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L’affaire CAHUZAC: un ancien ministre du Budget condamné à une peine de prison aménageable pour fraude fiscale et blanchiment d’argent   En Décembre 2012, Monsieur Jérôme CAHUZAC est accusé par le journal en ligne MEDIAPART d’avoir possédé des fonds non déclarés sur des comptes en SUISSE et à SINGAPOUR. Après avoir démenti avec force tant devant les médias que devant l’Assemblée Nationale, celui-ci finit par reconnaître les faits et démissionne de son poste de Ministre du Budget le 2 Avril 2013. Il sera logiquement mis en examen pour fraude fiscale et blanchiment d’argent de fraude fiscale. Le 8 Décembre 2016, il va être condamné en première instance à trois ans de prison ferme et à cinq ans d’inéligibilité. Cette condamnation lui interdisant de demander un aménagement de peine pour toute la durée de la peine, celui-ci devait inévitablement aller faire un tour par la case prison. C’est très certainement pour cette raison que Monsieur Jérôme CAHUZAC décida d’interjeter appel de la condamnation, ce qui en a suspendu l’exécution et lui a permis de rester libre jusqu’à ce jour. Devant la Cour d’Appel, le 20 Février 2018, l’avocat général Jean-Christophe MULLER, a requis la confirmation du jugement de première instance, par des mots durs, laissant penser que Monsieur Jérôme CAHUZAC devait être un exemple : « En définitive, vous serez une jurisprudence », ajouta-t-il. Lors de cette même audience, Maître DUPOND-MORETTI avait même accepté l’idée d’aggravation de la peine tout en exhortant la Cour de ne pas envoyer son client en prison : « Je ne demande pas la lune, je vous demande même d’aggraver la peine, mais je vous supplie de ne pas l’envoyer en prison. La sanction sociale répond déjà à la peine ». Le 15 Mai 2018, Monsieur Jérôme CAHUZAC a été condamné à quatre ans de prison dont deux avec sursis, 300 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale. Cette décision semble, de prime abord plus sévère que la décision de première instance, mais en réalité, celle-ci devrait permettre à Monsieur Jérôme CAHUZAC d’éviter l’incarcération, l’une de ses plus grandes peurs comme il a pu le souligner lors du procès. Même si la Cour n’a pas prononcé d’aménagement de peine ab initio, avant la mise à exécution de la peine, il est désormais possible pour lui de saisir un Juge de l’application des peines dans le but d’en demander l’aménagement. En effet, dès lors que la peine d’emprisonnement ferme est inférieure à deux ans (ou un an en cas de récidive légale), et lorsque le condamné présente des garanties suffisantes en termes de réinsertion et de prévention de la récidive, le juge d’application des peines peut décider que la peine d’emprisonnement s’effectuera sous un régime différent, à savoir la semi-liberté, le placement sous surveillance électronique ou le placement à l’extérieure. Dans le cas de Monsieur Jérôme CAHUZAC, la finalité est d’obtenir le placement sous surveillance électronique. Cette décision semble allée à l’encontre de la politique que souhaitais mener le Président de la République, Emmanuel MACRON. En effet, ce dernier, lors de son discours sur la « refondation pénale » du 6 mars 2018, disait vouloir rompre avec l’hypocrisie collective menant à prononcer des peines pour les aménager par ailleurs. Dans cette décision, la Cour aggrave en appel le quantum de la peine pour mieux « faire passer », dans l’opinion public l’assouplissement qui va être accordé par la suite, et ne prend pas le risque de l’accorder elle-même.
Un juge d’instruction ne peut recommencer un interrogatoire en raison d’un défaut d’enregistrement sans empiéter sur les pouvoirs de la chambre de l’instruction (Cass. crim, 19 sept. 2017, n°17-81.016) En l’espèce, une information judiciaire a été ouverte à l’encontre d’un individu après la découverte de 900 pieds de cannabis. Le juge d’instruction a procédé à un interrogatoire de première comparution. Constatant que celui-ci n’avait pas été enregistré alors que des faits criminels avaient été notifiés, le magistrat instructeur a procédé à un nouvel interrogatoire de première comparution. Le mis en examen a donc formé une requête en annulation des actes de la procédure. En matière criminelle, en vertu de l’article 116-1 du Code de procédure pénale, il est obligatoire de procéder à un enregistrement audiovisuel des interrogatoires réalisés dans le cabinet du juge d’instruction, y compris l’interrogatoire de première comparution des personnes mis en examen. La Cour de cassation s’est prononcée à plusieurs reprises sur les conséquences du défaut d’un tel enregistrement. Tout d’abord, cette obligation destinée à préserver les droits du mis en examen en permettant notamment de vérifier ce qu’il aurait pu dire au cours de cet interrogatoire a une importance particulière. En effet, pour obtenir l’annulation d’un acte, le non-respect de la formalité légale ne suffit pas. Il est nécessaire de démontrer l’existence d’un grief causé à l’intéressé. Or, pour le non-respect de cet enregistrement audiovisuel, la Cour de cassation a précisé qu’il « porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ». Le mis en cause n’a donc pas besoin de démontrer l’existence d’un grief, celui-ci est présumé et ceux, même s’il a fait usage du droit de se taire (Cass. crim 3 mars 2010 n°09-87.924 ; 22 juin 2016 n° 15-87.752). Ensuite, dans le cadre d’une information judiciaire, seule la chambre de l’instruction est compétente pour recevoir et déclarer un acte nul. La question qui se posait était donc celle de savoir si le juge d’instruction pouvait réaliser un second interrogatoire de première comparution pour se conformer à cette obligation légale ou ce second enregistrement reviendrait à déclarer le premier acte nul sans aucune décision de la chambre de l’instruction ? La Cour de cassation s’est prononcée en considérant que « le juge d’instruction ne saurait, sans excès de pouvoir, recommencer un interrogatoire de première comparution qu’il estime entaché d’irrégularité ; qu’en procédant ainsi, il empiète sur les attributions de la chambre de l’instruction, seule compétente, pendant l’information judiciaire, pour en apprécier la régularité, sous le contrôle de la Cour de cassation ». Ainsi, même si le juge d’instruction s’est aperçu après avoir réalisé cet interrogatoire que celui-ci était irrégulier, il ne pouvait procéder à un second interrogatoire destiné à se substituer au premier sans qu’une décision de la chambre de l’instruction ait déclaré cet acte nul.
La nécessité pour le juge de motiver la peine prononcée en la justifiant par rapport aux faits et à la personne Cass.crim., 1er février 2017, n°15-84.511   Le Code pénal a instauré une obligation pour le juge de motiver la peine prononcée en la justifiant par rapport aux faits et à la personnalité, car il est existe un grand nombre de peines applicables ainsi que le principe d’individualisation de la peine.   Le juge a donc un large choix dans la peine applicable et doit pouvoir en justifier.   Fonctions de la peine et types de peine   La peine a deux fonctions principales selon le Code pénal (article 130-1) : la sanction et l’insertion/réinsertion.   Ces fonctions ont pour objectifs d’assurer la protection de la société, éviter la récidive ou la commission de nouvelles infractions, et restaurer l’équilibre social.   Un équilibre doit être trouvé dans la sanction, qui doit être suffisamment sévère pour éviter la récidive, mais ne doit pas non plus être excessivement sévère pour favoriser la réinsertion.   A cette fin, le Code pénal met à disposition des magistrats un large choix de peines :   -les peines criminelles sont constituées par une détention criminelle ou réclusion criminelle de dix ans à la perpétuité, mais peuvent également être accompagnées d’une amende (articles 131-1 et suivants du Code pénal) ;   -les peines délictuelles sont constituées par l’emprisonnement, la détention à domicile sous surveillance électronique, le travail d’intérêt général, l’amende, le jour-amende, les peines de stage, les peines restrictives ou privatives de droits et la sanction-réparation (articles 131-3 et suivants du Code pénal) ;   -les peines contraventionnelles sont constituées par l’amende, les peines restrictives ou privatives de droits, ainsi que la sanction-réparation (articles 131-12 et suivants du Code pénal).   Le magistrat peut également appliquer des peines complémentaires (articles 131-10 et suivants du Code pénal), ainsi que des aménagements de peine ab initio, c’est-à-dire dès le jugement.   Afin de l’aider dans le choix de la peine, le Code pénal prévoit le principe de l’individualisation de la peine.   Principe d’individualisation   L’article 132-1 du Code pénal prévoit que :   « Toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée ».   Ce principe signifie que la peine doit être ordonnée au regard de la personnalité de l’auteur de l’infraction mais pas seulement.   En effet, le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises que ce principe signifie la prise en considération de la personnalité de l’auteur, mais également des circonstances propres à chaque cas d’espèce, afin de ne pas faire obstacle au principe d’une répression effective des infractions (Conseil constitutionnel, décisions des 20 janvier 1981 et 9 aout 2007, DC n°80-127 et n°2007-554 ; décision QPC du 16 octobre 2015, n°2015-493).   En ce sens et en ce qui concerne la peine d’emprisonnement, l’article 132-19 du Code pénal prévoit une échelle de sévérité :   « Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine d’emprisonnement ferme ou assortie en partie ou en totalité du sursis pour une durée inférieure à celle qui est encourue. Elle ne peut toutefois prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois. Toute peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate. Dans ce cas, si la peine est inférieure ou égale à six mois, elle doit, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, faire l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues à l’article 132-25. Dans les autres cas prévus au même article 132-25, elle doit également être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle. Le tribunal doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale conformément aux dispositions de l’article 464-2 du code de procédure pénale ».   Le juge n’a donc aucune obligation de prononcer une peine d’emprisonnement, il peut choisir d’appliquer une autre peine.   Il peut donc : -appliquer une autre peine que l’emprisonnement, -si cela semble inadapté aux faits et à la personnalité de l’auteur, il peut appliquer une peine d’emprisonnement avec sursis, -si cela n’est encore pas adapté, il peut appliquer un aménagement de peine, -et en dernier recours, il peut appliquer une peine d’emprisonnement ferme.   Ce choix doit être motivé.   Ce principe d’individualisation de la peine existe également pour la peine d’amende, qui peut varier en fonction des revenus et des charges de l’auteur (article 132-20 du Code pénal).   La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler ce principe dans un arrêt du 1er février 2017.   L’arrêt du 1er février 2017   En l’espèce, le maire d’une commune était condamné pour provocation à la discrimination, à la haine et à la violence à une peine d’amende de 10.000 euros et un an d’inéligibilité.   En effet, à l’occasion d’une réunion publique, il déclarait « Je vous rappelle quand même que les gens du voyage, que dis-je, les Roms, m’ont mis neuf fois le feu. Neuf fois des départs de feux éteints par le SDIS dont le dernier, ils se le sont mis eux-mêmes. Vous savez ce qu’ils font : ils piquent des câbles électriques et après ils les brûlent pour récupérer le cuivre et ils se sont mis à eux-mêmes le feu dans leurs propres caravanes. Un gag ! Ce qui est presque dommage, c’est qu’on ait appelé trop tôt les secours ! Mais je ne l’ai pas dit, je ne l’ai pas dit. Non mais parce que les Roms, c’est un cauchemar, c’est un cauchemar ».   Le requérant interjetait appel de cette décision, remettant en question la peine d’inéligibilité.   La Cour d’appel confirmait sa condamnation, au motif qu’il s’agissait d’un homme politique, maire de sa commune depuis 13 années, et que sa mission était d’assurer la sécurité de toutes les personnes se trouvant sur sa commune. A cela s’ajoutait la gravité des propos et la personnalité de l’auteur.   Le requérant formait un pourvoi en cassation, et soulevait les moyens suivants : -il avait fait usage de sa liberté d’expression dans le cadre d’un débat d’intérêt général, -la peine d’inéligibilité aurait un effet dissuasif sur les débats, -la peine d’inéligibilité n’était pas nécessaire, n’était pas proportionnée et n’était pas individualisée.   La Cour de cassation confirmait la décision de la Cour d’appel.   En premier lieu, la peine doit être justifiée au regard de la gravité des faits, de la personnalité de l’auteur et de sa situation personnelle, ce qui était le cas en l’espèce.   En second lieu, la peine était proportionnée ainsi que l’atteinte à sa liberté d’expression.   En conclusion : Si votre jugement n’est pas suffisamment motivé, vous pouvez interjeter appel ou former un pourvoi en cassation pour violation de l’article 132-1 du Code pénal.