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La saisine du juge des Affaires Familiales doit être préférée à la non-représentation d’un enfant en cas d’exposition à des violences ou autre fait infractionnel d’un enfant par l’un de ses parents   Cass. crim., 4 avr.2024, n°23-84-683   Le délit de non-représentation de l’enfant En cas de séparation des parents, l’attribution et les modalités de garde des enfants doivent être prévus. Pour cela, les parents peuvent se mettre d’accord, auquel cas la séparation sera à l’amiable et les modalités de séparation seront convenues entre les parties. Autrement, à défaut d’accord entre les parents, ou si aucune décision relative à la garde n’est prévue, le Juge aux Affaires Familiales (JAF) devra être saisi. Le JAF a pour mission d’attribuer la garde de l’enfant, de fixer sa résidence habituelle et les modalités de visite et d’hébergement de chaque parent / titulaire de l’autorité parentale. La décision rendue par le JAF devra alors être respectée par les parties concernées, c’est-à-dire les parents. Le non-respect de cette décision est sanctionnable. Notamment, le fait de ne pas représenter l’enfant dans le cadre du droit de visite et d’hébergement constitue un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Celui-ci est défini par l’article 227-5 du Code pénal comme le fait de ne pas représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer. Il est important de préciser que ni l’état de nécessité ni la résistance de l’enfant ne peuvent justifier un tel comportement si l’intention délictuelle est établie.   L’arrêt du 4 avril 2024 : la présentation d’une question prioritaire de constitutionnalité relative au délit de non-représentation d’un enfant exposé à un risque de violences à son encontre Une question prioritaire de constitutionnalité contestant l’article 227-5 du Code pénal a été formulée. La non-représentation d’enfant, lorsqu’elle est effectuée dans le but de protéger les intérêts de l’enfant et l’équilibre familial d’un possible danger, est justifiée par le principe de nécessité des peines ainsi que les droits de l’enfant et à la protection de la famille garantis par les articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi que par les alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution de 1946, et ne devrait pas, en principe, être condamnable. La Cour de Cassation rappelle ainsi que si un enfant est exposé à un risque de violences ou de toute autre infraction à son encontre par un titulaire de l’autorité parentale, la modification des décisions du Juge des Affaires Familiales peut être demandée, à tout moment, par l’un des parents. Dès lors, la non-représentation d’un enfant ne peut être justifiée par l’exposition à un risque de violences ou toute autre infraction commise par l’un des parents, à l’encontre de l’enfant. Par ailleurs, lorsque le refus de représentation repose sur des violences dont serait victime l’enfant, le procureur de la République doit procéder à des vérifications permettant d’apprécier la réalité des violences avant de déclencher l’action publique, comme l’indique le Code de procédure pénale à l’article D.46-11-3.   En conséquence, en cas de faits de violence ou de toute infraction commise sur l’enfant par l’un des parents, il faut saisir le JAF et le procureur de la République afin que soit démontrée la réalité des faits allégués, et que l’enfant soit protégé, les intérêts de l’enfant devant être préservés. La Cour estime ainsi qu’il n’y a pas lieu de renvoyer cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Quand bien même il semble que la justice avance plus lentement que les événements et les risques encourus par les enfants et les familles, l’actualité nous montre que la ténacité des parents et des avocats qui portent leurs dossiers n’est pas vaine.   L’Affaire Sophie ABIDA, l’histoire d’une mère incriminée pour non-représentation d’enfants afin de les protéger de leur père Alors que Sophie Abida et son mari sont séparés depuis 2021 en raison de violences physiques commises sur leurs enfants, ces derniers révèlent, en janvier 2022, avoir subi des violences physiques et sexuelles au domicile de leur père. L’aîné, en septembre et en novembre 2022, décrit des « faits de viols commis par son père de manière récurrente ». La mère de ces derniers, Sophie Abida, souhaitant protéger ses enfants, refuse de les représenter au père, qui porte plainte. Face au juge des enfants d’Orléans, l’enfant réitère ses propos. Pourtant, Sophie Abida a été condamnée par le tribunal de Chartres à dix mois d’emprisonnement avec sursis pour non-représentation d’enfants, la juridiction estimant que l’état de nécessité ne pouvait être caractérisé dans une telle situation. Par la suite, une décision du JAF attribue la garde des enfants au père. Cette affaire réitère le principe selon lequel le JAF doit être saisi en cas de non-respect de la décision du JAF relative à l’exercice du droit de garde des enfants, ou bien si les intérêts de l’enfant sont mis en jeu. Concernant les faits de violence, ceux-ci ont été démontrés. En mai 2024, le père de famille a été condamné à trois mois de prison avec sursis pour des violences sur deux de ses quatre enfants.
LA CONSTATATION DE NOUVEAUX DELITS FLAGRANTS OU DE LA REITERATION DE L’INFRACTION NE PEUVENT PAR ELLES-MEME PERMETTRE LA PROLONGATION DE L’ENQUETE DE FLAGRANCE Cass.crim., 18 décembre 2013, n°13-85.375   Définition de l’enquête de flagrance   L’enquête de flagrance est définie par l’article 53 du Code de procédure pénale comme :   « Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit ».   Autrement dit, l’enquête de flagrance porte sur des infractions qui viennent d’être commises ou ont été commises dans un espace de temps très voisin de la découverte des faits.   En outre, l’enquête de flagrance porte sur des crimes ou des délits, donc nécessairement des infractions pénales faisant encourir une peine d’emprisonnement.   Début et fin de l’enquête de flagrance   Comme évoqué, l’enquête de flagrance est conditionnée au temps de commission ou de découverte de l’infraction.   Elle début donc lorsque :   -l’infraction « se commet actuellement » : c’est le cas lorsqu’un membre des forces de l’ordre constate l’infraction. A titre d’exemple, il constate qu’un individu brise la vitre d’une habitation pour y pénétrer ;   -l’infraction « vient de se commettre » : l’infraction a déjà été commise, mais est immédiatement rapportée aux forces de l’ordre.  Par exemple, un passant se rend dans un commissariat ou une gendarmerie afin d’informer avoir vu quelques minutes auparavant un individu briser la vitre d’une habitation et y entrer ;   -il y a aussi flagrant délit lorsque « dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique » : l’infraction vient d’avoir lieu, et les forces de l’ordre sont averties par les témoins. Par exemple, un individu porteur d’une cagoule brise une vitre, entre dans une habitation, en ressort avec un sac rempli et fuit, les passants hurlent alors qu’il y a eu un vol et les forces de l’ordre en sont averties de la sorte. C’est la formule « au voleur ! » ;   -enfin, « la personne soupçonnée (…) est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit » : c’est par exemple le cas de l’individu trouvé par les membres des forces de l’ordre porteur d’une cagoule, des gants dans les poches et un sac à la main rempli de bijoux.   La jurisprudence exige également que les membres des forces de l’ordre relèvent des indices apparents d’un comportement délictueux révélant l’existence d’une infraction (Cass.crim., 4 janvier 1982, n°80-95.198, Cass.crim., 2 février 1988, n°87-81.147).   Une enquête de flagrance ne pourra donc pas débuter sur un renseignement anonyme, même si l’infraction vient d’être réalisée, car les membres des forces de l’ordre ne peuvent constater d’indices apparents de la commission de cette infraction. Et ce également si la personne dénoncée par renseignement anonyme est connue des forces de l’ordre (Cass.crim., 11 juillet 2007, n°07-83.427).   L’enquête de flagrance dure, selon l’article 53 du Code de procédure pénale, pendant 8 jours.   Au-delà, une prolongation peut être ordonnée par le Procureur de la République, dans certaines conditions (crime ou délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 5 ans, investigations qui ne peuvent être différées).   A défaut de prolongation, l’enquête de flagrance prend fin au terme de huit jours et l’enquête préliminaire débute.   Différences de pouvoirs entre l’enquête de flagrance et l’enquête préliminaire   Ces deux cadres d’enquête diffèrent dans les pouvoirs octroyés aux forces de l’ordre.   Si les actes d’enquête sont les mêmes, l’urgence de l’enquête de flagrance autorise en effet les OPJ à réaliser des actes sans obtenir certaines autorisations.   A titre d’exemple, les perquisitions de domicile peuvent être réalisées sans l’autorisation de l’occupant dans le cadre d’une enquête de flagrance, cette autorisation étant nécessaire dans le cadre d’une enquête préliminaire (article 57 du Code de procédure pénale).   De la même manière, un OPJ peut, de sa propre initiative, procéder à des réquisitions dans le cadre de l’enquête de flagrance, tandis qu’une autorisation du Parquet est obligatoire dans le cadre de l’enquête préliminaire (article 60 et suivants du Code de procédure pénale).   Le cadre d’enquête a donc un enjeu en termes d’étendue des pouvoirs des OPJ.   Arrêt du 18 décembre 2013 : pas de prolongation de l’enquête de flagrance par la découverte de nouveaux faits   En l’espèce, des policiers en patrouille de sécurité, passant au niveau d’un parking extérieur, non clos, d’une résidence privée, ont constaté la présence d’un véhicule dépourvu de certificat d’assurance, muni de double plaque d’immatriculation.   Leurs vérifications ont permis d’établir que le véhicule était volé et que les plaques étaient fausses.   Une enquête de flagrance était ouverte et un dispositif de surveillance du véhicule était mis en place.   Les investigations se poursuivaient dans le cadre d’une enquête préliminaire, au cours de laquelle les policiers découvraient d’autres véhicules volés, d’autres fausses plaques et un trafic de stupéfiants.   Ils délivraient dès lors, sans autorisation préalable du magistrat du Parquet, des réquisitions relatives à la vidéosurveillance et aux transactions bancaires liées, pouvoirs accordés dans l’unique cadre de l’enquête de flagrance.   La Cour de cassation rappelle que la découverte de nouveaux délits flagrants ne peut proroger le délai de 8 jours accordé à l’enquête de flagrance, car seule l’autorisation du Parquet ou l’ouverture d’une procédure de flagrance incidente aurait permis aux services de police de continuer à agir dans le cadre de la flagrance.
UNE ESCROQUERIE (CREATION D’UNE FAUSSE IDENTITE) PEUT ETRE JUSTIFIEE PAR LA LIBERTE D’EXPRESSION DES JOURNALISTES Arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 26 Octobre 2016, n°15-83.774 Un journaliste avait usé d’un faux nom et d’une fausse qualité pour créer de faux profils sur un réseau social et un site pour adhérer au Front National. Cela lui avait permis d’obtenir des documents qu’il avait utilisés dans un livre pour raconter son expérience. Par un arrêt du 26 octobre 2016, les juges ont confirmé l’ordonnance de non-lieu aux motifs que le journaliste n’avait pas l’intention de nuire au parti politique et avait pour seul objectif d’informer et d’avertir les lecteurs dans le cadre d’un débat d’intérêt général.
Dans quelles conditions un étranger s’étant opposé à une mesure d’éloignement du territoire français peut-il être condamné ? Les étrangers ne détenant pas un titre de séjour valide ou représentant une menace pour l’ordre public peuvent se voir appliquer différentes mesures d’éloignement. Parmi ces mesures se trouvent : –l’Obligation de quitter le territoire français : il s’agit d’une mesure administrative prise par le Préfet, obligeant un étranger en situation irrégulière à quitter le territoire par ces propres moyens dans un délai de 30 jours (ou sans délai), –l’Expulsion : il s’agit d’une mesure administrative prise par le Préfet ou le Ministre de l’Intérieur, visant à obliger un étranger, représentant une menace pour l’ordre public ou en cas d’urgence, à quitter le territoire, par la force si nécessaire, –l’Interdiction du territoire français : il s’agit d’une peine pénale appliquée à titre principale ou complémentaire, prise contre un étranger ayant commis un crime ou un délit, -la Remise à la frontière : cette mesure administrative est une reconduite à la frontière et oblige l’étranger à se rendre dans un autre Etat européen, l’étranger étant remis directement aux autorités étrangères.   L’étranger faisant l’objet de l’une de ces mesures a l’obligation de les respecter et a l’interdiction d’y faire obstacle d’une quelconque manière à son éloignement. En cas de refus ou d’obstacle de l’étranger à son éloignement, celui-ci peut être condamné sur le plan pénal.   La question qui se pose est celle de savoir dans quelles conditions cette condamnation peut avoir lieu.   De quelle peine s’agit-il ? En premier lieu, l’article L.824-1 du CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) prévoit que : « Est puni de trois d’emprisonnement le fait, pour un étranger, de ne pas présenter à l’autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l’exécution d’une interdiction administrative du territoire, d’une décision d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière ou d’une obligation de quitter le territoire français ou, à défaut de ceux-ci, de ne pas communiquer les renseignements permettant cette exécution ou de communiquer des renseignements inexacts sur son identité.L’étranger condamné en application du présent article encourt la peine complémentaire de dix ans d’interdiction du territoire français ».   L’article L.824-9 du CESEDA prévoit quant à lui : « Est puni de trois ans d’emprisonnement le fait, pour un étranger, de se soustraire ou de tenter de se soustraire à l’exécution d’une interdiction administrative du territoire français, d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une décision d’expulsion. Cette peine est également applicable en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux modalités de transport qui lui sont désignées pour l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet. Cette peine est également applicable en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet. L’étranger condamné en application du présent article encourt la peine complémentaire de dix ans d’interdiction du territoire français ».   Quelles sont les différentes étapes de la procédure d’éloignement à respecter avant une condamnation pénale ? La Cour de Justice de l’Union européenne a rappelé le 28 avril 2011 (arrêt EL DRIDI, affaire C-61/11) que toutes les mesures de nature administrative doivent être mises en œuvre avant toute condamnation pénale, en vertu de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008. Cette directive organise en effet les étapes successives à respecter, par degré de coercition croissant : -article 6 : étape initiale, les autorités peuvent prendre une mesure d’éloignement mais elles doivent privilégier son exécution volontaire, -article 7 : dans des conditions particulières telles qu’un risque de fuite, un délai pour exécuter peut être imposer, voire une exécution sans délai, -article 8 : en cas d’absence d’exécution, toutes les mesures nécessaires, y compris coercitives, peuvent être mises en œuvre, -article 15 : la rétention de l’étranger en vue de l’exécution peut être mise en œuvre. Les mesures les plus coercitives sont donc l’assignation à résidence et la rétention administrative (l’enfermement). Une fois ces différentes étapes réalisées de manière infructueuse, des sanctions pénales peuvent être prononcées. L’objectif de cette directive est donc de contraindre les Etats à réaliser toutes les démarches en vue de l’éloignement, et de condamner sur le plan pénal en cas d’échec de la procédure d’éloignement. Il ne s’agit ainsi pas de deux procédures appliquées parallèlement.   Que signifie l’application de sanctions pénales en cas d’échec de ces étapes ? Par trois arrêts du 13 avril 2023, la Cour de cassation est venue apporter des précisions sur cette condamnation pénale (pourvois n°22-81.676, n°22-85.816, n°22-84.426). La Cour de cassation a jugé que la sanction pénale ne peut avoir lieu avant que toutes les étapes de la procédure d’éloignement n’aient été réalisées. Elle précise que cela signifie : -la durée maximale d’une mesure de rétention a été atteinte, ou -il a été mis fin à cette mesure en raison du constat qu’il n’existe plus de perspectives d’éloignement.   Ainsi, la Cour de cassation a jugé qu’une sanction pénale sur le fondement des articles L.824-1 et L.824-9 du CESEDA ne peut être prononcée qu’en ultime recours, une fois tous les efforts en vue de l’éloignement mis en œuvre, et une fois les délais maximums de rétention atteints.   Pour conclure, il convient dès lors de vérifier que toutes les étapes ci-dessus rappelées ont été respectées, et que la rétention administrative avait atteint son délai maximum, faute de quoi une requête en nullité pourra être réalisée.
La Cour de cassation vient apporter son secours aux médecins pratiquant l’euthanasie Par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 5 mars 2019, cette dernière a considéré que : « les faits, tel que dénoncés par les parties civiles, auraient été commis dans le cadre de la procédure collégiale même si ce protocole a été réalisé de manière imparfaite ce qui exclut toute intention de porter atteinte à la personne du patient et dès lors ne sont pas susceptibles de recevoir une qualification pénale» (Cass. Crim., 5 mars 2019, n°18-80.712). Il s’agissait de la très médiatique affaire Vincent Lambert. Les médecins ayant pratiqué l’euthanasie sur ce dernier avait utilisé la procédure prévue par la loi dite « Léonetti» dans sa version en vigueur à la date des faits (LOI n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie). Pour autant, dans le cadre de cette procédure collégiale, les médecins en question avaient commis un certain nombre d’erreurs dans le respect du protocole. Il s’agissait alors de savoir s’ils pouvaient être, en raison de ces erreurs, poursuivis pour tentative d’assassinat et violences sur personne vulnérable, non-assistance à personne en péril, délaissement d’une personne hors d’état de se protéger. Une plainte avec constitution de partie civile avait été déposée, la chambre de l’instruction n’avait pas prononcé un non-lieu mais plus radicalement encore l’irrecevabilité de la constitution de partie civile et un refus d’informer. Si on comprend bien, en opportunité, la décision de la Cour  est plus discutable sur le terrain du strict droit pénal car une telle exception n’avait évidement pas été prévue par la loi. La Cour a donc voulu protéger les médecins qui se risquent sur le terrain difficile de l’euthanasie en leur « permettant» quelques erreurs éventuelles dans la mise en place de la procédure prévue par la loi de 2005, sans qu’ils puissent néanmoins être poursuivi en raison de ses erreurs. La portée de cet arrêt est très importante car elle pourrait bénéficier à tous les auteurs de procédure irrégulière d’arrêt de soins.
Est complice d’exercice illégal de la médecine le médecin qui vend du matériel à la gérante d’un salon d’esthétique, non titulaire d’un doctorat en médecine, pour exercer des cryolipolyse et micro-needling Cass.crim., 31 janvier 2023, pourvoi n°22-83.399 En droit français, pour caractériser l’exercice illégal de la médecine, il est nécessaire d’être en présence d’un acte médical. L’arrêté du 6 janvier 1962 fixe la liste des actes médicaux pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d’analyses médicales non médecins. Ensuite, le législateur a dressé une liste de comportements constitutifs d’exercice illégal de la médecine à l’article L. 4161-1 du Code de la santé publique :   Toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d’un médecin, à l’établissement d’un diagnostic ou au traitement de maladies, congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tous autres procédés quels qu’ils soient, ou pratique l’un des actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre chargé de la santé sans être titulaire d’un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l’article L. 4131-1 et exigé pour l’exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales mentionnées aux articles L. 4111-2 et suivants du Code de la santé publique. Toute personne qui se livre aux activités définies ci-dessus sans être de nationalité française, de citoyenneté andorrane ou ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, du Maroc ou de la Tunisie, compte tenu, le cas échéant, des exceptions apportées par le Code de la santé publique. Toute personne qui, munie d’un titre régulier, sort des attributions que la loi lui confère, notamment en prêtant son concours aux personnes mentionnées aux 1° et 2°, à l’effet de les soustraire aux prescriptions du présent titre. Toute personne titulaire d’un diplôme, certificat ou tout autre titre de médecin qui exerce la médecine sans être inscrite à un tableau de l’ordre des médecins ou pendant la durée de la peine d’interdiction temporaire à l’exception des personnes mentionnées aux articles  4112-6 et L. 4112-7. Le médecin, le praticien de l’art dentaire ou la sage-femme qui exécute des actes professionnels sans remplir les conditions ou satisfaire aux obligations prévues audit article. Dans l’arrêt rendu par la chambre criminelle le 31 janvier 2023, un médecin a vendu à la gérante d’un salon d’esthétique, non-titulaire d’un titre lui permettant d’exercer des actes de médecine, des appareils réservés aux médecins afin qu’elle puisse pratiquer des actes de cryolipolyse et de micro-needling. De plus, le médecin avait dispensé des formations relatives à ces actes. Après avoir recouru à des actes de cryolipolyse et de micro-needling dans ce salon d’esthétique, des lésions sont apparues sur le corps de 4 clientes (tâches rougeâtres, gonflements, cloques, brûlures…). Une enquête a été ouverte et le médecin a été poursuivi du chef de complicité de l’exercice illégal de la médecine. La Cour d’appel confirmée par la Cour de cassation a considéré que tant la cryolipolyse (même à visée esthétique) que le micro-needling (bien que non expressément visée par le texte) constituent des actes médicaux entrant dans les prévisions de l’arrêté du 6 janvier 1962 et ainsi, en réserve la pratique aux médecins. Par conséquent, en vendant du matériel et en dispensant des formations à des individus non-titulaires du titre leur permettant d’exercer des actes médicaux, le médecin s’est porté complice par aide ou assistance, conformément à l’article 121-7 du Code pénal, à l’exercice illégal de la médecine.