet interrogatoire, puis se livrait aux enquêteurs dans le cadre de son transfert en maison d’arrêt. Selon la Cour de cassation, les enquêteurs ne pouvaient retranscrire ses déclarations dans un procès-verbal, mais pouvaient uniquement informer le Juge d’instruction de la volonté du mis en examen de s’exprimer (Cass.crim., 5 mars 213, n°12-87.087).   De la même manière, il est acquis par la jurisprudence que la retranscription de déclarations recueillies dans le cadre de la sonorisation des cellules de garde à vue est interdite. Ainsi, il n’est pas possible pour les enquêteurs d’enregistrer les déclarations spontanées de personnes placées en garde à vue, réalisées en dehors de tout cadre légal, de toute audition, et sans la présence d’un avocat, et de les retranscrire dans un procès-verbal (Cass. AP., 6 mars 2015, n°14-84.339).   Enfin, la retranscription de déclarations spontanées réalisées avant la notification des droits à la personne placée en garde à vue est également interdite et peut faire l’objet d’une annulation. En l’espèce, au passage d’un enquêteur, un individu lui demandait les motifs de son placement en garde à vue, puis reconnaissait avoir commis les faits reprochés. L’enquêteur retranscrivait sur procès-verbal la teneur des propos tenus. Compte tenu de son état alcoolisé, la notification des droits n’avait pas encore eu lieu. La Cour de cassation cassait l’arrêt de la Cour d’appel, au motif que les déclarations spontanées réalisées avant toute notification des droits au silence et d’être assisté d’un avocat ne pouvaient être retranscrites (Cass.crim., 5 juin 2019, n°18-83.590).   Dans le cas où des déclarations spontanées seraient réalisées hors présence de l’avocat et en dehors du cadre de l’audition, il conviendrait de solliciter la nullité du procès-verbal retranscrivant ces déclarations.
Une personne placée en garde à vue doit être informée qu’un tiers a désigné un avocat pour l’assister Cass.crim., 4 octobre 2016, n°16-81.778   1. Le droit à être assisté d’un avocat La présence de l’avocat au stade de la garde à vue est un droit reconnu par le Code de procédure pénale, dont l’article 63-3-1, en son premier alinéa, prévoit que : « Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat ». Ce droit d’être assisté d’un avocat doit être notifié à la personne immédiatement après son placement en garde à vue, par l’officier de police judiciaire (article 63-1 du Code de procédure pénale) : « La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu au treizième alinéa : (…) 3° Du fait qu’elle bénéficie : (…) –du droit d’être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ». Le non-respect de la notification du droit d’être assisté d’un avocat, et le non-respect de la demande d’être assisté par un avocat sont sanctionnés par la nullité de la mesure de garde à vue (cass.crim., 24 juin 2009, n°08-87.241, cass.crim., 2 décembre 2015, n°13-83.787, cass.crim., 5 novembre 2013, n°13-82.682, cass.crim., 28 juin 2015, n°04-50.050). Il convient de rappeler que si la personne ne sollicite pas dès le début de sa garde à vue l’assistance d’un avocat, elle peut le faire à tout moment (cass.crim., 5 novembre 2013, n°13-82.682). 2. Les modes de désignation d’un avocat L’article 63-3-1 du Code de procédure pénale prévoit plusieurs modes de désignation d’un avocat, laissé au libre choix de la personne placée en garde à vue : -la désignation d’un avocat choisi par le gardé à vue, -la désignation d’un avocat commis d’office par le bâtonnier, -la désignation d’un avocat choisi par un tiers. Dans le cas où la personne a choisi un avocat et le désigne pour l’assister, les officiers de police judiciaire doivent prendre contact avec cet avocat dans les meilleurs délais. S’ils n’arrivent pas à le joindre, ils doivent en informer la personne placée en garde à vue, qui pourra choisir la désignation d’un avocat commis d’office. Enfin, la personne gardée à vue peut faire prévenir un membre de sa famille (parents en ligne directe, frères, sœurs) ou la personne avec laquelle elle vit habituellement de son placement en garde à vue (article 63-2 du Code de procédure pénale). Les personnes susceptibles d’être prévenues de la mesure de garde à vue sont limitativement énumérées. Ce tiers est dès lors en droit de saisir un avocat qui assistera la personne gardée à vue. Cet avocat pourra l’assister si cette désignation est confirmée par la personne prévenue (article 63-3-1 du Code de procédure pénale). L’article 63-3-1 du Code de procédure pénale autorise les seules personnes prévues par l’article 63-2 du même Code à désigner un avocat. Plus précisément, seule la personne nommément citée par la personne placée en garde à vue et prévenue de la mesure pourra désigner un avocat (Cass.crim. 13 novembre 2018, n°18-82.108). Il en ressort qu’à titre d’exemple, si la personne gardée à vue a choisi de faire prévenir sa mère, son père ne pourra désigner un avocat (Cass.crim., 19 octobre 2021, n°21-81.569). Il ressort de cette jurisprudence que l’audition réalisée sans la présence d’un avocat, alors qu’un avocat avait été désigné par un tiers autre que la personne prévenue, ne pourra faire l’objet d’une annulation pour vice de procédure. Si l’avocat est choisi par un tiers, l’officier de police judiciaire doit en informer la personne placée en garde à vue, comme l’a rappelé la Cour de cassation le 4 octobre 2016. 3. L’arrêt du 4 octobre 2016 : l’obligation d’informer le gardé à vue en cas de désignation par un tiers En l’espèce, un individu était placé en garde à vue pour des faits de viol, et sa mère était informée de la mise en place de la mesure par l’officier de police judiciaire. Le gardé à vue avait refusé l’assistance d’un avocat lors de la notification de ses droits. Sa mère avait de son côté contacté un avocat qui, à son tour, avait contacté le commissariat pour se faire connaitre. L’officier de police judiciaire lui a répondu que le gardé à vue refusait d’être assisté d’un avocat, de sorte que l’accès à son client lui a été refusé, et n’a pas prévenu le gardé à vue qu’un avocat avait été saisi par sa mère. Le gardé à vue a de nouveau refusé l’assistance d’un avocat lors de la prolongation de la mesure et a fait des déclarations l’incriminant. L’individu déposait une requête en nullité de la mesure de garde à vue, au motif qu’il n’avait pas été informé de la saisine d’un avocat par sa mère. La Cour d’appel avait rejeté sa requête, au motif qu’il avait refusé d’être assisté, et qu’il ne démontrait pas que sa mère avait confirmé à l’officier de police la désignation de l’avocat. La Cour de cassation a cassé cet arrêt de la Cour d’appel, jugeant qu’il importe peu que le gardé à vue ait refusé d’être assisté d’un avocat. L’officier de police doit toujours l’informer qu’un avocat a été désigné par un tiers, afin qu’il puisse dire s’il accepte ou non d’être assisté par cet avocat.
Le non-respect des prescriptions médicales entraîne la nullité de la garde à vue   Cass.crim., 14 mars 2017, n°16-84.352   L’article 63-3 du Code de procédure pénale : droit à être examiné par un médecin L’article 63-3 du Code de procédure pénale prévoit le droit pour toute personne placée en garde à vue d’être examinée par un médecin : « Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire. En cas de prolongation, elle peut demander à être examinée une seconde fois. (…) Le médecin examine sans délai la personne gardée à vue. Le certificat médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l’aptitude au maintien en garde à vue est versé au dossier ».   Non-respect des prescriptions du médecin : nullité de la garde à vue La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler l’obligation pour les enquêteurs de respecter les prescriptions du médecin, par un arrêt du 14 mars 2017. En l’espèce, la personne placée en garde à vue avait fait un malaise lors d’une perquisition et avait été conduite à l’hôpital, mais n’avait pas été admise. Un médecin l’examinait plusieurs heures plus tard, et déclarait son état compatible avec la mesure de garde à vue, sous réserve d’être transportée à l’hôpital deux fois par jour, à 8H puis à 20H. Ce certificat était émis à 3H26. Les enquêteurs réalisaient une nouvelle perquisition à 7H30, faisant obstacle au respect de cette prescription. Lors de cette nouvelle perquisition, la personne placée en garde à vue faisait un malaise et était de nouveau conduite à l’hôpital. Le Juge d’instruction mettait fin à la garde à vue.   La nullité de la garde à vue était sollicitée par le requérant, mais la chambre de l’instruction rejetait sa demande. Elle soulevait en effet plusieurs éléments : -les enquêteurs n’auraient pas eu connaissance du certificat médical et n’avaient donc aucune volonté de porter atteinte à l’intégrité du requérant, -il convenait de s’attacher, non pas à la prescription médicale de manière stricte, mais à son esprit, à savoir que le requérant devait voir un médecin deux fois par jour, le matin et le soir. De cette manière, elle expliquait que le médecin n’avait pas pour objectif d’imposer un planning strict mais de faire respecter cette obligation de voir un médecin deux fois par jour, -en débutant la perquisition d’un simple bureau à 7H30, les enquêteurs avaient anticipé le fait qu’ils pourraient respecter l’esprit de cette prescription tel que décrit, ce qu’ils avaient fait en le présentant à l’hôpital à 10H35.   La Cour de cassation cassait cette argumentation, et s’attachait à la prescription médicale stricte. En effet, selon elle, le médecin avait jugé l’état du requérant compatible avec la garde à vue sous réserve d’être conduite à l’hôpital à 8H et à 20H. Dès lors, les enquêteurs auraient dû présenter le requérant à l’hôpital à 8H et ne pouvaient débuter la perquisition à 7H30. La Cour de cassation ajoutait que les enquêteurs avaient certes présenté le requérant à l’Hôpital à 10H35, mais que cela avait été fait sur demande des pompiers intervenus en raison du second malaise subi.   Dès lors, la Cour de cassation impose la nullité de la garde à vue en cas de non-respect des prescriptions médicales.   Non-respect des prescriptions du médecin : un précédant en 2009 Il ressort de la jurisprudence que dès 2009, la Cour de cassation concluait à la nullité d’une garde à vue pour non-respect des prescriptions du médecin, et ce peu importe que le requérant ait subi un grief particulier (Cass.crim., 27 octobre 2009, n°09-82.505).   En l’espèce, le requérant était placé en garde à vue et était examiné par un médecin qui concluait à 21H50 à l’incompatibilité de son état de santé avec cette mesure. A 2H25, un autre médecin rendait un certificat de compatibilité de l’état de santé avec la mesure de garde à vue. La chambre de l’instruction rejetait la demande de nullité de la garde à vue, aux motifs que : -l’avocat du requérant n’avait formulé aucune observation suite au premier certificat, -le requérant ne s’était pas plaint de son état de santé devant les enquêteurs ou devant le juge d’instruction, -son audition intervenue entre l’établissement des deux certificats contradictoires ne portait pas sur le fond de l’affaire et ne pouvait donc lui faire grief. La chambre de l’instruction concluait ainsi à l’absence d’atteinte portée aux intérêts du requérant.   La Cour de cassation jugeait au contraire que la simple poursuite de la garde à vue malgré la constatation d’une incompatibilité entre la mesure et l’état de santé portait nécessairement atteinte aux intérêts du requérant.   Dès lors, le seul irrespect des prescriptions médicales suffit à caractériser un grief, justifiant l’annulation de la mesure de garde à vue.
LE NON-RESPECT DES PRESCRIPTIONS MEDICALES ENTRAINE LA NULLITE DE LA GARDE A VUE Arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 14 Mars 2017, n°16-84.352 Un certificat médical indiquait que le gardé à vue devait être amené 2 fois par jour à l’hôpital, à 8h et à 20h. Malgré cela, les policiers avaient commencé une perquisition à 7h30 et à 10h30 le suspect avait été pris d’un malaise. Les policiers se justifiaient en arguant qu’ils n’avaient jamais eu connaissance de ce certificat en raison d’un problème de transmission. Peu importe. Les juges ont tout de même annulé la mesure de garde à vue.
DIFFERER LA NOTIFICATION DE SES DROITS AU GARDE A VUE EST POSSIBLE, SEULEMENT S’IL EST DEMONTRE QU’IL N’ETAIT PAS EN MESURE DE COMPRENDRE SES DROITS   Cadre de la notification des droits Parce que la garde à vue est privative de liberté, peut durer jusque 48 heures, et engendre des conséquences importantes sur la vie privée et sur l’issue de la procédure pénale, la personne placée en garde à vue dispose de droits. Ces droits sont énumérés par l’article 63-1 du Code de procédure pénale : -faire prévenir un proche ou son employeur, -être examiné par un médecin, -être assisté d’un avocat, -être assisté d’un interprète, -faire des déclarations, répondre aux questions ou se taire dans le cadre des auditions, -consulter une partie de la procédure et faire des observations en cas de prolongation de la mesure (notification de placement en garde à vue, examen médical, auditions). Ces droits doivent être notifiés par l’Officier de police judiciaire, immédiatement après le placement en garde à vue. La jurisprudence a jugé qu’une notification 15 minutes après le placement en garde à vue n’était pas tardive (Cass.crim., 27 juin 2000, n°00-80.411), tout comme la notification des droits survenue plus tard, en raison de l’impossibilité de la réaliser sur la voie publique (Cass.crim., 23 mars 1999, n°98-86.263). Plus encore, la jurisprudence admet une notification différée de plusieurs heures, dans les cas où le gardé à vue ne serait pas en mesure de comprendre ses droits.   La possibilité de différer la notification des droits de manière exceptionnelle : le gardé à vue n’est pas en mesure de comprendre ses droits Dans le cas où le gardé à vue serait en état d’ébriété, et serait donc dans l’impossibilité de comprendre ses droits, la notification ne peut avoir lieu. Il s’agit d’une circonstance insurmontable à la notification des droits, au sens de la jurisprudence (Cass.crim., 3 avril 1995, n°94-81.792). Il existe deux manières de vérifier la capacité à comprendre ses droits : -le test d’alcoolémie, -les vérifications des enquêteurs. En effet, même en présence d’une quantité d’alcool dans le sang, la capacité de compréhension des droits varie d’une personne à l’autre. Le dégrisement complet n’est pas nécessaire. Dès lors, les enquêteurs peuvent se contenter de vérifier si la personne placée en garde à vue est manifestement en capacité de répondre aux interpellations, dit se sentir en état de répondre aux questions et signe les procès-verbaux (Cass.crim., 10 mai 2000, n°00-80.865). Cette solution a été réitérée par la Cour de cassation dans un arrêt du 21 juin 2017 (n°16-84.599). En l’espèce, un individu était placé en garde à vue avec un taux d’alcool de 0,75mg/litre d’air expiré à 22H15. La notification des droits était différée. A 3H50, son taux était de 0,22mg/litre d’air expiré. Ses droits lui étaient notifiés à 5H, à son dégrisement total. La procédure était annulée, car rien ne permettait de démontrer qu’il n’était pas en mesure de comprendre ses droits à 3H50, alors que son taux était de 0,22mg/litre d’air expiré. La Cour attend donc des enquêteurs de vérifier par d’autres moyens si le gardé à vue peut comprendre ses droits et s’il n’est pas inutile de différer plus encore cette notification. Dans un arrêt du même jour, la Cour de cassation jugeait les vérifications des enquêteurs suffisantes (Cass.crim., 21 juin 2017, n°16-84.158). En l’espèce, un individu était placé en garde à vue à 22H22 et son taux d’alcool était de 0,73 mg/litre d’air expiré. Ses droits lui étaient notifiés à 2H45. La Cour d’appel rejetait la demande de nullité aux motifs que le PV mentionnait que l’enquêteur avait constaté que l’individu était en capacité de comprendre ses droits : « de visu et par un questionnement simple qu’il paraît avoir retrouvé sa lucidité et peut se voir notifier la mesure le concernant ». Par ailleurs, une période de 4h s’étant écoulée, le dégrisement pouvait être considéré comme suffisant. La Cour de cassation validait cette décision et exigeait par son arrêt que les enquêteurs fassent des vérifications supplémentaires, et les mentionnent dans un PV, afin de ne pas différer encore sans raison la notification des droits. En cas de placement en garde à vue, il conviendra donc de vérifier si la notification des droits a été réalisée immédiatement, et dans la négative, si le taux d’alcool rendait la compréhension des droits impossible. Si la notification est tardive et que rien ne permet de démontrer que les droits ne pouvaient être compris, il convient de solliciter la nullité de la garde à vue.
LE TRAJET NECESSAIRE POUR SE RENDRE AU COMMISSARIAT CONSTITUE UNE CIRCONSTANCE INSURMONTABLE JUSTIFIANT LE RETARD DE LA NOTIFICATION DES DROITS Arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 6 janvier 2015, n°13-87.652 Les fonctionnaires de police ont procédé à l’interpellation d’un automobiliste dont la conduite apparaissait anormale. Constatant qu’il présentait des signes d’ivresse manifeste, ils l’ont soumis à un dépistage par éthylotest, qui s’est révélé positif. Placé en garde à vue l’automobiliste a refusé de se soumettre à la prise de sang et à l’éthylomètre puis devant le Tribunal Correctionnel, il a été déclaré coupable. Souhaitant faire annuler sa garde à vue, il soutient que la notification de ses droits a eu lieu à l’arrivée au commissariat et non lors de son interpellation. Or les juges précisent qu’un délai de trente cinq minutes était le délai nécessaire permettant à la patrouille de se rendre au commissariat.
Dans quels cas les enquêteurs peuvent géolocaliser un bien appartenant au suspect? La géolocalisation est un acte d’investigation permettant aux enquêteurs de rechercher des preuves utiles à la manifestation de la vérité. Son régime est prévu aux articles 230-32 et suivants du Code de procédure pénale. La géolocalisation permet de déterminer en temps réel la position d’une personne à partir d’un moyen technique notamment par l’apposition sur un véhicule, une valise ou un objet quelconque d’une balise GPS. La géolocalisation peut également s’effectuer grâce à la localisation d’un téléphone portable.   La géolocalisation est-elle possible pour toutes les enquêtes quel que soit l’infraction en cause ?   Les enquêteurs peuvent recourir à la géolocalisation uniquement dans le cadre d’une procédure d’enquête ou d’instruction relatives aux infractions suivantes :   Procédure d’enquête ou d’instruction portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement : trafic de stupéfiants, associations de malfaiteurs, délits contre les personnes, trafic d’être humain… Procédure d’enquête ou d’instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition prévue aux articles 74,74-1 et 80-4  Procédure de recherche d’une personne en fuite prévue à l’article 74-2   Quelle est la durée d’une géolocalisation ? Elle est autorisée par le procureur de la République pour une durée de 8 jours. Cependant, s’il s’agit d’une enquête pour rechercher les causes de la mort ou de la disparition, d’une procédure de recherche d’une personne en fuite ou d’une enquête relevant de la criminalité organisée, la géolocalisation est autorisée pour une durée de 15 jours.   A l’issue de ces délais, c’est le juge des libertés et de la détention qui l’autorise pour une durée de 1 mois renouvelable.   Lorsque l’instruction porte sur la recherche des causes de la mort ou de la disparition d’une personne, le juge d’instruction autorise la mesure pour une durée de 4 mois renouvelable.   La durée totale de cette mesure ne peut excéder 1 an ou 2 ans s’il s’agit d’une enquête ou d’une instruction relevant de la criminalité organisée.   Seul le suspect peut faire l’objet d’une géolocalisation ? La loi n’impose pas que seul le suspect puisse faire l’objet d’une géolocalisation. Une personne qui n’est pas visée par la procédure peut faire l’objet d’une telle mesure dès lors que cette opération est exigée par les nécessités de l’enquête.   La géolocalisation peut-elle s’effectuer sur un bien n’appartenant pas au suspect ?   Il est tout à fait possible de géolocaliser un bien n’appartenant pas au suspect. C’est notamment l’hypothèse où le bien a été frauduleusement obtenu par le suspect ou encore, lorsque le suspect use habituellement du bien en cause.   Le suspect est-il en droit de contester la régularité d’une géolocalisation effectuée sur un bien frauduleusement obtenu ?   La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser à propos d’un véhicule volé et faussement immatriculé que si la procédure est irrégulière et qu’en principe les preuves ne peuvent être transcrites dans un procès-verbal puis versé au dossier du suspect, les preuves pourront toutefois être admises. En effet, le suspect est irrecevable à contester la régularité de la géolocalisation sur le bien sur lequel il ne peut se prévaloir d’aucun droit (Cass. crim 7 juin 2016 n°15-87.755). Si le bien n’a pas été obtenu frauduleusement (ex : usage habituel du véhicule d’un proche), le suspect se réserve le droit de contester la régularité de la procédure (Cass. crim 9 mai 2018 n°17-86.558).