Articles de blog




  Les accidents de la circulation sont soumis au régime de la loi Badinter du 5 juillet 1985, qui a pour objectif de faciliter l’indemnisation des victimes dès lors qu’un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation.   Notion d’accident de la circulation   Un véhicule terrestre à moteur Avant toute chose, l’accident de la circulation implique l’intervention d’un véhicule terrestre à moteur. La loi ne donne aucune définition du véhicule terrestre à moteur. La doctrine l’a donc défini comme « un engin circulant sur le sol, muni d’une force motrice et pouvant transporter des choses ou des personnes ». Ainsi, une voiture, un scooter, une motocyclette ou encore un tracteur sont considérés comme des véhicules terrestres à moteur dès lors qu’ils sont utilisés pour transporter des choses ou des personnes.   Un accident de la circulation Il n’existe aucune définition légale de l’accident de la circulation. Néanmoins, un accident est nécessairement un évènement fortuit ou aléatoire. Un accident volontaire ne peut pas entrer dans le champ d’application de cette loi (2e civ., 12 déc. 2002, n°00-17.433). Ensuite, la notion de circulation n’englobe pas seulement les accidents survenant lorsque le véhicule utilise sa fonction de déplacement. Sont aussi concernés les véhicules à l’arrêt, en stationnement ou abandonnés sur la voie publique ou dans un lieu privé. Il faut tout de même préciser qu’un véhicule à l’arrêt, mais utilisé dans sa fonction d’outil est exclu du champ d’application de cette loi (ex : moissonneuse batteuse, benne basculante d’un camion à l’arrêt…).   Une implication du véhicule dans l’accident La jurisprudence considère qu’un véhicule est impliqué dans un accident de la circulation lorsqu’il est intervenu d’une manière ou d’une autre dans cet accident. C’est ainsi que la Cour de cassation a jugé dans une décision du 15 décembre 2022 (2Civ, 15 déc. 2022, n° 21-11.423) que les collisions successives qui sont intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu constituent un accident complexe. Elle a également rappelé que dans un accident complexe, la victime est en droit de demander l’indemnisation de son préjudice à l’assureur de l’un quelconque des véhicules impliqués, même si elle n’a pas été en contact avec celui-ci.   Cas particulier : le droit d’indemnisation lorsque le véhicule n’est pas à l’origine de l’accident Pour pouvoir être indemnisé, il n’est pas nécessaire que le véhicule ait joué un rôle dans la réalisation du dommage, ni qu’il soit à l’origine de l’accident. C’est la raison pour laquelle est utilisé le terme « d’implication » au détriment de « causalité ». De même, le comportement et la position normale du véhicule n’excluent pas l’engagement de la responsabilité du conducteur ou du propriétaire, même lorsque le véhicule est à l’arrêt ou stationné. C’est ainsi que la Cour de cassation a jugé le 15 décembre 2022 que la victime d’un accident peut demander réparation de son préjudice au propriétaire d’un véhicule stationné n’ayant pas causé de dommage à la victime, ni causé cet accident (2e civ., 15 déc. 2022, n°21-11.423).   Un dommage Il est nécessaire de démontrer l’existence d’un dommage. Le dommage corporel est l’atteinte portée à l’intégrité physique d’une personne pouvant aller des blessures graves ou légères, à la mort. Ce dommage doit avoir un lien de causalité certain avec cet accident.   L’obligation pour l’assureur de présenter une offre d’indemnité Après un accident de la circulation, les articles 12 à 27 de la loi Badinter imposent à l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur de présenter une offre d’indemnité à la victime. Ces articles ont été codifiés aux articles L 211-9 et suivants et R 211-29 et suivants du Code des assurances. Une offre d’indemnité doit être présentée à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans un délai maximum de 8 mois à compter de l’accident de la circulation. En revanche, si la responsabilité n’est pas contestée et le dommage a été entièrement quantifié (ex : suite à une expertise médicale), l’assureur doit présenter à la victime une offre d’indemnité dans un délai de 3 mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée. La victime aura le choix entre accepter cette offre, la refuser ou faire une contre-proposition. De nombreuses victimes sont tentées de faire aveuglement confiance à leur assurance en acceptant, parfois même rapidement cette offre d’indemnité. Or, bien souvent, celle-ci n’est pas représentative de la réalité du préjudice subi par la victime. En effet, les dommages corporels sont minimisés, tous les préjudices subis par la victime ne sont pas pris en compte afin de réduire le montant de l’indemnité. Pour cette raison, il est toujours préférable de recourir à l’assistance d’un avocat spécialisé en dommage corporel pour obtenir une indemnisation qui corresponde à la réalité du préjudice subi.   L’importance de recourir à l’assistance d’un avocat L’avocat spécialisé en dommage corporel expliquera en détail à la victime la procédure d’indemnisation et l’assistera tout au long de cette procédure que celle-ci soit amiable (procédure engagée par l’assurance) ou judiciaire.   Constituer le dossier médical de la victime L’avocat aidera la victime à constituer le dossier médical le plus complet possible afin de lui permettre d’optimiser au maximum son indemnisation. Ce dossier médical, qui sera notamment transmis à l’expert permettra de prouver les circonstances dans lesquelles le dommage s’est produit ainsi que les conséquences de celui-ci sans l’imputer à un état antérieur. Ce dossier peut notamment comporter les pièces justificatives suivantes : Certificat médical Compte rendu d’hospitalisation Les radiographies et scanners Correspondances entre médecins Procès-verbaux Photographies des blessures Arrêt de travail Activité sportive ou de loisirs réalisés antérieurement à la survenance du dommage Le questionnaire corporel pro-victimes Si besoin, l’avocat se rapprochera de différents organismes afin d’obtenir tous les documents utiles à ce dossier médical.   Le choix du médecin-conseil L’avocat aidera la victime dans le choix de son médecin-conseil. Ce dernier joue également un rôle essentiel dans ce processus d’indemnisation car il assiste et défend les intérêts de la victime tout au long de la procédure et notamment lors de l’expertise médicale amiable ou judiciaire. Lors de cette expertise, il prendra soin de vérifier que l’ensemble des préjudices subis par la victime soient pris en compte.   La réalisation d’une expertise Si la victime entame une procédure d’indemnisation par la voie judiciaire, l’avocat pourra demander que soit réalisée une expertise par le biais d’un référé expertise devant le tribunal judiciaire ou de conclusions aux fins d’expertise devant le juge pénal. Cette étape est cruciale dans l’évaluation du préjudice car l’expert va identifier tous les dommages et déterminer si les préjudices sont en lien avec le dommage. L’expert a l’obligation de répondre aux questions de la mission (articles 238 du Code de procédure civile et 161 du Code de procédure pénale). Ainsi, le rôle de l’avocat est d’une grande importance puisqu’il sera chargé d’exposer de façon précise les questions qu’il souhaite poser à l’expert. En outre, l’avocat a pour rôle de contrôler l’indépendance des médecins-experts au cours de l’expertise et sollicitera le versement de provisions. Cette expertise servira ensuite de fondement de la demande d’indemnisation. L’avocat négociera chaque poste de préjudice et sera ensuite chargé de les évaluer.   L’évaluation des préjudices Le dommage fait naître des préjudices patrimoniaux et/ou extrapatrimoniaux. Les préjudices patrimoniaux représentent la perte subie ou le gain manqué. Les préjudices extrapatrimoniaux englobent les atteintes portées à un intérêt qui n’est pas pécunier, donc à un intérêt moral. Ces différents postes de préjudices ont été regroupés au sein de la nomenclature Dintilhac. Cette liste, non exhaustive, n’a aucune valeur normative mais est cependant utilisée par les tribunaux ainsi que par les experts. Cette nomenclature effectue une distinction entre les préjudices temporaires (avant consolidation) et permanents (après consolidation) :   Les préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)   Dépenses de santé : il s’agit des frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux et pharmaceutiques et assimilés qui ont été à la charge de la victime avant la consolidation.   Pertes de gains professionnels : il s’agit des répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime jusqu’à sa consolidation.   Assistance temporaire par tierce personne: ce poste comprend les dépenses qui visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire d’une tierce personne pour l’assister de manière quotidienne du jour de l’accident jusqu’à la consolidation. Il est important de préciser que l’assistance bénévole, même d’un membre de la famille, n’exclut pas l’indemnisation de ce préjudice. C’est ce qu’a affirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mai 2019 (Civ 1ère, 22 mai 2019, n°18-14.063). De plus, les juges de la Haute Cour ont pris le soin de rappeler que ce poste de préjudice englobe l’assistance dans les actes de la vie quotidienne mais également l’assistance dans la sphère professionnelle. Pour connaître le montant de l’indemnisation, l’expert évaluera le nombre d’heures nécessaires (par jour, semaine ou mois) qui établira, avec le coût horaire, l’indemnisation.   Frais divers : ce poste vise à indemniser les frais susceptibles d’être exposés par la victime avant la date de consolidation (ex : honoraires des médecins, frais de transports…).   Les préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)   Dépenses de santé : ce poste comprend les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels, postérieurs à la consolidation de la victime.   Frais de logement adapté : il s’agit des frais qui sont à la charge de la victime pour adapter son logement à son handicap ou des frais liés à l’acquisition d’un logement mieux adapté après la consolidation.   Frais de véhicule adapté : ce poste de préjudice vise à indemniser les dépenses nécessaires pour procéder à l’adaptation d’un véhicule aux besoins de la victime atteinte d’un handicap permanent.   Assistance permanente par tierce personne : elle concerne les dépenses qui visent à indemniser, le coût pour la victime de la présence nécessaire d’une tierce personne pour l’assister de manière quotidienne après la consolidation.   Perte de gains professionnels : elle vise à indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente, partielle ou totale, à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle (ex : perte de l’emploi, emploi exercé à temps partiel…). Par un arrêt rendu le 24 juillet 2019 (n°4086624), le Conseil d’Etat a considéré que la victime qui se trouve privée de toute possibilité d’exercer un jour une activité professionnelle en raison d’un accident corporel survenu dans son jeune âge, peut obtenir une indemnisation au titre de la perte de gain professionnel. La seule circonstance qu’il soit impossible de déterminer le parcours professionnel qu’elle aurait suivi ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice qui doit être regardé comme présentant un caractère certain résultant de la perte des revenus qu’une activité professionnelle lui aurait procuré et de la pension de retraite consécutive.   Préjudice scolaire, universitaire ou de formation : ce poste a pour objet de réparer la perte d’année(s) d’études scolaires, universitaires, de formation ou autre consécutive à la survenance du dommage (ex : retard dans l’apprentissage, modification d’orientation…).   Préjudice extrapatrimoniaux temporaires (avant consolidation)   Déficit fonctionnel temporaire : il a pour objet d’indemniser l’incapacité totale ou partielle subie par la victime dans sa sphère personnelle du jour de l’accident jusqu’à la consolidation (ex : périodes d’hospitalisation, perte de la qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante…). L’expert attribuera des périodes, puis la moitié du smic sera attribué par jour contenu dans ces périodes, en fonction du % de déficit (par exemple, un déficit à 25% pendant 10 jours en 2023 : 10 x (25% de 31 euros) = 77,5 euros).   Souffrances endurées temporaires : ce poste comprend l’indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime du jour de l’accident jusqu’à celui de la consolidation. Il est important de préciser que l’état d’inconscience de la victime n’est pas de nature à réduire ou à exclure le préjudice résultant des souffrances endurées (Cass. crim, 25 juin 2019, n°18-82.655). L’expert évalue les souffrances endurées sur une échelle à 7 degrés (1 correspondant à « très léger » et 7 à « exceptionnel »). Ensuite, pour connaître le montant de l’indemnisation, un barème donne une fourchette correspondant à chaque degré de cette échelle.   Préjudice esthétique temporaire : il vise à indemniser les conséquences de l’altération de l’apparence physique temporaire de la victime. Pour évaluer le montant de ce préjudice, l’expert établira le degré de ce préjudice en référence à un barème de la même manière que pour les souffrances endurées.   Préjudice extrapatrimoniaux permanents (après consolidation)   Déficit fonctionnel permanent : ce préjudice est relatif à l’atteinte portée aux fonctions physiologiques de la victime (telle que la réduction du potentiel physique, psychosensorielle ou intellectuelle), qui demeure même après la consolidation. Pour ce poste de préjudice, l’indemnisation sera calculée en tenant compte du degré de ce préjudice évalué par l’expert et de l’âge de la victime.   Souffrances endurées permanentes : ce poste de préjudice a pour objet l’indemnisation des souffrances physiques et psychiques, ressenties par la victime de façon permanente après la consolidation.   Préjudice d’agrément : il vise à réparer la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence que la victime rencontre au quotidien après la consolidation ainsi que la gêne ou l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs. Par un arrêt du 29 mars 2018, la Cour de cassation a considéré que pour invoquer le préjudice d’agrément, la limitation de l’activité sportive ou de loisirs peut suffire (2 civ, 29 mars 2018, n° 17-14.499). Le préjudice d’agrément est selon l’association d’aide aux victimes en France estimé entre 1 000 à 5 000 euros pour une personne pratiquant du sport régulièrement. (Cf Association Aide indemnisation victimes de France – préjudice d’agrément). En outre, la Cour d’appel de Reims a considéré que le préjudice d’agrément doit être évalué à 20 000 euros pour un individu ne pouvant plus pratiquer des activités de jardinage, de cueillettes et de sorties dominicales comme auparavant (CA Reims, 8 octobre 2008, n’07/01036).   Préjudice esthétique permanent : ce poste de préjudice vise à indemniser les conséquences permanentes de l’altération de l’apparence physique de la victime. Ce poste de préjudice englobe les conséquences dommageables de l’apparence physique, notamment des hématomes, cicatrices, des troubles de la voix ou de l’élocution mais également des anomalies dans la démarche.   Préjudice sexuel : il vise à réparer les préjudices touchant à la sphère sexuelle qui inclut le préjudice morphologique (atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires), le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer. La Cour de cassation a considéré que « le préjudice sexuel, qui comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle, peut être éprouvé par ricochet par le conjoint de la victime directe qui, à la suite du fait dommageable, subit elle-même un tel préjudice » (1 Civ, 30 juin 2021, n°19-22.787). Le préjudice sexuel subit pour une personne avec des difficultés à accomplir l’acte sexuel et une moindre fréquence des rapports sexuels est estimé par L’Association d’aide aux victimes en France entre 3 000 et 4 000 euros. ((Cf Association Aide indemnisation victimes de France – préjudice sexuel).   Préjudice d’établissement : ce poste de préjudice cherche à indemniser la perte d’espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteinte la victime après sa consolidation. La Cour de cassation a précisé qu’en cas de séparation ou de dissolution d’une précédente union, la victime peut invoquer le préjudice d’établissement même si elle a déjà pu, par le passé, réaliser un projet familial (Civ 2e, 4 juillet 2019, n°18-19.592). En revanche, en l’absence de séparation ou de dissolution d’une précédente union, la Cour de cassation refuse d’indemniser la victime sur le fondement du préjudice d’établissement. Ce préjudice sera évalué en tenant compte de l’âge de la victime.   Préjudices permanents exceptionnels : ce poste a pour objet d’indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extrapatrimonial permanent, particulier et non indemnisable au titre d’un autre poste (ex : impossibilité physique d’accomplir des gestes strictement liés à sa culture). Les victimes par ricochet peuvent également obtenir une indemnisation de leurs préjudices. Les préjudices qu’ils peuvent invoquer sont notamment les frais d’obsèques, les pertes de revenus, le préjudice d’accompagnement, le préjudice d’affection ou encore les frais divers. Pour se prévaloir de la qualité de victimes par ricochet, il n’est pas nécessaire de démontrer l’existence d’un lien juridique avec la victime directe. Il est néanmoins nécessaire de démontrer que les victimes par ricochet ont un lien proche avec la victime directe et souffrent personnellement du dommage (ex : blessures, mort…) de la victime directe.   Le cas particulier des victimes conductrices d’un véhicule La loi Badinter de 1985 a créé un régime de réparation inégalitaire en fonction de la qualité de la victime. En effet, si la victime conductrice d’un véhicule a commis une faute, cette dernière pourra lui être opposée et entraîné de graves conséquences sur son droit à être indemnisé.   Les victimes non conductrices d’un véhicule Les victimes non conductrices d’un véhicule sont considérées comme des victimes privilégiées. En effet, la loi a posé un principe : « les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute ». Les piétons, cyclistes ou encore les passagers d’un véhicule sont concernés. Néanmoins, il existe 2 exceptions. La faute de la victime peut lui être opposée dès lors qu’elle a commis une faute inexcusable qui a été la cause exclusive de l’accident ou lorsqu’elle a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi. La Cour de cassation admet strictement l’existence de ces hypothèses et visent notamment les situations où la victime a tenté de se suicider. Il convient tout de même de préciser que dans 2 hypothèses, la faute de la victime ne peut jamais lui être opposée même si celle-ci a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi : – lorsque la victime est âgée de 16 ans ou de plus de 70 ans –  lorsque la victime est titulaire, au moment de l’accident, d’un titre lui reconnaissant un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80 p. 100   Les victimes conductrices d’un véhicule Lorsque la victime est conductrice d’un véhicule, sa faute peut lui être opposée et réduire voire exclure son indemnisation. En cas d’accident, il est donc nécessaire de rechercher si la victime était conductrice ou non d’un véhicule au sens de la loi Badinter. A titre d’exemple, la Cour de cassation a récemment considéré qu’un fauteuil roulant électrique n’est pas un véhicule terrestre à moteur (2Civ, 6 mai 2021, n°20-14.551).   Le délai de prescription La loi Badinter et l’article 2226 du Code civil prévoient que le délai de prescription est de 10 ans à compter de la consolidation du dommage. Ce délai de prescription a été confirmée par la Cour de cassation notamment dans un arrêt du 3 novembre 2011 (2Civ 3 nov. 2011, n°10-16.036). Ainsi, la victime dispose d’un délai de 10 ans à compter de la consolidation de son dommage pour demander réparation de son dommage corporel résultant d’un accident de la route.  
Les trois circonstances pouvant réduire une indemnisation En matière de responsabilité civile, pour obtenir réparation suite à un dommage corporel, il est nécessaire de démontrer l’existence d’une faute de l’agent et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage. Néanmoins, l’agent peut s’exonérer de sa responsabilité en invoquant la force majeure, le fait d’un tiers ou la faute de la victime.   La force majeure La force majeure peut être définie comme la survenance d’un évènement échappant à tout contrôle, qui ne pouvait être prévu et dont on ne peut faire face. Pour être considéré comme une force majeure, l’évènement doit remplir certaines caractéristiques :   Irrésistible : l’agent ne pouvait y faire face au moment de la réalisation du dommage Imprévisible : l’évènement ne pouvait pas être prévu au moment de la réalisation du dommage Extérieur : l’évènement doit être extérieure à l’agent   La force majeure entraîne une exonération totale de l’agent. Ainsi, la victime ne pourra obtenir aucune indemnisation de son préjudice. En revanche, en matière d’accident de la circulation, la force majeure ne peut être invoquée (article 2 de la loi du 5 juillet 1985).   Le fait d’un tiers Le fait d’un tiers, s’il présente les caractères de la force majeure, entraîne une exonération totale de la responsabilité de l’agent. En revanche, si le fait de ce tiers ne présente pas les caractères de la force majeure, l’agent demeure responsable. En outre, si les conditions permettant d’engager la responsabilité du tiers sont réunies, ils pourront être tenu in solidum à l’égard de la victime. En outre, le fait d’un tiers ne peut être invoqué en matière d’accident de la circulation (article 2 de la loi du 5 juillet 1985).   La faute de la victime Si la victime a commis une faute au moment de la réalisation du dommage et qu’elle présente les caractères de la force majeure, l’agent sera totalement exonéré de sa responsabilité. En revanche, si elle ne présente pas les caractères de la force majeure, l’indemnisation de la victime pourra être réduite. En revanche, en matière d’accident de la circulation, la victime non conductrice d’un véhicule ne peut pas, en principe, se voir opposer sa faute (cf : voir article « dans quelles circonstances mon indemnisation peut être réduite après un accident de la circulation ? »).
  Qu’est-ce que le JIVAT et quelles sont ses compétences ?   La loi du 23 mars 2019 a permis de centraliser la réparation des victimes d’attentats terroristes, en séparant la procédure de leur indemnisation de la procédure applicable aux autres victimes, par le biais de la création du JIVAT.   Cadre légal Créé par la loi du 23 mars 2019, le JIVAT est compétent en matière de dommages résultant d’un préjudice corporel des victimes d’attentats terroristes. Le Tribunal judiciaire de Paris bénéficie d’une compétence exclusive sur les litiges liés à l’indemnisation de telles victimes. C’est dans le rapport annexé à cette loi de 2019 que l’on trouve les spécificités relatives à ce nouveau juge. Cependant, cela reste une disposition récente, qui n’est pas encore pleinement développée (on ne retrouve pas encore le JIVAT dans le Code de l’organisation judiciaire). L’article 2.3 de ce rapport, intitulé « Accompagner les victimes » évoque la nécessité d’améliorer, entres autres, « la qualité des prises en charge par le renforcement des effectifs et le développement des compétences spécialisées pour les victimes particulièrement vulnérables comme les victimes mineures ou les plus gravement traumatisées ». L’article 3.3, « Améliorer encore l’efficacité de la justice antiterroriste » créé, dans ce but, un parquet national antiterroriste : « Il apparaît particulièrement nécessaire de procéder à une spécialisation du ministère public en matière de lutte contre le terrorisme. Plusieurs facteurs conduisent, de fait, à inscrire dans la présente loi les dispositions relatives à la création d’un parquet national antiterroriste (PNAT)». La loi du 23 mars 2019 donne donc une importance particulière à l’efficacité de la lutte contre le terrorisme. C’est donc de manière analogue qu’une procédure spéciale a également été créée pour les victimes. L’article 3.4 du rapport annexé, intitulé « Simplifier et améliorer le parcours procédural des victimes d’actes de terrorisme » est celui qui créé le JIVAT, dans le but de réparer les dommages causés aux victimes : « Prenant appui sur les travaux de la mission confiée par la garde des sceaux à Chantal Bussière, il est proposé de simplifier ce parcours, d’accélérer leur indemnisation tout en favorisant leur égalité de traitement.Dans cette perspective, il est tout d’abord donné compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour connaître l’ensemble des litiges liés à la reconnaissance de leur droit à indemnisation, à l’organisation d’une expertise judiciaire et à la réparation des préjudices des victimes de terrorisme, au fond comme en référé, selon les règles applicables à la procédure civile, ce qui permettra d’éviter que le traitement de ce contentieux particulièrement technique retarde le déroulement de l’information judiciaire et la tenue du procès. Cette compétence exclusive a pour corollaire l’incompétence des juridictions pénales pour connaître de l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction constituant un acte de terrorisme. Les victimes d’un acte de terrorisme conserveront en revanche la possibilité de se constituer partie civile devant les juridictions pénales afin de mettre en mouvement ou de soutenir l’action publique et se voir reconnaître la qualité de victime. A cette fin, elles pourront notamment avoir accès au dossier de la procédure, formuler toute demande d’acte utile à la manifestation de la vérité.Dans la phase amiable, il est par ailleurs prévu de renforcer les garanties offertes aux victimes de terrorisme s’agissant du choix par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) du médecin procédant à l’examen médical de la victime et de conférer au FGTI des pouvoirs d’auditions et d’investigations en vue d’accélérer l’indemnisation des victimes de terrorisme ». Le JIVAT serait donc créé pour permettre aux victimes d’attentats terroristes de bénéficier d’une voie de recours leur étant spécifique.   En pratique : les litiges opposant les victimes au FGTI C’est le Fonds de Garantie des victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI) qui est tenu de proposer aux victimes d’attentats terroristes les indemnisations correspondantes aux préjudices subis. Selon le « Guide pour l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme », écrit par le FGTI, une fois que le Fonds a formulé une proposition d’indemnisation, la victime peut l’accepter ou la refuser. Si elle refuse, « le montant de l’indemnité est alors déterminé par le tribunal de grande instance, après saisine par la victime. C’est le tribunal de grande instance de Paris, où siège la juridiction de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme (JIVAT) qui doit être saisi. Le Fonds de Garantie procède alors au règlement sur la base de la décision rendue ». Le JIVAT est essentiellement sollicité dans des litiges opposant une victime au FGTI, quand elle considère que l’indemnisation proposée par ce dernier n’est pas à la hauteur. Selon Monsieur Pierre Delmas-Goyon, le président du conseil d’administration du FGTI, « C’est un juge du recours et de la compensation. Selon la loi, le Jivat appréciera l’offre d’indemnisation faite par le FGTI, une fois la victime reconnue comme telle. La personne pourra contester le montant de l’offre devant le Jivat mais pas son principe. […] Il est difficilement concevable, dans le cadre d’un attentat de masse, qu’aucune victime ne soit indemnisée par le FGTI avant que le Jivat décide qui est victime et qui il convient donc d’indemniser. Ce dernier raisonnera au cas par cas. Ce n’est donc pas lui qui déterminera le périmètre des victimes » (dans le Rapport d’information n°278 (2018-2019), déposé au Sénat le 30 janvier 2019 par la commission des finances sur la prise en charge financière des victimes du terrorisme : https://www.senat.fr/rap/r18-278/r18-278_mono.html ). Il serait possible, après un premier recours au JIVAT, de faire appel de la décision de ce juge : dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris, la famille d’une des victimes des attentats du Bataclan du 13 novembre 2015 a contesté le montant des indemnités proposées par le FGTI. Cet arrêt confirme que le JIVAT est compétent pour indemniser les victimes par ricochet d’attentats terroristes, et permet de démontrer ce que le JIVAT considère pour indemniser une victime. Dans cette affaire, la JIVAT a notamment dû se prononcer sur la somme tenant à l’action sur les souffrances endurées : « Pour allouer au titre des souffrances endurées par M. F N Q Y la somme de 100.000 €, la JIVAT a pris en compte les blessures dues aux quatre balles reçues par cette victime, les conditions de son évacuation, l’absence de traitement des lésions, le retentissement psychique des faits, la confrontation directe aux actions des terroristes, la mort de personnes autour de lui, le fait qu’il n’ait pas connu le sort des proches avec qui il se trouvait, l’impossibilité de s’enfuir, la détresse et l’angoisse dues à la conscience de sa mort inéluctable et des conséquences de celle ci pour ses proches » (Cour d’appel de Paris – Pôle 04 ch. 12, 21 avril 2022, n°21/00238). Le JIVAT permet donc aux victimes d’attentats terroristes de bénéficier d’une voie de recours, leur donnant la possibilité de contester le montant de l’indemnité allouée par le FGTI. Malgré le fait que ce juge ne statue pas sur le fond, se concentrant uniquement sur le montant des indemnités, il est possible qu’il ordonne des expertises médicales, entres autres, aux fins de déterminer le préjudice indemnisable. Il se penchera donc sur les circonstances spécifiques à l’affaire, et jugera au cas par cas.   Pour récapituler : Pour les victimes d’actes de terrorisme, ce qui change fondamentalement par l’apport de cette loi, c’est la compétence exclusive du Tribunal Judiciaire de Paris et non la CIVI lié au TJ de leur département.
  Qu’est-ce que la SARVI ? Créée par la loi n°2008-644 du 1er juillet 2008, la SARVI permet d’assurer l’indemnisation des victimes d’infractions après une décision du juge pénal : « Le juge pénal peut condamner l’auteur d’une infraction à payer à la victime des dommages-intérêts et une somme destinée à couvrir les frais engagés pour le procès. Lorsque la personne condamnée ne paie pas, la victime peut saisir le Service d’aide au recouvrement des victimes d’infraction (Sarvi) » (Aide aux victimes d’infraction pénale pour recouvrer les dommages et intérêts | Service-public.fr). La création de la SARVI répond au besoin d’encadrer l’indemnisation des victimes de « légers préjudices corporels ou certains dommages aux biens ».   Les victimes sont donc protégées, et peuvent saisir la SARVI si le condamné ne verse pas les indemnités, au lieu de forcer l’exécution de la décision de justice auprès de la personne condamnée, une situation qui peut s’avérer complexe (Livret-indemnisation-SARVI_AOUT2020_EP.pdf (fondsdegarantie.fr)).   Quel sera le montant de l’indemnisation allouée ? Il existe deux cas de figure à considérer dans le montant de l’indemnisation : Si la décision de justice a alloué à la victime une somme d’un montant inférieur ou égal à 1 000 euros: la victime sera payée intégralement. Si la décision de justice a alloué à la victime une somme d’un montant supérieur à 1 000 euros: la victime obtiendra en premier lieu 30% de la somme due (au minimum 1 000 euros, et au maximum 3 000 euros, d’après l’article L.422-7 du Code des assurances). La SARVI se chargera par la suite de rentrer en contact avec le condamné pour récupérer le reste des sommes mises à sa charge, et transmettra les sommes, qui peuvent être majorées d’une pénalité (article L.422-9 du Code des assurances) à la victime. Ces sommes seront transférées à la victime dans un délai de deux mois. Y-a-t-il un délai pour saisir la SARVI ? Il existe un délai de deux mois à respecter avant de saisir la SARVI, après que la décision ait été rendue définitive (une décision est définitive quand elle ne peut plus être contestée, que ce soit en interjetant appel, en formant opposition ou en formulant un pourvoi en cassation). La victime se doit aussi de respecter le délai maximal d’un an pour saisir la SARVI. Il faut donc saisir la SARVI au plus tôt deux mois après que la décision soit rendue définitive, et au plus tard un an après. Si la victime a déjà effectué une demande d’indemnisation à la CIVI (Commission d’indemnisation des victimes d’infractions), et que celle-ci l’a rejetée, il lui faudra attendre un an après la décision de rejet avant qu’elle puisse se diriger vers la SARVI. La procédure de saisine de la SARVI impose de fournir de nombreuses pièces, dont la liste peut être trouvée sur le site du Fonds de garantie : Livret-indemnisation-SARVI_AOUT2020_EP.pdf (fondsdegarantie.fr).   Cette procédure est intéressante et garantit aux victimes une indemnisation à hauteur de 3 000 euros, ce qui est une alternative intéressante lorsque la CIVI n’est pas compétente.
L’assistance bénévole n’exclut pas l’indemnisation de l’assistance par une tierce personne (1Civ, 22 mai 2019, n° 18-14.063) L’assistance par une tierce personne est un préjudice patrimonial destiné à indemniser la victime du coût de la présence nécessaire, de manière temporaire ou définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.   La question qui s’est posée était donc celle de savoir si la victime pouvait être indemnisée du chef de ce préjudice dans l’hypothèse où cette assistance a été effectuée de manière bénévole c’est-à-dire sans qu’aucune dépense n’ait été à la charge de la victime.   La Cour de cassation a répondu par l’affirmative dans un arrêt du 22 mai 2019. En l’espèce, après avoir reçu des soins orthodontiques, en 2007 et 2008, une femme exploitant un centre équestre a présenté différents troubles qui ont notamment entraîné une diminution de ses capacités professionnelles. Son mari lui a donc apporté une aide pour exploiter son centre équestre.   La Cour d’appel a refusé son droit d’être indemnisé sur le fondement de l’assistance par une tierce personne en considérant qu’elle n’a pas souffert personnellement d’une perte de revenus, que l’économie liée à l’assistance bénévole de son mari ne constitue pas un préjudice indemnisable.   La Cour de cassation quant à elle a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel en considérant que sans l’aide apportée par son époux, soit elle aurait dû exposer des frais pour bénéficier d’une assistance, soit elle aurait subi une perte de gains professionnels.   Ainsi, même si vous avez bénéficié d’une aide de manière bénévole, notamment par un membre de votre famille, vous pourrez être indemnisé sur ce fondement.    Comment est évalué ce préjudice ? Selon le référentiel Mornet, la rémunération de la tierce personne est calculée sur la base du taux horaire moyen de 16 à 25 € selon divers critères : la gravité du dommage, la spécialisation de la tierce personne, le lieu du domicile de la victime… Le calcul de cette indemnisation s’effectuera en fonction du nombre d’heures d’assistance et du type d’aide nécessaire (ex : assistance permanente, simple surveillance…).
La CIVI peut indemniser les victimes d’infraction malgré une décision de relaxe ou d’acquittement, dans certaines conditions, et peut indemniser la victime si celle-ci n’a pas mis en cause la CPAM devant la juridiction pénale   Le principe d’autonomie de la CIVI La CIVI (Commission d’indemnisation des victimes d’infractions) a pour rôle de faciliter l’indemnisation des victimes d’infractions, et leur garantir une réparation intégrale de leur préjudice, y compris si l’auteur des faits est inconnu ou insolvable (article 706-3 et suivants du Code de procédure pénale). Or, le tribunal correctionnel jugeant de la culpabilité d’une personne peut également être saisi de la réparation du préjudice par la victime. La victime d’infraction dispose donc de deux moyens d’obtenir réparation. La question se pose donc de connaitre le niveau d’indépendance entre ces juridictions. La jurisprudence a tranché cette question : ces deux juridictions sont autonomes (Cass. civ., 2ème civ., 18 juin 1986, n°84-17.283 ; Cass.civ., 2ème civ., 1er juillet 1992, n°91-12.662). Se pose dès lors la question du degré d’indépendance de la CIVI : la CIVI peut-elle indemniser une victime si une relaxe a été prononcée ? Quand est-il si la victime n’a pas mis la CPAM dans la cause devant la juridiction pénale ? Quid de la relaxe ou de l’acquittement ? La jurisprudence accorde une grande autonomie à la CIVI, en lui autorisant l’indemnisation des victimes d’infraction, y compris dans les cas de relaxe ou d’acquittement, selon les raisons de cette relaxe. En effet, la CIVI dispose d’un pouvoir souverain de caractérisation des infractions reprochées (Cass.civ., 2ème civ., 25 mai 2022, n°20-18.569). Cela signifie donc que la CIVI peut identifier des éléments constitutifs d’une infraction, et reconnaitre l’existence d’une infraction pénale, alors même que celle-ci n’a pas encore été reconnue par la juridiction pénale (notamment en cas de classement sans suite : Cass.civ., 2ème civ., 1er juillet 1992, n°91-12.662). La CIVI peut également caractériser une infraction dans le cas où un acquittement a été prononcé, si les éléments caractérisant cette infraction sont réunis (Cass.civ., 2ème civ., 11 juillet 1988, n°87-15.061). C’est notamment le cas lorsque l’acquittement a été prononcé pour manque de preuve (Cass.civ., 2ème civ., 8 février 2018, n°17-12.516). En l’espèce, un individu avait été blessé par une arme à feu, à l’occasion d’une altercation. Le prévenu, accusé de tentative de meurtre, était acquitté. La CIVI rejetait la demande de provision, validée par la Cour d’appel, au motif que le droit à indemnisation du requérant se heurtait à une contestation sérieuse du fait de l’acquittement. La Cour de cassation cassait cette décision au motif que : -la blessure par arme à feu n’était pas contestée, -l’acquittement était motivé par l’insuffisance de preuve, -la matérialité des faits n’était pas remise en cause par ces éléments. La Cour de cassation en concluait qu’il appartenait à la CIVI et à la Cour d’appel de chercher les éléments matériels caractérisant l’infraction, et ce alors même qu’un acquittement avait été prononcé. Il convient d’en conclure qu’un acquittement ou une relaxe pour insuffisance de preuve ne remet pas en cause l’existence de l’infraction, de sorte que la CIVI peut être amenée à caractériser l’infraction et indemniser la victime. Il convient également d’en conclure qu’un acquittement au motif que l’infraction n’a pas eu lieu ne pourrait donner lieu à indemnisation.   Quid de l’indemnisation de la CIVI si la CPAM n’a pas été mise en cause devant la juridiction pénale ? En cas de préjudice corporel, la victime a l’obligation de mettre la CPAM dans la cause afin d’obtenir réparation de son préjudice (article L.376-1, alinéa 8, du Code de la sécurité sociale). Cette mise en cause doit être réalisée au moins 10 jours avant l’audience. En cas de comparution immédiate, le Ministère public se charge de cette mise en cause. La Cour d’appel a dû répondre à la question suivante : si la CPAM n’a pas été mise en cause dans le cadre de l’audience pénale, la CIVI peut-elle malgré cela indemniser la victime ? La Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a jugé que cette indemnisation pouvait en effet avoir lieu (CA d’AIX EN PROVENCE, 20 décembre 2013, n°12/03526). En l’espèce, un individu avait été condamné pour violences volontaires sur une femme, qui se constituait partie civile mais n’avait pas mis en cause la CPAM devant la juridiction pénale. La requérante saisissait la CIVI aux fins d’être indemnisée. La Cour d’appel rappelait la possibilité pour la CPAM de demander l’annulation du jugement pénal et que la CIVI pouvait indemniser la victime alors même qu’elle n’avait pas mis la CPAM dans la cause devant la juridiction pénale. Il convient d’en conclure que l’absence de mise en cause de la CPAM n’a pas d’impact sur l’indemnisation de la CIVI, mais aurait pour conséquence l’annulation du jugement pénal en ses dispositions civiles si cette annulation est sollicitée.   Quid du recours du Fonds de garantie aux fins de remboursement ? Enfin, il convient de rappeler que la FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D’INFRACTIONS a une action subrogatoire contre l’auteur de l‘infraction, aux fins de remboursement. Concrètement, une fois que la CIVI ordonne l’indemnisation de la victime, le FONDS DE GARANTIE peut indemniser cette dernière en lieu et place de l’auteur. Puis, le FONDS se retourne contre l’auteur de l’infraction afin d’être remboursé de la somme versée à la victime. En ce sens, la Cour de cassation a rappelé que cette action du FONDS DE GARANTIE n’existe que s’il peut justifier que les victimes auxquelles il a versé une indemnisation ont souffert d’un préjudice découlant de l’infraction (Cass.crim., 24 novembre 2004, n°04-80.226). Ainsi, le FONDS DE GARANTIE ne pourra demander à l’auteur des faits le remboursement des indemnités versées s’il ne peut pas prouver que les victimes en ayant bénéficié ont bien souffert d’un préjudice découlant directement de l’infraction qui lui est reprochée.
Dans quelles circonstances mon indemnisation peut être réduite après un accident de la circulation ?   La loi Badinter de 1985 à créé un régime de réparation inégalitaire en fonction de la qualité de la victime. En effet, la faute de la victime n’est pas appréciée de la même manière selon qu’elle soit conductrice ou non d’un véhicule terrestre à moteur (ci-après « véhicule »).   Les victimes non conductrices d’un véhicule   Les victimes non conductrices d’un véhicule sont considérées comme des victimes privilégiées. En effet, la loi a posé un principe : « les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute ». Les piétons, cyclistes ou encore les passagers d’un véhicule sont concernés.   Néanmoins, il existe 2 exceptions. La faute de la victime peut lui être opposée :   Si elle a commis une faute inexcusable qui a été la cause exclusive de l’accident Lorsqu’elle a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi   La Cour de cassation admet strictement l’existence de ces hypothèses et visent notamment les situations où la victime a tenté de se suicider.   Il convient tout de même de préciser que dans certains cas, la faute de la victime ne peut jamais lui être opposée même si celle-ci a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi :   Lorsque la victime est âgée de moins de 16 ans ou de plus de 70 ans Lorsque, quel que soit son âge, la victime est titulaire, au moment de l’accident, d’un titre lui reconnaissant un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80 p. 100.   Les victimes conductrices d’un véhicule Lorsque la victime est conductrice d’un véhicule, sa faute peut lui être opposée et ainsi réduire voire exclure son droit d’être indemnisé.
La nouvelle qualification de la trottinette électrique retenue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 23 novembre 2017 À la suite de l’utilisation de plus en plus fréquente des trottinettes électriques, des questions se sont rapidement posées sur le plan juridique. En effet, de nombreux accidents ont été causés impliquant ce nouvel outil de déplacement. La question s’est donc posée de savoir si les trottinettes électriques devaient être soumises au régime de la loi Badinter de 1985.  La loi Badinter de 1985 facilite l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation dès lors qu’un véhicule terrestre à moteur est impliqué. Cependant, cette loi a créé un régime de réparation inégalitaire en fonction de la qualité de la victime et plus précisément, si la victime était conductrice ou non d’un véhicule au moment de l’accident.  Par un arrêt du 23 novembre 2017 (n°2017/887), la cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré qu’une trottinette électrique est considérée comme un véhicule terrestre à moteur dès lors qu’elle dépasse 6km/h. Le décret du 23 octobre 2019 a également affirmé qu’une trottinette électrique dépassant 6km/h doit être considérée comme un véhicule.   Quelles sont les conséquences d’une telle qualification ?   Pour les victimes conductrices d’une trottinette électrique ne dépassant pas 6km/h  Les victimes conductrices d’une trottinette ne dépassant pas 6km/h sont considérées comme des victimes non conductrices d’un véhicule et donc, comme des victimes privilégiées. En effet, la loi a posé un principe en son article 3 : « les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute ». Néanmoins, il existe 2 exceptions. La faute de la victime peut lui être opposée dès lors qu’elle a commis une faute inexcusable qui a été la cause exclusive de l’accident ou lorsqu’elle a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi. La Cour de cassation admet strictement l’existence de ces hypothèses et visent notamment les situations où la victime a tenté de se suicider. Il convient tout de même de préciser que dans certains cas, la faute de la victime ne peut jamais lui être opposée même si celle-ci a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi : Lorsque la victime est âgée de moins de 16 ans ou de plus de 70 ans Lorsque la victime est titulaire, au moment de l’accident, d’un titre lui reconnaissant un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80 p. 100. Dans cette hypothèse, aucune condition d’âge n’est exigée.   Pour les victimes conduisant une trottinette électrique dépassant 6km/h Lorsque la victime est conductrice d’une trottinette électrique dépassant 6km/h, elle est considérée comme étant conductrice d’un véhicule au sens de la loi Badinter. Ainsi, sa faute peut lui être opposée et ainsi réduire voire exclure son droit d’être indemnisé.
Deux infractions similaires mais différentes dans leurs caractéristiques et sanctions L’injure et la diffamation publiques sont deux infractions de presse régies par les articles 29 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Lorsqu’elles ne sont pas publiques, elles relèvent des dispositions du Code pénal. Selon l’article 23 de la loi de 1881, sont considérés comme publics les discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique. Il n’est pas toujours aisé de faire la distinction entre la diffamation et l’injure. Ainsi, il convient d’analyser quelles sont les différences entre ces deux infractions.   La diffamation   Définition de la diffamation   L’article 29 alinéa 1er de la loi de 1881 dispose que « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ». Pour être constitutive d’une diffamation, l’allégation ou l’imputation doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire. Autrement dit, une diffamation porte sur un fait qui peut être prouvé par l’auteur de l’allégation (Cass. crim, 3 déc. 1963 n°62-93.121 ; Cass. crim 14 février 2006 n°05-82.475 ; Cass. crim 16 mars 2004 n°03-82.828). Exemples de diffamation : « collaborateur » et « traître à la patrie » (Cass. crim 17 février 1949) ; « condamné de droit commun privé de ses droits civiques » (Cass. crim 18 janvier 1950) ; affirmer que l’auteur d’un viol, qui connaissait sa séropositivité « savait qu’il tuait » (TGI Paris 30 mai 1990) ; imputation à un journaliste d’avoir agi en porte-parole d’un ministre (Cass. ass. Plén, 25 février 2000 n°94-15.846).   Les sanctions de la diffamation   La diffamation publique   La diffamation publique commise envers les particuliers est punie d’une amende de 12 000 euros. En revanche, la diffamation est punie d’une amende de 45 000 euros : Lorsqu’elle est commise envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l’air et de l’espace, les corps constitués et les administrations publiques Lorsqu’elle est commise à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers le Président de la République, un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’Etat, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition. En outre, la diffamation est puni d’un an d’emprisonnement et/ou de 45 000 euros d’amende : Lorsqu’elle est commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée Lorsqu’elle est commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap. La diffamation non publique La diffamation non publique est une contravention punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 1re classe à savoir 38 euros (article R621-1 du Code pénal).   Les faits justificatifs Selon l’article 35 de la loi de 1881, la diffamation ne sera pas sanctionnée si l’auteur des propos apporte la preuve de la véracité des propos, sauf si l’allégation porte sur la vie privée de la victime. De même, si l’auteur des propos invoque l’exception de bonne foi, celui-ci pourra échapper à toute sanction sur le fondement de la diffamation.   Injure   Définition de l’injure Selon l’article 29 alinéa 2 de la loi de 1881, l’injure est « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». Autrement dit, l’injure est une expression outrageante qui ne peut pas faire l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire. Exemple d’injures : « traître » (Cass. crim 6 mars 1974 n°73-91.937) ;  « couard, homme vil, dont la pensée roule au niveau du caniveau » (Cass. crim 26 février 1985) ; « menteuse, incapable, incompétente » (Cass. crim 27 novembre 1997 n°96-85.094)  ; qualifier des policiers « d’assassins » (Cass. ass. Plén, 25 juin 2010 n°08-86.891).   Les sanctions de l’injure   L’injure publique L’injure publique est punie d’une amende de 12 000 euros. En revanche, elle est punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende : Lorsqu’elle est commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Lorsqu’elle est commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap. Lorsque les faits mentionnés aux 1 et 2 sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. L’injure non publique Tout comme la diffamation non publique, l’injure non publique est une contravention punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 1re classe, donc 38 euros (article R621-2 du Code pénal).   Les faits justificatifs L’auteur de l’injure peut invoquer l’excuse de provocation pour s’exonérer de toute responsabilité pénale. En revanche, l’excuse de provocation ne peut être invoquée que lorsque l’injure vise un particulier. A la différence de la diffamation, la preuve des faits pouvant justifier la vérité des propos allégués n’est jamais autorisée (Cass. crim 12 juillet 1971 n° 70-90.146).   Quelle qualification retenir lorsque les propos relèvent à la fois de la diffamation et de l’injure ? La Cour de cassation a considéré que si les propos forment un tout indivisible, la qualification de diffamation doit être retenue (Cass. crim 3 mai 1956 ; Cass. crim 25 février 2014 n° 13-80.826), le délit d’injure étant absorbé par celui de diffamation (Cass. crim 23 juin 2009 n° 08-88.016). Si les propos sont divisibles, l’auteur des faits pourra être poursuivi à la fois sur le fondement de la diffamation que sur le fondement de l’injure.   Le délai de prescription   L’article 65 de la loi de 1881 a mis en place un délai de prescription extrêmement court. En effet, la diffamation et l’injure publique se prescrivent par 3 mois révolus à compter du jour où elles ont été commises, ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuites. En revanche, lorsque la diffamation ou l’injure publiques sont discriminatoires (en raison de l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, à une nation, en raison du sexe, de l’orientation sexuelle…) le délai de prescription est d’une année. En ce qui concerne la diffamation et l’injure non publiques, elles se prescrivent par une année révolue à compter du jour où l’infraction a été commise (article 9 du Code de procédure pénale).
L’instruction, ou information judiciaire, est une procédure tenue secrète pour son bon déroulement, selon l’article 11 du Code de procédure pénale. La question se pose de savoir si la partie civile est tenue au secret de l’instruction ?   1.Définition de l’instruction judiciaire L’instruction est une enquête menée par le Juge d’instruction, sur demande du Procureur de la République, afin de déterminer l’existence d’une infraction et ses auteurs, et d’établir la vérité. L’instruction est obligatoire en matière de crime, et est facultative en matière de délit. En effet, la gravité des crimes justifie qu’un juge soit spécialement saisi pour réaliser cette enquête. Une fois tous les actes d’instruction réalisés, le Juge d’instruction peut décider de la suite à donner à la procédure : il peut saisir la juridiction de jugement ou rendre une ordonnance de non-lieu, c’est-à-dire ordonner l’arrêt des poursuites. C’est dans ce cadre que le Code de procédure pénale a instauré le secret de l’instruction.   2.Définition du secret de l’instruction L’article 11 du Code de procédure pénale prévoit que : « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l’article 434-7-2 du code pénal ». Cet article prévoit donc que toute divulgation sur des éléments de l’instruction est prohibée.   Viole par exemple le secret de l’instruction : Le fait de divulguer des informations issues de l’instruction à des journalistes : En l’espèce, un officier de police judiciaire avait communiqué à des journalistes des informations connus seulement d’eux (Cass.crim., 24 mars 2020, n°19-80.909), Le fait de prévenir une partie de l’instruction de mesures mises en place à son encontre : En l’espèce, une avocate avait prévenu un ami de son client, soupçonné de trafic de stupéfiants, qu’il était sur écoute. Elle a été condamnée à la peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et quatre mois d’interdiction d’exercer la profession d’avocat (https://www.leparisien.fr/paris-75/l-avocate-imprudente-a-ete-condamnee-13-12-2013-3403391.php), Le fait de divulguer au parent d’une partie de la procédure des informations issues de l’instruction : En l’espèce, un gendarme avait révélé à son médecin des éléments issues de l’information judiciaire, ce médecin étant la mère d’un mis en examen. Elle avait ainsi révélé à son fils ce qu’elle avait appris (Cass.crim., 10 décembre 2019, n°19-80.479).   La partie civile est-elle soumise au secret de l’instruction ? Avant 2021 La question se pose en ce que les actes d’instruction peuvent mettre en lumière des éléments, ou fournir des pièces utiles à la partie civile. Il arrive en effet régulièrement qu’une partie civile ait besoin de documents de nature pénale pour justifier par exemple de ses demandes d’indemnisation devant un juge civil. L’article 11 du Code de procédure pénale ne précisant pas les parties soumises au secret de l’instruction, la jurisprudence a éclairci cette question avant 2021. Cette dernière a considéré que la partie civile n’était pas soumise au secret de l’instruction (Cass.crim., 9 octobre 1978, n°76-92.075). Cette décision était confirmée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Cass.civ., 2ème civ., 21 janvier 1981, n°79-15.686). A l’occasion de cette dernière affaire, la Cour de cassation avait jugé que la partie civile pouvait utiliser des pièces de l’instruction au soutien de son affaire devant le Juge civil. Cette solution était encore confirmée par la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass.soc., 6 juillet 1994, n°90-43.640), comme la chambre commerciale (Cass.com., 7 janvier 1976, n°72-14.029). Selon ces jurisprudences, la partie civile était libre de communiquer toute pièce de l’information judiciaire. Cependant, ces solutions sont anciennes et le Code de procédure pénale a été modifié dans le sens d’une restriction des droits de la partie civile.   3.Depuis 2021 : La partie civile peut-elle aujourd’hui produire des pièces pénales pour une instance civile ? La réponse est désormais négative. En effet, le Code de procédure pénale a subi en 2021 deux modifications majeures faisant obstacle à cette jurisprudence ancienne : -l’article 114 du Code prévoit que : « Seules les copies des rapports d’expertise peuvent être communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense », -l’article 114-1 du Code a été modifié : « Sous réserve des dispositions du sixième alinéa de l’article 114, le fait, pour une partie à qui une reproduction des pièces ou actes d’une procédure d’instruction a été remise en application de cet article, de la diffuser auprès d’un tiers est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ». Ces articles prévoient dès lors que les parties civiles sont devenues de fait soumises au secret de l’instruction, pour ce qui concerne les pièces de la procédure. Elle reste cependant non soumise dans ses déclarations. Ainsi, une partie civile peut utiliser une expertise psychiatrique ou médicale réalisée dans le cadre de l’information judiciaire, aux fins de défense de ses intérêts dans une autre instance. Elle ne pourra cependant pas utiliser d’autres pièces de cette instruction.
Cass., crim, 23 mars 2004, n°03-87.854   Principe : l’impartialité   L’article 6§1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme affirme le droit à un procès équitable, se manifestant notamment par le caractère indépendant et impartial du tribunal :   « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle »   Cette disposition s’applique aux juridictions d’instruction et de jugement.   L’impartialité est appréciée subjectivement et objectivement, comme a pu le préciser la Cour Européenne des Droits de l’Homme (Hauschildt contre Danemark, 24 mai 1989, n° 10486/83) :   « L’impartialité doit s’apprécier selon une démarche subjective, essayant de déterminer la conviction personnelle de tel juge en telle occasion », et selon une démarche objective qui consiste à « se demander si indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier ».   Il s’agit d’une règle obligatoire à laquelle les juges peuvent déroger sous aucun prétexte.   L’arrêt du 23 mars 2004   En l’espèce, l’impartialité d’un juge d’instruction chargé d’une procédure a été remise en cause au motif que son conjoint, avocat, représentait le commissaire au redressement judiciaire de la société mise en cause, dans une autre procédure.   La Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel de Grenoble, estimant que si la procédure distincte est clôturée à la date de l’ouverture de l’information objet du pourvoi, l’impartialité du juge dans l’affaire objet du pourvoi n’est pas affectée. Donc, l’impartialité d’un juge ne sera considérée comme éventuellement compromise lors de conflit d’intérêt dans des procédures ouvertes.   L’application du principe d’impartialité   La Cour de cassation a régulièrement l’occasion de confirmer sa position en matière d’impartialité. Dans un arrêt du 6 mars 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé qu’est impartial le président de la chambre correctionnelle de la cour d’appel ayant prononcé une condamnation, qui se trouve également être le juge de l’application des peines dans le même dossier.
La peine d’interdiction du territoire français et la requête en relèvement   L’interdiction du territoire français est une peine particulière dont peut se servir le juge pénal en cas de crime ou de délit. Elle peut être temporaire (10 ans au plus) ou définitive, une peine principale ou complémentaire, et concerne un étranger résidant en France. L’étranger subissant cette peine a donc l’obligation de quitter le territoire français le temps de l’exécution de la peine. Il peut cependant rédiger une requête en relèvement de l’interdiction du territoire français. Cette requête doit être rédigée auprès du Procureur de la République du Tribunal, ou auprès du Procureur général près la Cour d’appel, ayant condamné l’étranger.   Il doit remplir plusieurs conditions : L’étranger doit résider hors de France lorsqu’il rédige cette requête : L’article L.641-2 du CESEDA prévoit en effet que :   « Il ne peut être fait droit à une demande de relèvement d’une interdiction du territoire que si le ressortissant étranger réside hors de France. Cette condition ne s’applique pas :1° Pendant le temps où le ressortissant étranger subit en France une peine d’emprisonnement ferme ;2° Lorsque l’étranger fait l’objet d’une décision d’assignation à résidence prise en application des articles L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 ».   L’étranger ne peut rédiger cette requête avant un délai de 6 mois suivant la condamnation : L’article 702-1 du Code de procédure pénale prévoit en ce sens, en son alinéa 3 : « Sauf lorsqu’il s’agit d’une mesure résultant de plein droit d’une condamnation pénale, la demande ne peut être portée devant la juridiction compétente qu’à l’issue d’un délai de six mois après la décision initiale de condamnation. En cas de refus opposé à cette première demande, une autre demande ne peut être présentée que six mois après cette décision de refus. Il en est de même, éventuellement, des demandes ultérieures. En cas d’interdiction du territoire prononcée à titre de peine complémentaire à une peine d’emprisonnement, la première demande peut toutefois être portée devant la juridiction compétente avant l’expiration du délai de six mois en cas de remise en liberté. La demande doit être déposée au cours de l’exécution de la peine ».   Il doit pouvoir justifier des lieux où il a résidé depuis sa condamnation ou sa libération : L’article 703 du Code de procédure pénale prévoit que le demandeur :   « précise la date de la condamnation ainsi que les lieux où a résidé le requérant depuis sa condamnation ou sa libération ».   Il convient de préciser que des éléments de personnalité devront être rassemblés pour appuyer la requête (santé, famille, travail, formation, absence de nouveaux de nature pénale depuis la condamnation …).   En somme, il convient de réaliser une forme de CV du demandeur, qui pourra justifier de ses résidences et activités, et de sa nécessité de faire relever l’interdiction du territoire.