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Préjudice des victimes directes : l’incidence professionnelle   CE, 27 mai 2021, n°431557 L’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) est un établissement public chargé d’organiser l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, sans passer par une procédure en justice. Dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 27 mai 2021, le Conseil d’Etat a rappelé que la victime d’un accident médical doit être indemnisé des pertes de revenus actuelles et futures liées à son activité. Mais il ajoute aussi que l’incidence professionnelle doit prendre en compte dans le calcul de l’indemnisation le manque de bénéfices relationnels et sociaux. Il était question ici d’un plombier ne pouvant plus exercer son activité suite à une vaccination lui ayant causé une incapacité de travail, ce qui lui donnait droit à indemnisation.
Décision en matière de dommage corporel : lien de causalité entre un préjudice moral d’un enfant conçu après les faits et le décès d’un proche   Cass, civ.2, 11 mars 2021, n°19-17.384 Dans un arrêt du 11 mars 2021, la Cour de cassation rappelle l’importance de caractériser un lien de causalité entre le préjudice moral invoqué par une victime conçue après les faits et le décès d’un proche. En l’espèce, la victime est née trois ans après le décès de sa sœur, qu’elle n’a donc jamais connue. Cette dernière demande l’indemnisation d’un préjudice d’affection lié à la disparition de sa sœur dont le traumatisme est entretenu dans la famille. Les juges ont ainsi eu l’occasion de préciser que l’indemnisation du préjudice moral d’une victime n’est possible qu’à condition que celle-ci soit conçue au moment des faits. Il n’y a donc pas de lien de causalité entre le préjudice moral d’une victime conçue plusieurs années après les faits et le décès d’un proche. Au regard des circonstances, la victime n’a donc pu obtenir d’indemnisation.
« Le secret médical ne peut constituer un obstacle légitime à la présence de l’avocat »   CA Grenoble, 30 janvier 2024, n°23/01786   Le secret médical protège les informations médicales d’une personne. Les professionnels de santé ont donc l’obligation de ne pas divulguer les informations médicales d’un patient. Le patient n’est cependant pas soumis à ce secret médical. Seul le patient peut donc librement disposer de son droit au secret médical, en choisissant les personnes pouvant avoir accès à ses informations médicales.   En l’espèce, une expertise médicale devait avoir lieu à la suite d’un accident au cours duquel une femme avait été percutée à l’épaule par un parasol ayant été projeté par le vent, alors qu’elle se trouvait au bord de la piscine d’un centre de vacances. Pour évaluer le préjudice indemnisable de la victime, une expertise médicale a été organisée. L’ordonnance du juge des référés prévoyait que l’examen clinique de la victime ne devrait se dérouler qu’en présence du médecin expert désigné.   Aucune disposition légale n’interdit la présence de médecins-conseils et d’un avocat aux côtés de la victime. Dès lors, il est possible que ces derniers assistent à l’expertise médicale à condition que la victime demande expressément leur présence, et que cela ne trouble pas le bon déroulement de l’examen.   La cour d’appel de Grenoble a infirmé l’ordonnance du juge des référés en précisant que la victime peut solliciter la présence de son avocat lors d’une expertise médico-légale.
Est considéré comme un préjudice corporel le préjudice dont une victime d’agression sexuelle se prévaut. Dès lors, le délai de prescription court à compter de la date de consolidation de l’état de la victime, et non à partir de la date des faits.   Cass., civ. 2, 7 juillet 2022, 20-19.147   La Cour de cassation a eu l’occasion d’apporter des précisions concernant le délai de prescription applicable en matière de préjudice corporel causé par des faits de violence ou d’agression sexuelle sur un mineur. Il s’agissait ici d’un individu ayant principalement assigné un membre de la direction d’un établissement d’enseignement scolaire lui ayant fait subir des viols et agressions sexuelles lorsqu’il était collégien de 1972 à 1975, alors qu’il était collégien, et donc mineur. La victime a débuté en octobre 1989 une psychothérapie, justifiant la conscience de la gravité des dommages subis et la nécessité d’y remédier. La Cour de cassation, dans sa décision, a jugé que la date de consolidation du dommage devait être vérifiée pour que le délai de prescription commence à courir. En l’espèce, les juges ont considéré que le délai de prescription commençait à courir en octobre 1989, date de la psychothérapie consolidant le dommage, et ce pour vingt ans. La cour d’appel avait estimé que le délai de prescription ne courait que pour dix ans. Pour rappel, lorsque le dommage est causé par des violences ou des agressions sexuelles commises à l’encontre d’un mineur, le délai de prescription est porté à vingt ans au lieu de dix ans, et ce à compter de la majorité de la victime.  
La nomenclature Dintilhac   La nomenclature Dintilhac est une liste de préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux indemnisables. Elle permet d’évaluer la réparation d’une infraction ayant causé des dommages corporels à une victime. Elle est organisée par postes de préjudices, pour lesquels la jurisprudence est abondante. Elle a été établie par un groupe de travail créé spécialement à cette fin, et présentée au garde des Sceaux le 28 octobre 2005. Cette nomenclature permet de clarifier les règles relatives aux indemnités versées aux victimes directes ou indirectes, et prévient les indemnisations de plusieurs faits appartenant au même poste de préjudices. L’objectif est d’être le plus juste possible en matière d’indemnisation. Cette nomenclature n’a pas de valeur légale, ni de force obligatoire et n’est pas exhaustive, mais est désormais reconnue en pratique, que ce soit par les juges que par les fonds d’indemnisation ou de garantie notamment.   Le 23 mars 2022, la Cour de cassation a modifié la nomenclature Dintilhac en reconnaissant l’autonomie du préjudice d’angoisse de mort imminente ainsi qu’en insérant à la liste des préjudices indemnisables le préjudice d’attente et d’inquiétude. (Cass., ch. Mixte, 23 mars 2022, n°20-17.072 et n°20-15.624)
La victime en état végétatif chronique, à la suite d’un manque de surveillance de la part de l’anesthésiste, a droit à la réparation intégrale de son préjudice.   Cass., crim., 15 janvier 2019, n°17-86.461   Dans un arrêt du 15 janvier 2019, la Cour de cassation a rappelé l’importance de réparer intégralement le préjudice subi par une victime en état végétatif chronique. En l’espèce, une femme a été hospitalisée en clinique pour deux opérations courantes. Alors qu’elle était sous anesthésie générale, l’anesthésiste s’était absentée, et la sonde endotrachéale s’était déconnectée. La patiente s’est donc retrouvée en anoxie cérébrale prolongée, ce qui a eu pour conséquence un état végétatif chronique. L’incapacité permanente partielle a été évaluée par l’expertise médicale à 99%. La victime demandait une indemnisation de 50 000 euros au titre des souffrances endurées. L’anesthésiste contestait ce poste d’indemnisation au motif que la victime était placée sous anesthésie générale puis sous coma artificiel, ce qui impliquait l’absence de douleurs physiques.   La Cour de cassation a retenu la responsabilité de l’anesthésiste pour faute grave car ladite anesthésiste a exposé la victime à « un risque d’une particulière gravité, inhérent à toute anesthésie générale, que tout médecin anesthésiste ne peut ignorer de par sa formation ». Elle a donc contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage. Quant à l’indemnisation du préjudice, la Cour de cassation a appliqué la jurisprudence constante en la matière, rendue aussi bien par le Conseil d’Etat que la Cour de cassation, en rappelant que l’état végétatif chronique de la victime d’un accident n’exclut aucun chef d’indemnisation ; son préjudice doit donc être réparé intégralement.   Cet arrêt démontre l’importance de la prise en compte la responsabilité des médecins dans les accidents médicaux. La victime subit la faute du médecin ainsi que l’état végétatif dans lequel elle se trouve, et doit pouvoir être indemnisée de l’intégralité de son préjudice, peu important que la victime soit consciente de son état ou non. La Cour de cassation rappelle donc ici une jurisprudence qui, bien que constante, ne cesse d’être remise en cause.
Le préjudice d’agrément   Le préjudice d’agrément peut être défini comme le préjudice subi par une victime d’un dommage corporel en raison de la perte partielle ou totale de sa capacité à pratiquer des activités de la vie courante (sport, loisirs, …).   La Cour de cassation a eu l’occasion de différencier le préjudice d’agrément et le préjudice de déficit fonctionnel temporaire. Pour caractériser le préjudice d’agrément, il est nécessaire de justifier d’une « impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs », et ce de manière permanente. La perte d’une qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante relève du poste de préjudice nommé déficit fonctionnel temporaire. (Cass., civ. 2e, 28 mai 2009, n°08-16.829)   Par exemple, est indemnisable sous le poste de préjudice d’agrément le fait pour une victime d’un accident de moto de ne plus pratiquer ce loisir, non pas en raison d’une impossibilité fonctionnelle, mais suite à un impact psychologique l’en empêchant. (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 juillet 2018, 16-21.776)   La nomenclature Dintilhac n’envisage que le préjudice d’agrément permanent. Selon la jurisprudence, le préjudice d’agrément temporaire est inclus dans le déficit fonctionnel temporaire. (Cass., civ 2e, 5 mars 2015, n°14-10.758)    
Cass., civ 2e, 16 septembre 2021, n°19-26.014 Dans un arrêt du 16 septembre 2021, la Cour de cassation a pu se prononcer sur l’importance du lien de causalité entre l’apparition de symptômes liés à un syndrome du défilé thoraco-cervico-brachial et un accident de la circulation, aux fins d’indemnisation du préjudice de la victime.   En l’espèce, une femme a été victime d’un accident de la circulation. A la suite de cet accident, la victime s’est vue diagnostiquer un syndrome thoraco-cervico-brachial nécessitant une intervention chirurgicale. Une expertise judiciaire avait écarté le lien de causalité entre l’accident et la décompensation du syndrome, mais n’expliquait pas les raisons de l’apparition du syndrome après l’accident.   La Cour de cassation a jugé que, lorsque les symptômes d’un syndrome thoraco-cervico-brachial, jusqu’alors asymptomatique, ou tout du moins non douloureux pendant trente-six ans, apparaissent plusieurs mois après un accident de la circulation, ledit syndrome ne peut être que la conséquence directe de l’accident puisque ces symptômes ont été révélés par le fait dommageable. Cela donne ainsi lieu à une réparation intégrale du préjudice subi par la victime.
Evaluation du préjudice économique d’un enfant résultant du décès d’un de ses parents Cass., civ. 2, 19 janvier 2023, n°21-12.264 Dans un arrêt du 19 janvier 2023, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser les modalités d’évaluation du préjudice subi par un enfant suite au décès d’un de ses parents. En effet, la Cour de cassation a appliqué le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, et la nomenclature Dintilhac selon laquelle, en cas de décès de la victime directe, le préjudice économique est évalué en fonction des revenus annuels des parents avant le décès, en tenant compte de l’autoconsommation de chacun et des charges fixes de leurs foyers respectifs, et de la part des revenus du parent survivant pouvant être consacrée à l’enfant. Il était question ici d’une mère de famille, divorcée du père de ses enfants, ayant été victime d’un assassinat. Un de ses enfants a saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions pour obtenir indemnisation de son préjudice économique lié à la perte du revenu que lui procurait sa mère. Or, le fonds saisi contestait l’évaluation du préjudice économique de l’enfant ayant été indemnisé. En effet, la CIVI du tribunal de grande instance de Grasse avait alloué à l’enfant la somme de 21.083,46 euros en réparation du préjudice économique lié au décès de sa mère. Or, les revenus perçus par l’enfant provenaient de l’obligation alimentaire du père en vertu de l’obligation d’entretien et d’éducation.