Articles de blog




Il n’est pas possible de contraindre la partie civile à comparaître devant la juridiction correctionnelle.   Cass., crim., 4 avril 2024, n°22-80.417   Le droit à un procès équitable Le droit à un procès équitable est un droit fondamental garanti à toute personne dans le cadre d’une procédure judiciaire. Ce droit est inscrit dans la Convention Européenne des Droits de l’Homme à l’article 6, qui dispose : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »     L’arrêt du 3 mai 2024 mettant l’accent sur la comparution de la partie civile En l’espèce, une personne a déposé plainte pour agression sexuelle sur personne dont la particulière vulnérabilité, due à une déficience physique ou psychique, était apparente ou connue de son auteur. Le prévenu a été condamné par le tribunal correctionnel à deux ans d’emprisonnement avec sursis probatoire. Le prévenu ainsi que le ministère public ont fait appel de la décision à titre incident. La partie civile, quant à elle, a formé appel incident sur les dispositions civiles. Il convient de préciser que la victime, citée à comparaître comme témoin des faits, ne s’est présentée ni à la confrontation, ni aux audiences, malgré les convocations, par peur, et au vu de son lourd handicap et du traumatisme causé par les faits. En l’occurrence, cela posait problème dans le cadre du respect du droit de la partie en défense à un procès équitable. En effet, au regard de l’article 6, §3, d) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, il doit être possible d’interroger les témoins dans le cadre d’un procès. Les poursuites reposant essentiellement sur les déclarations de la partie civile, il semblait nécessaire que celle-ci se présente. Toutefois, et comme la Cour de cassation le rappelle, aucune disposition du code de procédure pénale ne permet de contraindre la partie civile à comparaître devant la juridiction correctionnelle. Dès lors, les juges doivent rechercher les moyens qu’il est possible de mettre en œuvre afin de confronter les parties, et par conséquent respecter le droit au procès équitable dans son ensemble, ainsi que de vérifier que l’absence de la partie civile soit bien justifiée par une excuse légitime.   La Cour de cassation, dans cet arrêt, applique en droit interne la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme qui précise que les juges doivent rechercher tous les moyens possibles pour assurer une confrontation entre la victime et le prévenu (CEDH, 10 avril 2012, Tseber c/ République Tchèque, n°46203/08).   La nécessité d’un motif légitime d’absence de comparution à l’audience Cette décision met l’accent sur l’importance pour la partie civile d’apporter la preuve d’un motif légitime justifiant son absence à l’audience. La présence de la partie civile apparait nécessaire dès lors qu’elle a connaissance des faits en détails, ce qui paraît utile pour le juge dans le cadre de la décision qu’il a à prendre par la suite. En l’espèce, la partie civile n’avait pas apporté de preuves du handicap de la victime ni du traumatisme lié aux faits. Les juges auraient dû ordonner une expertise aux fins de vérifier l’état de santé de la victime. L’excuse légitime aurait ainsi pu être appréciée par les juges au regard de la situation physique et psychologique de la victime.
Le préjudice doit être certain pour être indemnisé. Ainsi un préjudice éventuel futur ne peut pas être indemnisé. Mais ce principe est complété par celui de la perte de chance. La perte de chance est la disparition certaine d’une éventualité favorable à la victime. On indemnise ici la perte de l’opportunité et non le gain qui aurait été procuré par cette opportunité si elle s’était réalisée. En pratique, le chiffrage de cette indemnisation est réalisé ainsi : le juge prend en compte le total des gains qui auraient pu être obtenus, et y applique un coefficient réducteur. La perte de chance peut être envisagée dans de nombreux cas, lorsqu’un élément futur devient impossible. Mais elle n’est pas toujours admise par la jurisprudence. En effet, en raison du principe de réparation intégrale, il y a lieu à vérifier si la chance perdue est bien certaine, et pas déjà comprise dans un autre poste d’indemnisation.   La perte de chance professionnelle   Après la consolidation, plusieurs postes de perte de chances professionnelles peuvent être indemnisés. Tout d’abord, on peut indemniser l’absence de salaire d’une victime étant en recherche d’emploi avant la survenance du dommage. Ainsi on peut estimer qu’elle aurait trouvé un emploi et que le dommage à générer une perte de chance de ces revenus. Ensuite, lors d’un dommage affectant la capacité à travailler, l’employé peut être indemnisé de la perte des gains futurs. Certains employés ont demandé une indemnisation indépendante, au titre de la perte de chance de gains. Cela visait la perte de chance d’une promotion, qui aurait engendré des revenus supérieurs. Mais la position de la Cour de cassation sur l’autonomie de cette indemnisation, n’est pas stable. Si elle a parfois admis cette indemnisation, elle l’a d’autres fois rejetée, au motif que cette perte était indemnisée par celle des gains futurs. C’est particulièrement le cas lorsque l’indemnisation se fait en l’état de rente, qui peut être majorée.   Cour de cassation – Deuxième chambre civile, 1 février 2024 (n° 22-11.448) : « La victime ne démontrait pas que, lors de l’accident, elle présentait des < chances > de promotion < professionnelle, à défaut de se prévaloir d’une formation ou d’un processus de nature à démontrer l’imminence ou l’annonce d’un avancement dans sa carrière ou encore d’une création d’entreprise. »     La perte de chance de réussite d’un concours   Il a pu être indemnisé la perte de chance de réussir un concours, pour un participant admissible aux écrits. La responsabilité de l’Etat avait été retenue. En l’espèce, le participant avait atteint l’âge limite, il n’aura donc pas pu reparticiper au concours. Cour administrative d’appel de Marseille 23 novembre 1999 : « compte tenu de cette circonstance et de la perte d’une chance sérieuse d’admission définitive, l’intéressé justifie d’un préjudice anormal et spécial »   La perte de chance de vie   Peut-on indemnise la perte de la chance de vivre ? C’est une question qui a été posée à la Cour de cassation en 2013. Le tribunal de 1ère instance avec octroyé environ 200 000 euros aux héritiers de la victime, décédée, pour perte de chance de vie. La Cour d’appel avait annulé cette décision, au motif que le droit de vivre en bonne santé pour une durée déterminée n’était pas un droit patrimonial, compte tenu des aléas de la vie. Le demandeur au pourvoi soutenait alors que l’aléa est un élément de la perte de chance qui n’empêche pas l’indemnisation. Mais la Cour de cassation dans un arrêt du 26 mars 2013, par la chambre criminelle, confirme l’arrêt de la Cour d’appel. Elle explique que « aucun préjudice résultant de son propre décès n’a pu naître, du vivant de la victime, dans son patrimoine et être ainsi transmis à ses héritiers ». Ainsi, pour que le préjudice de perte de chance de vie puisse être transmis aux héritiers du défunt, il faut que celui-ci existe dans le patrimoine de la victime, lors de sa vie. Mais puisque la perte certaine de chance de vie nécessite la mort, ce préjudice ne peut pas avoir exister dans le patrimoine de la victime, de son vivant. Il ne peut donc pas être transmis aux héritiers, et indemnisé.     Ainsi l’appréciation de la perte de chance est faite au cas par cas, in concreto, par la Cour de cassation et les juridictions, afin d’assurer la réparation intégrale des victimes, sans pertes ni gain.
Cass. Crim., 14 mai 2019, n°18-85.399 La conduite sous l’empire d’alcool est prévue par le code de la route à l’article L. 234-1. L’état alcoolisé est caractérisé par la présence d’un taux d’alcoolémie dans le sang ou dans l’air expiré supérieur au taux légal. « Même en l’absence de tout signe d’ivresse manifeste, le fait de conduire un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,80 gramme par litre ou par une concentration d’alcool dans l’air expiré égale ou supérieure à 0,40 milligramme par litre est puni de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende. » Le dépistage de l’imprégnation alcoolique peut être obligatoire ou facultatif, il est obligatoire lorsque le conducteur est impliqué dans un accident de la circulation ayant entraîné un dommage corporel, ou en cas d’infraction au code de la route punie par une peine complémentaire de suspension du permis de conduire. Le dépistage peut être facultatif, ce qui signifie que c’est laissé à la discrétion des forces de l’ordre. En effet, la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 a prévu à l’article L. 234-9 de permettre aux forces de l’ordre de procéder à un dépistage indépendamment de toute infraction préalable. C’est ce qu’on appelle un contrôle préventif. « Les officiers ou agents de police judiciaire de la gendarmerie ou de la police nationales territorialement compétents soit sur l’instruction du procureur de la République, soit à leur initiative peuvent, même en l’absence d’infraction préalable ou d’accident, soumettre toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur à des vérifications destinées à établir l’état alcoolique, qui sont soit réalisées immédiatement et sur les lieux, soit précédées d’épreuves de dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré. Sur l’ordre et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire adjoints peuvent, même en l’absence d’infraction préalable ou d’accident, soumettre toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur à des épreuves de dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré. » S’agissant du formalisme du contrôle d’alcoolémie, il est effectué sur l’ordre et sous la responsabilité de l’officier de police judiciaire ou d’un agent de police judiciaire depuis la loi n°2021-646 du 25 mai 2021. Un agent de police judiciaire adjoint peut pratiquer un contrôle d’alcoolémie sous la responsabilité d’un officier de police judiciaire, sans que ce dernier ne soit forcément présent sur les lieux du contrôle. Pour autant, une nouvelle exigence est prévue par la Chambre criminelle dans un arrêt du 14 mai 2019. En l’espèce, un individu conduisait sous l’empire d’un état alcoolique, il a fait l’objet d’un dépistage de son imprégnation alcoolique. Ce dépistage s’avère positif, L’individu a alors été poursuivi par le Tribunal de police d’Angoulême. L’individu soulève une exception de nullité du procès-verbal de constatation de l’infraction. En effet, le procès-verbal ne précisait pas la nature de l’ordre reçu de l’officier de police judiciaire concernant les heures et lieu du contrôle préventif effectué. Le Tribunal de police d’Angoulême dans son jugement du 26 juin 2018 a rejeté l’exception de nullité soulevée par le demandeur en invoquant que l’article L. 234-9 du code de la route permettant aux agents de police judiciaire et aux agents de police judiciaire adjoints de réalisés ces contrôles sur l’ordre et sous la responsabilité d’officiers de police judiciaire. Dès lors, le demandeur est reconnu coupable et est condamné à 135 € d’amende. L’individu forme alors un pourvoi en cassation. L’absence de la nature de l’ordre reçu de l’Officier de police judiciaire sur les heures et lieu d’un contrôle préventif entache-t-elle le procès-verbal d’un vice de procédure ? Dans son arrêt du 14 mai 2019, la Chambre criminelle casse et annule le jugement au motif qu’il fallait s’assurer que l’APJ adjoint avait bien reçu l’ordre d’effectuer un contrôle préventif aux heures et lieu de la constatation de l’infraction. Cet arrêt est très important puisqu’il limite par cette nullité de procédure le contrôle d’alcoolémie dans le cadre d’un contrôle préventif. En effet, le procès-verbal doit mentionner, le nom de l’officier de police judicaire, et s’il avait l’autorisation d’effectué un contrôle préventif aux heures et lieu de la constatation de l’infraction. Si ce n’est pas le cas, la procédure est viciée et ne peut donner lieu à une condamnation.
  Qu’est-ce qu’une composition pénale ? Elle fait partie des modes alternatifs aux poursuites proposés par le procureur de la République, la composition pénale est mise en place si la personne concernée reconnaît les faits dont elle est accusée. Cette mesure s’applique avant que la personne ne soit poursuivie devant le Tribunal correctionnel. Le procureur propose alors à l’auteur des faits une ou plusieurs mesures des applicables, qui sont toutes détaillées à l’article 41-2 du Code de procédure pénale. Par exemple, le procureur peut proposer à la personne ayant reconnu les faits de « remettre son véhicule », « ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, le ou les coauteurs ou complices éventuels », « accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté », entre autres. Cette liste contient 20 mesures, parmi lesquelles le procureur choisit une ou plusieurs, et les propose à l’auteur des faits : « 1° Verser une amende de composition au Trésor public. Le montant de cette amende, qui ne peut excéder le montant maximum de l’amende encourue, est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de la personne. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République, à l’intérieur d’une période qui ne peut être supérieure à un an ; 2° Se dessaisir au profit de l’Etat de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou qui en est le produit ; 3° Remettre son véhicule, pour une période maximale de six mois, à des fins d’immobilisation ; 4° Remettre au greffe du tribunal judiciaire son permis de conduire, pour une période maximale de six mois ; 4° bis Suivre un programme de réhabilitation et de sensibilisation comportant l’installation à ses frais d’un éthylotest anti-démarreur sur son véhicule, pour une période minimale de six mois et maximale de trois ans ; 5° Remettre au greffe du tribunal judiciaire son permis de chasser, pour une période maximale de six mois ; 6° Accomplir au profit de la collectivité, notamment au sein d’une personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public ou d’une association habilitées, un travail non rémunéré pour une durée maximale de cent heures, dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois ; 7° Suivre un stage ou une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel pour une durée qui ne peut excéder trois mois dans un délai qui ne peut être supérieur à dix-huit mois ; 8° Ne pas émettre, pour une durée de six mois au plus, des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et ne pas utiliser de cartes de paiement ; 9° Ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans le ou les lieux désignés par le procureur de la République et dans lesquels l’infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime ; 10° Ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, la ou les victimes de l’infraction désignées par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec elles ; 11° Ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, le ou les coauteurs ou complices éventuels désignés par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec eux ; 12° Ne pas quitter le territoire national et remettre son passeport pour une durée qui ne saurait excéder six mois ; 13° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté ; 14° En cas d’infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s’abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l’objet d’une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du présent 14° sont également applicables lorsque l’infraction est commise par l’ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. Pour l’application du présent 14°, le procureur de la République recueille ou fait recueillir, dans les meilleurs délais et par tous moyens, l’avis de la victime sur l’opportunité de demander à l’auteur des faits de résider hors du logement du couple. Sauf circonstances particulières, cette mesure est prise lorsque sont en cause des faits de violences susceptibles d’être renouvelés et que la victime la sollicite. Le procureur de la République peut préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement pendant une durée qu’il fixe et qui ne peut excéder six mois ; 15° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants ; 16° Se soumettre à une mesure d’activité de jour consistant en la mise en oeuvre d’activités d’insertion professionnelle ou de mise à niveau scolaire soit auprès d’une personne morale de droit public, soit auprès d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public ou d’une association habilitées à mettre en oeuvre une telle mesure ; 17° Se soumettre à une mesure d’injonction thérapeutique, selon les modalités définies aux articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique, lorsqu’il apparaît que l’intéressé fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques. La durée de la mesure est de vingt-quatre mois au plus ; 17° bis Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels ; 17° ter Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de responsabilité parentale ; 18° Accomplir à ses frais un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes ; 19° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes ». Le procureur informe la personne concernée, qui pourra donner son accord ou non à la proposition. La mesure sera ensuite soumise à une validation par le président du tribunal.   A quelles infractions s’applique la composition pénale ? Selon l’article 41-2 CPP, la composition pénale peut être proposée aux personnes qui reconnaissent « avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes qui consiste en une ou plusieurs des mesures suivantes ». L’article 41-3 ajoute qu’elle peut être également proposée aux personnes ayant commis des contraventions : « La procédure de composition pénale est également applicable aux contraventions ». Elle s’applique donc aux délits et contraventions, mais pas aux crimes.   Il existe des exceptions aux infractions pouvant faire objet d’une composition pénale : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables en matière de délits de presse, de délits d’homicides involontaires ou de délits politiques », selon l’article 41-2 du CPP.   Quelles sont les conséquences de la composition pénale ? Cette procédure s’appliquant avant que des poursuites ne soient engagées envers l’auteur des faits, « l’exécution de la composition pénale éteint l’action publique » (article 41-2 alinéa 9 CPP). Plus précisément, si la personne concernée accepte la mesure de composition pénale qui lui est proposée par le procureur, elle ne pourra plus être poursuivie par le Ministère Public et être renvoyée devant le tribunal correctionnel. Cependant, si la personne refuse la peine, ou ne l’exécute pas, le procureur a la possibilité de mettre en mouvement l’action publique.   Il est important de préciser que la composition pénale peut aussi être proposée à une personne morale : « Les dispositions des articles 41-2 et 41-3, en ce qu’elles prévoient une amende de composition et l’indemnisation de la victime, sont applicables à une personne morale dont le représentant légal ou toute personne bénéficiant, conformément à la loi ou à ses statuts, d’une délégation de pouvoir à cet effet reconnaît sa responsabilité pénale pour les faits qui lui sont reprochés » (article 41-3-1 A). Cet article prévoit un plafond au montant de l’amende : le « quintuple de l’amende encourue par les personnes physiques ».   Les similitudes de la composition pénale avec la CRPC et l’ordonnance pénale La CRPC, autrement appelée « plaider coupable », est une autre mesure qui peut être proposée par le procureur pour que l’auteur des faits évite de passer devant le tribunal correctionnel (voir notre article « Le fonctionnement de la CRPC »). L’ordonnance pénale est également une procédure simplifiée, qui évite une audience (voir notre article « Ordonnance pénale : quel recours ? »).   La composition pénale et la CRPC se basent toutes deux sur la reconnaissance de culpabilité, et sur le fait que celles-ci sont des mesures rapides évitant d’encombrer le Tribunal correctionnel. Elles doivent être homologuées par un magistrat du tribunal. Comme l’ordonnance pénale et la CRPC, la composition pénale s’applique aux délits et contraventions. Elle ne peut pas porter sur un crime (article 41-2 du CPP).   En conclusion La mesure de composition pénale est une bonne alternative aux poursuites. S’appliquant uniquement aux contraventions et aux délits, elle permet d’éviter la publicité d’un procès, et est applicable tant pour les personnes privées que pour les personnes morales.
POUR SAVOIR SI LA LEGITIME DEFENSE EST PROPORTIONNEE, IL FAUT ETUDIER LE MOYEN DE LA RIPOSTE ET NON LE RESULTAT Cass.crim., 17 janvier 2017, n°15-86.481   Définition de la légitime défense La légitime est définie par le Code pénal comme suit (article 122-5) : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte. N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction ». La légitime défense représente donc une réponse à une atteinte injustifiée aux personnes ou aux biens, réponse qui, en d’autres circonstances, constituerait une infraction condamnable pénalement.   Afin de bénéficier de ce fait justificatif de légitime défense et éviter une condamnation, il convient de répondre à plusieurs critères : -Il faut tout d’abord constater une « attaque injustifiée » sur une personne : dès lors, une personne faisant l’objet d’une agression peut se défendre par la force, -Cette « attaque injustifiée » doit être réelle : l’attaque doit avoir lieu, être présente et ne pas être hypothétique. La jurisprudence rejette donc les cas de défense à titre préventif (Paris, 26 octobre 1999 ; BICC 2000. 358). -la réponse doit être accomplie dans le « même temps », c’est-à-dire être immédiate à l’attaque : la légitime défense ne saurait être retenue si la réponse n’a pas été immédiate après l’attaque (Cass. crim., 16 octobre 1979 : D. 1980. IR 522, obs. Puech ; Cass.crim., 17 janvier 2017, n°15-86.481), -elle doit répondre à la « nécessité de la légitime défense » : la personne attaquée doit se trouver dans une situation où elle n’a pas d’autre choix que de répondre par la force (Cass.crim., 24 février 2015, n°14-80.222), -enfin, la réponse doit être proportionnée à l’attaque.   Cette réponse peut intervenir face à une attaque envers soi-même ou envers autrui.   Ces critères s’appliquent également en cas d’attaque faite aux biens, précision faite par le Code pénal que l’homicide volontaire ne peut jamais être justifié par le crime ou le délit commis contre les biens.   Critère de proportionnalité de la défense Le critère de la proportionnalité de la réponse à une attaque injustifiée est le plus difficile à démontrer. La jurisprudence exige en effet que la réponse à l’attaque ne soit pas d’une violence trop importante par rapport à la gravité de l’attaque (Cass.crim., 24 février 2015, n°14-80.222). A titre d’exemple, un homicide volontaire ne pourra jamais être justifié par l’attaque injustifiée constituée d’une gifle. A ce titre, la Cour de cassation a précisé que ce critère de proportionnalité était étudié par rapport au moyen utilisé pour répondre et non par rapport au résultat (Cass.crim., 17 janvier 2017, n°15-86.481). En l’espèce, lors d’une dispute suite à un accident matériel, deux automobilistes en venaient aux mains. Le conducteur agressé tentait de fuir la scène, puis étant empêché de fuir, il se courbait pour parer aux coups du conducteur agresseur. Il se défendait en lançant sa main vers l’agresseur. Le conducteur agresseur chutait au sol et devenait paraplégique. Les magistrats ont reconnu l’état de légitime défense, au motif que le moyen utilisé pour se défendre, à savoir le fait de lancer sa main vers l’agresseur, était proportionné à l’attaque subie, et ce peu importe les conséquences finales sur l’agresseur. Les magistrats notaient qu’il était impossible d’assurer que la chute avait été provoquée par le coup (s’il avait effectivement touché l’agresseur) ou par la perte d’équilibre de l’agresseur en tentant d’éviter le coup. Le conducteur agressé avait été contraint de se défendre. La Cour de cassation complétait cette analyse en précisant que seule la proportion de la réponse doit être considérée, peu importe le résultat de cette réponse.   Dès lors, comme dans le cas d’espèce, il ne saurait être reproché à un individu d’avoir provoqué de graves conséquences si cet individu n’a fait que répondre de manière proportionnée à une attaque qu’elle subissait.   Actualités récentes La question de la légitime défense fait très souvent l’objet de questions, tant le critère de proportionnalité est important. Pour exemple, une femme s’est vue reconnaitre l’état de légitime défense, pour avoir tué son compagnon avec un coup de couteau dans le cœur. Les magistrats ont retenu que son compagnon, sous l’emprise d’alcool, s’était jeté sur elle et tentait de l’étrangler (https://www.sudouest.fr/faits-divers/pas-de-calais-une-femme-acquittee-du-meurtre-de-son-conjoint-la-legitime-defense-retenue-18098147.php).   De la même façon, l’état de légitime défense a été reconnu concernant un homme qui a tiré sur son neveu. Ce dernier était alcoolisé, s’était rendu chez son oncle en scooter dans la nuit, sans s’annoncer. Il entrait dans le jardin de son oncle, puis brisait une vitre et pénétrait dans le logement à 2H du matin, où se trouvaient la femme et la fille de son oncle. Son oncle lui tirait dessus. La Chambre de l’instruction a prononcé le non-lieu à poursuivre ce dernier (https://actu.fr/hauts-de-france/buigny-l-abbe_80147/homicide-pres-dabbeville-legitime-defense-tireur-reconnue_30665276.html).   Au contraire, l’état de légitime défense n’a pas été retenu pour un jeune homme ayant arraché l’oreille d’un autre individu. Alors qu’ils étaient alcoolisés, ils se battaient sur le parking d’une discothèque. Le premier donnait des coups de poing au second, ce dernier lui faisait alors une clé de bras et lui mordait l’oreille au point de l’arracher. Il était condamné à la peine de 8 mois d’emprisonnement ferme aménagée sous bracelet électronique et 8 mois d’emprisonnement avec sursis probatoire (https://actu.fr/bretagne/saint-malo_35288/il-lui-arrache-une-oreille-en-sortant-de-discotheque-a-saint-malo-et-plaide-la-legitime-defense_60959883.html).   De la même façon, l’état de légitime défense a été refusé dans le cadre d’une attaque à la bombe lacrymogène. Un individu était assis sur un banc, son vélo adossé au banc. Une personne qu’il ne connaissait pas l’abordait, faisait mine de le connaitre et lui demandait de lui rembourser la somme de 15 euros. Face au refus de rembourser cette somme, le passant lui saisissait la manche et faisait mine de partir avec son vélo. Le premier sortait une bombe lacrymogène, le second s’approchait de lui avec un air qu’il trouvait menaçant. Le premier l’attaquait alors avec la bombe lacrymogène. Il était condamné à suivre un stage de citoyenneté (https://www.lamanchelibre.fr/actualite-1097790-coutances-il-craint-une-agression-et-se-defend-la-legitime-defense-refusee).
Constitue une circonstance aggravante le fait pour un individu d’exercer des faits de violence sur son ancienne concubine, en raison d’un différend concernant le droit de visite et d’hébergement de leur enfant   Cass., crim., 2 mai 2024, n°23-85.986   Le principe de répression des violences conjugales en droit pénal français Les violences conjugales sont réprimées par l’article 222-13 du code pénal, qui prévoit que : « Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises : (…) 4° ter Sur le conjoint, les ascendants ou les descendants en ligne directe (…) ; 6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ; (…) ».   Des violences commises par un conjoint, concubin, partenaire de pacte civil de solidarité, ancien conjoint, ancien concubin, ou ancien partenaire de pacte civil de solidarité : une circonstance aggravante   Au-delà de la répression prévue à titre principal par le code pénal, constitue une circonstance aggravante le fait que les violences soient réalisées par le conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou par un ancien conjoint, ancien concubin ou ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. C’est ce que prévoit l’article 132-80 du code pénal. Cette circonstance est donc caractérisée dès lors que l’infraction est commise en raison de la relation existante ou ayant existé entre l’auteur des faits et la victime.   L’arrêt du 2 mai 2024 Il était question dans cet arrêt d’un individu ayant été poursuivi par le Procureur de la République pour des faits de violences ayant entraîné une Incapacité Temporaire de Travail inférieure à huit jours, avec la circonstance que l’auteur des faits est l’ancien concubin de la victime, et qu’il se trouve en état de récidive légale. En effet, les faits de violence ont eu lieu à l’occasion d’un différend relatif à l’exercice du droit de visite et d’hébergement sur l’enfant issu de l’ancienne relation de concubinage entre l’auteur des faits et la victime. Le tribunal correctionnel, dans sa décision, n’a pas retenu la circonstance aggravante, au motif que les violences étaient motivées par le sort de l’enfant, et non par l’ancienne relation de concubinage.  Les faits ont ainsi été qualifiés de violences ayant entraîné une Incapacité Temporaire de Travail inférieure à huit jours. Le ministère public a fait appel de la décision. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon, au motif que les faits se rapportaient à la prise en charge de l’enfant commun aux deux individus ; par conséquent, il s’agissait de faits commis en raison de l’ancienne relation de couple. La circonstance aggravante retenue par le Procureur de la République dans l’acte de poursuite aurait donc dû être maintenue.   La prise en compte des violences conjugales par le gouvernement   En 2022, les forces de sécurité ont enregistré près de 240 000 femmes victimes de violences commises par leur partenaire ou ancien partenaire. Ce chiffre est issu de l’enquête statistique nationale « Vécu et ressenti en matière de sécurité » (VRS) mise en place en 2022, dont les résultats ont été publiés en décembre 2023.   La lutte contre les violences faites aux femmes est une priorité gouvernementale. A cet effet, ont été créés des pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intrafamiliales, qui dirigent le traitement des plaintes pour violences conjugales. Ces pôles spécialisés sont mis en place depuis le 1er janvier 2024.   Toutefois, même si le Code pénal reste neutre dans sa conception / qualification des violences conjugales, la réalité est toute autre. Les violences faites aux femmes prennent une grande place dans la sphère juridique et médiatique, mais il convient de rappeler que des violences sont aussi exercées sur des hommes, et que cette part de victimes n’est pas à négliger. A titre illustratif, une étude nationale menée par le Ministère de l’Intérieur sur les morts violentes au sein du couple en 2018 a relevé que sur l’année, 149 personnes sont décédées des suites de violences au sein du couple, dont 28 sont des hommes.
L’erreur judiciaire demeure l’un des échecs les plus redoutables de notre système pénal. Si l’enquête a pour objectif de faire la lumière sur les faits et de recueillir des preuves à charge et à décharge, elle n’est pas infaillible. Même menée avec rigueur, elle peut conduire à des conclusions erronées. Un récent dossier de violences familiales, que nous avons eu à défendre, illustre cette réalité. 1 – Les faits  L’affaire commence quand une jeune fille de 12 ans est trouvée dans la rue par des passants, en débardeur et sans chaussures. Un couple, famille d’accueil, la ramène chez eux pour la réchauffer. La femme témoigne : « j’ai pensé tout de suite à un viol car elle avait tous les stigmates d’une jeune fille violée, l’air hagard totalement sidérée ». Ils lui donnent un manteau et une paire de chaussures. La jeune fille pleure mais refuse de rentrer chez elle. La police arrive, mais elle refuse de parler. Après plusieurs demandes elle finit par expliquer avoir été frappée par sa mère avec une ceinture et un bâton, après être rentrée en retard. Elle dit que sa famille la « frappe pour un oui pour un non ». La femme ayant recueillie la jeune fille est auditionnée. Elle décrit le comportement de celle-ci comme : « Elle était en trauma total, elle était en état de sidération. Elle avait le regard hagard, les bras ballants, elle était vraiment froide comme un mort. »   2 – L’audition de la victime : La jeune fille explique être sortie un petit peu après les cours, et être arrivée en retard à un atelier de théâtre. Elle se serait alors faite « enguelée » par son beau-père et frappée par sa mère. Son récit est détaillé. Elle décrit des actes très violents de la part de sa mère, physiques comme verbaux. Elle dit avoir été frappée avec une ceinture, et un bâton en bois. Sa mère lui aurait lancé un objet à la figure. Elle dit « je me suis dis que si j’allais restée là j’allais mourir ». Elle raconte les propos de sa mère : « elle m’a dit qu’elle allait me tuer ». Quand le policier lui redemande si elle s’est faite menacée de mort, elle le confirme. La jeune fille relate des faits de violences habituelles qu’elle minimise : « Elle m’a déjà mis des coups de pieds et des tartes mais c’est pas vraiment frapper. […) Mme quand elle me frappait avec la ceinture je me disais que ce n’était rien, j’ai eu peur quand elle a ramené le bâton. » Elle décrit son beau-père comme un complice, qui donne à sa mère le bâton pour la frapper, mais ne la frappe jamais directement.   3 – Les mesures de protection et d’enquête Dans un entretien téléphonique avec l’ASE, la mère reconnait avoir porté une gifle à sa fille. Le beau-père assure qu’il n’y a pas de violences. Après la gifle, elle se serait mise à courir et serait tombée dans les escaliers en quittant le logement. Ils sont sous le choc. La jeune fille est placée en foyer afin de garantir sa sécurité. Un certificat médical est établi 12 jours après les faits. Le médecin de l’unité médico-judiciaire note une tristesse et résignation sur le plan psychologique, et des lésions cutanées qui pourraient être des stigmates de coups de ceinture sur l’avant-bras droit. Lors du rendez-vous, la jeune fille réitère ses propos. Un deuxième certificat fixe l’ITT à 5 jours. Une expertise psychiatrique est effectuée. Elle ne relève pas de mythomanie ou affabulation. Elle liste des crises d’angoisse et un état de stress en relation avec les faits subis. Elle relève un ITT psychologique de 8 jours. Les auditions des témoins, les certificats médicaux, et l’expertise psychologique : tout corrobore les propos de la victime. La mère est placée en garde à vue. 4 – Le procès Soudainement, peu de temps avant le procès, la jeune fille retire sa plainte et avoue avoir menti et inventé les faits depuis le début. En conflit avec sa mère, et souhaitant changer de collège et aller vivre avec son père, elle avait trouvé dans cette occasion un moyen de se séparer de sa mère. Ses parents étant séparés, elle ne voyait pas souvent son père. Celui-ci la gâtait beaucoup lors de ses visites. De plus, la victime avait été harcelée dans son collège, et malgré les sanctions imposées aux auteurs, elle ne s’y sentait pas à l’aise. Au procès, la mère, auteur présumée, est relaxée.   5 – Conclusion Ainsi, même si la jeune fille mentait, l’enquête a réussi à obtenir de nombreuses pièces donnant crédibilité à cette version. Rien, dans le déroulement de l’enquête, ne laissait présager une telle révélation. Aucune négligence manifeste, aucune omission. L’enquête avait même fait preuve de diligence et de méthode. Pourtant, elle n’a pas permis de déceler le mensonge, ni de protéger la mise en cause d’une erreur judiciaire imminente. Le dossier reposait sur sa plainte, les rapports des médecins, la vraisemblance de ses propos, la réitération de ceux-ci et leur aspect détaillé. Ainsi tous les éléments permettant de vérifier ses propos avait été récupérés, et validaient ses allégations. Ce cas soulève une question essentielle : comment concilier le nécessaire accueil de la parole des victimes avec le principe fondamental de présomption d’innocence ? Faut-il croire sans réserve, ou vérifier sans relâche ? La réponse n’est pas simple. Mais ce dossier rappelle avec force qu’un témoignage, aussi convaincant soit-il, doit toujours être examiné avec recul, rigueur et discernement.   Jugement anonymisé
  Dans une affaire que nous avons récemment défendue, une fille âgée de 15 ans, dénonce des violences par sa mère. Elle maintient sa déposition devant les policiers, ainsi que devant l’expert psychiatre. Mais lors de l’audience, elle change finalement de version et reconnaît avoir inventé les faits, en raison de désaccords avec sa mère. La mère est alors relaxée. Sa simple parole a pris une place très importante dans le procès, puisqu’il n’existait aucun témoin des violences alléguées. La place de la victime, et par conséquence de sa parole, dans le procès peut devenir déterminante quand les preuves matérielles sont inexistantes. C’est souvent le cas lors d’infraction d’atteintes sexuelles, ou de violences intra-familiales.   La protection des victimes se heurte parfois à celle des droits de la défense. Or si le procès est important pour la victime, il reste celui de l’accusé. La place de la victime, et sa prise en considération doit donc s’équilibrer avec le respect des droits de la défense et de la présomption d’innocence.     I – La souffrance de la victime   Un courant récent a entraîné une prise en compte grandissante de la souffrance de la victime, à la fois en raison de l’infraction, et du procès même. Ainsi, toute la procédure, du dépôt de plainte à l’exécution d’une peine (si condamnation) peut engendrer de fortes souffrances pour la victime. Celle-ci est replongée sans cesse dans les faits, questionnée sur des détails difficiles à évoquer. La remise en cause de la véracité de ses propos peut être vécu comme de la violence.   En outre, les victimes génèrent souvent plus d’empathie de la part du public suivant l’affaire ou en lisant les résumés dans les médias. La représentation d’une affaire dans les médias est souvent présentée par ses victimes.   Ainsi la souffrance des victimes est, légitimement, de plus en plus, reconnue. Mais il est nécessaire de limiter la responsabilité du condamné au préjudice résultant directement de l‘infraction.   Ainsi le 13 mai 2025, dans le procès pour agression sexuelle envers deux femmes, contre Gérard Depardieu, le Tribunal correctionnel de Paris a reconnu la victimisation secondaire subie par les victimes. Le Tribunal indemnise ici le préjudice moral subit par les victimes en raison de la défense « violente » des avocats de Gérard Depardieu.   Pauline DUFOURQ, avocate pénaliste, dénonce l’atteinte aux droits de la défense, ainsi que les dérives que pourrait entraîner la consécration de la victimisation secondaire dans les tribunaux.   « Cette extension des mécanismes de responsabilité est là encore extrêmement fragile. En effet, la ligne de défense choisie par un avocat, voire le traitement médiatique d’une affaire, ne saurait entraîner la responsabilité du prévenu, quand bien même ce positionnement pourrait légitimement heurter la victime. »     II – La parole de la victime   On assiste parfois à une sacralisation de la parole de la victime. Pour certains, sa contestation est un sacrilège. Si l’accusé est présumé innocent, la partie civile devient « présumée victime ».   Si nous restons loin d’atteindre un point où toute personne remettant en question la parole de la victime tomberait dans l’opprobre, le changement des mœurs demeure évident. Cette remise en question apparaît de plus en plus comme un déni des souffrances de la victime, une forme d’humiliation.   Les professionnels du droit, magistrats comme policiers, se retrouvent face à un problème compliqué qui nécessite l’accomplissement d’un équilibre fragile. D’un côté, la victime présumée, qu’on souhaite protéger et ne pas blesser de nouveau. De l’autre, les droits de la défense, qui nécessitent la remise en question de la victime, de façon impartiale.   Si la balance penche trop pour l’exercice des droits de la défense, la victime risque d’être psychiquement violentée par la procédure et l’audience, ou même de subir un déni de justice. Si la balance penche trop pour la victime, on risque une erreur judiciaire.   C’est ce qui aurait pu se produire dans notre dossier, que nous avons défendu en audience. Sans le retour de la victime sur ses propres témoignages, sa mère aurait été injustement condamnée.   III – La parole de l’enfant   La Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 prévoit en son article 12 que « Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. » Ainsi les enfants ont un droit à la parole. Ils doivent pouvoir être entendus sur toutes les questions qui les concerne. Mais leurs opinions ne peuvent qu’être pris en considération avec un certain recul, dû au manque de maturité qui peut résulter de leur jeune âge. La France a été fortement marquée par l’affaire d’Outreau, qui a entrainé une remise en question de l’accueil des enfants et de leur parole par la justice.   La procédure d’audition Les mineurs sont auditionnés dans une salle spéciale, prévu à cet effet. L’audition est filmée. Art 706-52 du Code de procédure pénale : « Au cours de l’enquête et de l’information, l’audition d’un mineur victime de l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 [meurtre, torture, viol, agression sexuelles, traite d’humain, proxénétisme…] fait l’objet d’un enregistrement audiovisuel. Dans les mêmes conditions, l’audition d’un mineur victime de l’une des infractions prévues aux articles 222-33-2-2 [harcèlement] et 222-33-2-3 [harcèlement scolaire] du code pénal peut faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel. » Cela permet au policier effectuant l’audition de ne pas avoir d’ordinateur, et de pouvoir simplement discuter avec l’enfant. Cela permet aussi de limiter le nombre d’audition, et d’avoir une version plus fidèle de l’audition que les procès-verbaux ordinaires. A l’issue de l’audition, un procès-verbal fidèle mot à mot à la discussion est rédigé. Le policier peut y ajouter le langage non-verbal (regards, mouvements…).   Formation des policiers Les policiers sont formés à recevoir la parole des enfants. Il leur est conseillé une suite d’étapes pour permettre le meilleur témoignage possible. Il convient donc de commencer par se présenter, et expliquer la procédure à l’enfant, ainsi que les « règles » de la discussion. L’enfant doit savoir qu’il peut ne pas comprendre une question, ou ne pas se souvenir des faits. Il ne doit pas être culpabilisé. Il n’est pas possible de forcer un enfant qui ne serait pas volontaire à parler. Mais le policier peut proposer de faire venir un autre policier à sa place, ou de fixer un rendez-vous un autre jour. Les questions posées doivent aller du général aux détails et être ouvertes ou à choix multiples, afin de ne pas influencer la parole de l’enfant. A la fin de l’audition, le policier explique la suite de la procédure à l’enfant et répond à ses questions.   Le discernement Le crédit donné à la parole d’un enfant dépend de sa capacité de discernement. Celle-ci correspond à sa capacité à comprendre la procédure dans laquelle il se trouve et les faits dénoncés. En France, le mineur est présumé doté de discernement à partie de 13 ans. Il est présumé ne pas avoir de discernement avant 13 ans. Mais cette présomption peut être renversée quand l’enfant montre un niveau de maturité suffisant. Art L. 11-1 Code la justice pénale des mineurs : « Les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d’au moins treize ans sont présumés être capables de discernement. » L’absence de discernement n’empêche pas son audition. Cette absence permet juste d’analyser différemment les propos portés.   Valeur de la parole de l’enfant « Si la parole de l’enfant peut être l’élément déclencheur d’une enquête, elle ne doit pas et ne peut pas en être la pièce maîtresse. » L’audition du mineur victime – Chantal Zarlowski La parole de l’enfant est à prendre en compte, en considérant son âge et sa maturité. Plus l’enfant est jeune, plus ses propos doivent être pris avec précautions. L’enfant peut inconsciemment, ou consciemment, mentir ou altérer ses propos originaux. La première audition est généralement considérée comme la plus fidèle aux souvenirs de l’enfant, surtout si celle-ci est réalisée peu de temps après les faits. Les études montrent que plus il y a d’auditions, plus celles-ci se contredisent.   Conclusion :   Il est important de garder la parole de la victime au rang d’élément de preuve et non de manifestation de la vérité. L’accompagnement de la victime doit se faire en dehors du procès, par des professionnels compétents.  
La CIVI (Commission d’indemnisation des victimes d’infractions) La CIVI garantit l’indemnisation de certaines victimes de dommages corporels résultant d’une infraction pénale (ex : mort ; blessures volontaires ou involontaires ayant entraîné une infirmité permanente, une incapacité totale de travail d’un mois minimum ; viol ; agression sexuelle…). En cas de condamnation, la CIVI est tenue par la qualification retenue par la juridiction.     La SARVI (Service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions) La SARVI permet aux victimes qui ont subi de faibles préjudices corporels ou matériels, ne remplissant pas les conditions d’accès à la CIVI, d’être indemnisées, sous réserve de la condamnation définitive de l’auteur des faits. Peut bénéficier de son aide toute personne ayant obtenu une décision émanant de la justice pénale rendue à compter du 1er octobre 2008 lui ayant accordé des dommages et intérêts et éventuellement le remboursement d’une partie ou de l’intégralité des frais de la procédure (article 706-15-1 du Code de procédure pénale). La victime peut agir, si elle n’a pas été indemnisée dans les 2 mois suivant la date de la décision définitive et, au plus tard, 1 an à compter de cette date (ou de la notification de la décision de rejet de la CIVI).     Le FGTI (Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions) Le FGTI a un rôle spécifique à l’égard des victimes d’actes de terrorisme instauré par l’article 9 de la loi du 9 septembre 1986. Le fonds accorde une indemnisation intégrale des préjudices corporels. Il est tenu, dans un délai de 1 mois à compter de la demande qui lui ait faite, de verser une ou plusieurs provisions à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ou, en cas de décès de la victime directe, à ses ayants droit.    
(et notamment le bracelet antirapprochement)   Sous-titre : Quels sont les contours de cette interdiction et que signifie-t-elle précisément ?   Cadre légal L’interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime ou potentielle victime d’une infraction peut intervenir à différents stades de la procédure pénale. Cette interdiction vise à éviter au prévenu ou à l’auteur de l’infraction de faire pression sur la victime, ou de réitérer les faits pour lesquels il a été condamné. –Dans le cadre de l’instruction : le Juge d’instruction ou le Juge des libertés et de la détention peuvent placer le mis en examen sous contrôle judiciaire (Article 138 du Code de procédure pénale) ou sous assignation à domicile sous surveillance électronique (Article 142-5 du Code de procédure pénale) le temps de l’instruction. Dans le cadre de ces deux mesures, ces magistrats peuvent imposer au mis en examen l’interdiction d’entrer en contact avec la victime, de quelque façon que ce soit (Article 138-1 du Code de procédure pénale). –Dans l’attente d’un jugement : Le prévenu peut être soumis à un contrôle judiciaire dans l’attente de l’audience de jugement, et être à ce titre soumis à des obligations et des interdictions. C’est notamment le cas de la convocation par procès-verbal avec placement sous contrôle judiciaire (Article 394 du Code de procédure pénale), décidée par le Procureur de la République. De la même façon, le prévenu peut être amené à refuser la comparution immédiate et à demander un délai pour préparer sa défense. Dans ces conditions, le Tribunal pourra le placer sous contrôle judiciaire le temps de la prochaine audience (Article 397-3 du Code de procédure pénale). –A la condamnation : le Tribunal peut condamner le prévenu à une peine d’emprisonnement assorti d’un sursis probatoire (ancien sursis avec mise à l’épreuve), c’est-à-dire un sursis dans le cadre duquel il devra respecter des interdictions et obligations. Dans ce cadre, le juge peut imposer une obligation de « S’abstenir d’entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l’exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction » (Article 132-45 du Code pénal).   Cas spécifique des violences conjugales Dans le cas spécifique des violences conjugales, la législation prévoit la possibilité de placer le mis en examen ou le prévenu en attente de jugement sous un dispositif électronique spécifique, à savoir le bracelet anti-rapprochement (Article 138, 17bis, du Code de procédure pénale) : « 17° bis Respecter l’interdiction de se rapprocher d’une victime de violences commises au sein du couple prévue à l’article 138-3 et contrôlée par un dispositif électronique mobile anti-rapprochement ». Ce bracelet peut être mis en place dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Article 138-3 du Code de procédure pénale). Cette mesure peut aussi être décidée par la juridiction de jugement, sous la forme d’une peine (Article 132-45, 18bis, du Code pénal). Selon l’article 132-45-1 du Code pénal, ce dispositif peut être mis en place avec le consentement de la victime et de l’auteur, en cas d’infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement contre son conjoint, concubin ou partenaire de pacs, ancien ou actuel.   Moyen de contact interdits L’interdiction d’entrer en contact avec la victime est large et vise tout moyen de contact. Elle s’entend notamment du contact physique. Il est donc interdit à la personne soumise à cette interdiction de rencontrer physiquement la victime. Mais plus encore, cette interdiction s’étend à la prise de contact par téléphone ou par lettre (Cass.crim., 13 mai 2015, n°14-80.956). Le fait de passer par un tiers pour prendre contact est également inclus dans cette interdiction, notamment en passant par la voisine (Cass.crim., 13 mai 2015, n°14-80.956). De plus, il convient de noter que la prise de contact par le biais des réseaux sociaux est également incluse dans cette interdiction (https://lagazette-sqy.fr/2024/02/27/votreville/trappes/un-mari-a-contacte-plus-de-500-fois-sa-femme-alors-que-cela-lui-etait-interdit-par-la-justice/). Enfin, le fait que la victime prenne elle-même contact avec le prévenu ou le condamné, ou qu’elle manifeste la volonté de faire retirer cette interdiction, ne lève pas l’interdiction de contact pesant sur le prévenu ou le condamné (https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/elle-supplie-le-tribunal-de-ne-pas-maintenir-l-interdiction-de-contacts-avec-son-conjoint-violent-95b25b28-a39c-11ed-a69f-2485525f016c).   Risques en cas de non-respect de cette interdiction En cas de non-respect par le prévenu ou le mis en examen de l’interdiction d’entrer en contact avec la victime, celui-ci risque la révocation du contrôle judiciaire, c’est-à-dire le retrait de cette mesure. Dans ce cas, le prévenu ou le mis en examen sera placé en détention provisoire le temps de l’instruction ou dans l’attente de son jugement (Article 141-2 du Code de procédure pénale). Dans le cadre d’un sursis probatoire, le condamné qui ne respecterait pas l’interdiction d’entrer en contact avec la victime risque la révocation de son sursis probatoire (Article 132-47 du Code pénal). Cela signifie qu’en cas de nouvelle condamnation, le Juge pourra décider d’appliquer tout ou partie de la peine sous sursis, sur avis du Juge de l’application des peines. Concrètement, si une personne était condamnée à la peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans, et que l’interdiction de rentrer en contact avec la victime est violée, alors le Juge pourra décider d’imposer la peine de 6 mois d’emprisonnement fermes ou moins, en plus de la nouvelle peine liée à la nouvelle infraction. De plus, le Juge de l’application des peines peut lui aussi, sans intervention d’une nouvelle infraction, révoquer tout ou partie du sursis probatoire en cas de non-respect de cette interdiction. Il est donc primordial de respecter cette interdiction en toute circonstance, y compris lorsque c’est la victime qui prend contact.
Le décret n°2016-660 du 20 mai 2016, dit « décret MACRON », impose une obligation supplémentaire de justification de sa saisine aux demandeurs   Avant 2016, les demandeurs devant le Conseil des prud’hommes, salariés pour la majorité, pouvaient saisir le Conseil avec une requête brève. Il n’était pas requis une argumentation complète. Depuis ce décret n°2016-660 du 20 mai 2016, l’article R.1452-2 du Code du travail a évolué vers une nécessité de justifier sa demande. Que doit comporter la saisine du Conseil des prud’hommes ? L’article R.1452-2 du Code du travail, tel que modifié depuis le décret n°2016-660 du 20 mai 2016 en son article 8, prévoit que : « La requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud’hommes. Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l’article 57 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé. La requête et le bordereau sont établis en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs, outre l’exemplaire destiné à la juridiction ». La mention à un « exposé sommaire des motifs de la demande » et « chacun des chefs de celle-ci » fait donc obstacle à une simple demande envoyée au Conseil de prud’hommes mais suppose des mentions obligatoires et notamment une précision dans la demande et sa motivation. L’article 57 du Code de procédure civile renvoie quant à lui à l’article 54, qui prévoit : « A peine de nullité, la demande initiale mentionne : 1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ; 2° L’objet de la demande ». Ces différents articles prévoient donc l’obligation pour le demandeur de motiver sa demande. A la façon du droit civil, le droit prud’hommale s’est donc doté d’une obligation de de motivation pesant sur le demandeur. En effet, la jurisprudence civile constante exige l’exposé des moyens de droit et de fait dans les actes de saisine (CA de PARIS, 17 janvier 2024, n°23/03728) : « En application de l’article 916 du code de procédure civile, la requête, remise au greffe de la chambre à laquelle l’affaire est distribuée, contient, outre les mentions prescrites par l’article 57 et à peine d’irrecevabilité, l’indication de la décision déférée ainsi qu’un exposé des moyens en fait et en droit ». Cette obligation ne pèse pas seulement lors de la saisine, mais pèse également dans le cadre des conclusions fournies tout au long de la procédure, comme le prévoit le nouvel article R.1453-5 du Code du travail : « Lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, elles sont tenues, dans leurs conclusions, de formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées ». En conclusions, il est impératif désormais de préciser sur quel texte juridique se fonde la demande et sur quel élément de fait (et donc sur quelle pièce).   La critique de cette modification Il a été reproché à ce décret de faire peser une charge trop lourde sur les salariés qui sont pourtant censés pouvoir se présenter seuls devant la juridiction, l’avocat n’étant pas obligatoire. Il a également été reproché à ce décret de rompre l’égalité entre les salariés et les employeurs (majoritairement en défense), car l’article R. 1452-2 du Code du travail impose au demandeur une motivation supplémentaire qui n’est pas sollicité du défendeur. Le Conseil d’Etat a répondu ces critiques (CE, 6ème et 5ème chambres réunies, 30 janvier 2019, n°401681) : « 13. Les obligations nouvelles, prévues par l’article 8 du décret attaqué, à la charge du justiciable qui entend présenter une requête devant le conseil de prud’hommes, permettent d’assurer l’information immédiate des parties et de la juridiction sur les données du litige et concourent, par suite, à la bonne administration de la justice. De telles obligations ne portent d’atteinte excessive ni au droit d’accès au juge ni au droit à un procès équitable garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ainsi que par les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Si, selon les requérants, ces formalités peuvent représenter une contrainte particulière pour certains justiciables, lesquels peuvent, au demeurant, être assistés ou représentés, en application de l’article R. 1453-2 du code du travail, par un autre salarié, un conjoint, un défenseur syndical ou un avocat, l’article 8 du décret attaqué ne méconnaît pas le principe d’égalité entre les justiciables. En deuxième lieu, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. 15. Si l’article R. 1452-2 du code du travail impose au demandeur de produire avec sa requête les pièces qu’il souhaite présenter à l’appui de ses prétentions, l’article R. 1452-3 du même code se borne à prévoir que le greffe invite le défendeur à déposer ou à lui adresser les pièces qu’il entend produire. L’obligation ainsi faite au demandeur est destinée, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, à faciliter la mise en état et le traitement des affaires par la juridiction prud’homale. Une telle obligation n’est, toutefois, pas prescrite à peine de nullité. Il résulte, par ailleurs, de l’article L. 1454-1-2 du code du travail que les conseillers rapporteurs prescrivent au demandeur comme au défendeur toutes mesures nécessaires pour que l’affaire soit en état d’être jugée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu’en soumettant les demandeurs et les défendeurs à des règles différentes en matière de production de pièces, les dispositions de l’article 8 du décret attaqué méconnaîtraient le principe d’égalité». Il ressort de cette décision que : -l’obligation de motiver sa saisine du Conseil de prud’hommes a pour objectif une bonne administration de la justice et de permettre à chacun dès le début de la procédure d’en comprendre les aspects (et donc de se défendre) ; -il n’existe pas d’inégalité avec les défendeurs, qui ont aussi une obligation de fournir leur argumentation, mais sans peine de nullité car ils subissent la procédure mais ne l’ont pas initié. Il faut en comprendre que l’objectif de cet article est d’éviter les saisines infondées ou fantaisistes.   Que faire, en tant que défendeur, en cas de mentions incomplètes ? L’article 54 du Code de procédure civile prévoit que l’absence de l’objet de la demande entraine la nullité de celle-ci. La jurisprudence civile constante exige en effet l’exposé des moyens de droit et de fait dans les actes de saisine (CA de PARIS, 17 janvier 2024, n°23/03728) : « En application de l’article 916 du code de procédure civile, la requête, remise au greffe de la chambre à laquelle l’affaire est distribuée, contient, outre les mentions prescrites par l’article 57 et à peine d’irrecevabilité, l’indication de la décision déférée ainsi qu’un exposé des moyens en fait et en droit. (…) Il reste que le non respect des articles 54 et 57 du code de procédure civile auquel l’article 916 renvoie est sanctionné par la nullité et non par l’irrecevabilité ». Il conviendra donc de vérifier que ces moyens existent, et en cas d’absence, de soulever « in limine litis » (c’est-à-dire avant toute demande au fond) la nullité de la saisine. ATTENTION : l’article 114 du Code de procédure civile prévoit que : « La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public ». La simple demande de nullité ne suffira donc pas. Il convient d’expliquer au Conseil de prud’hommes en quoi cette saisine et l’absence d’objet vous a fait grief, c’est-à-dire que cela atteint vos intérêts légitimes.